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12 Years a Slave, film de Steve McQueen

Par Onarretetout

12yearsaslave

Qu’est-ce qu’on peut montrer encore de l’esclavage aux Etats-Unis au XIXe siècle ? Quand on a vu le film de Steve McQueen, on se dit qu’on ne nous en avait pas montré la violence. Même le ciel y saigne.

Le réalisateur nous montre la situation des esclaves sans complaisance : ce ne sont que des objets, propriété de leurs maîtres, objets de production, objets sexuels. Le maître a tous les droits, et ne s’en prive pas. S’il confie à Michael Fassbender, l’acteur qu’on a vu dans Hunger, son plus proche interprète, le rôle du plus cruel d’entre eux, ce n’est pas seulement par la qualité d’interprétation de cet acteur ; c’est parce qu’il est le sujet principal du film, il exprime ce qu’ont sans doute pensé et vécu les esclavagistes : ces nègres sont ma propriété, me les prendre serait me spolier, contester la façon dont je les traite c’est contester mon droit. Il est convaincu d’être dans le bien, puisque c’est lui qui détient la Bible, les écritures saintes où les coups de fouet se comptent par centaines. Quand la récolte est mauvaise, il se demande ce qu’il a fait pour mériter ça ; il n’a rien fait de mal, donc ce sont ses esclaves qui lui ont pourri sa récolte. On ne peut pas être le maître d’esclaves sans cette conviction qu’on est le bras de la justice divine. Les propos qui prétendent le contraire n’ont aucun effet.

Les dos des esclaves sont lacérés, explosés, puisque le fouet est la seule leçon qu’ils retiennent. Le fouet, toujours le fouet. Même les pales de la roue à aubes frappent et laissent sur l’eau des cicatrices où sombre le corps de celui qui ose contester une décision du Blanc. Les corps ne sont que marchandise. Steve McQueen le montre nettement et la nudité, quand elle arrive sur l’écran n’est pas une exhibition : ce n’est que l’étalage de ce qui est à vendre. Et nul n’a le choix d’être d’un côté ou de l’autre de ce commerce. Celui qui vend ne se soucie que du gain qu’il va faire (avec les adultes mais aussi avec les enfants), et celui qui achète sait qu’il peut toujours utiliser ces esclaves pour d’autres échanges ultérieurs. Mais les Noirs n’ont pas plus le choix : faut-il résister ? faut-il se taire ? faut-il survivre ? faut-il vivre ? Toutes ces questions se sont posées à tous les groupes humains qu’on a maltraités et le film ne donne pas de réponse. On essaie de résister, on essaie de se soumettre, et alors ?

Les images de ce film sont construites de telle sorte que l’histoire individuelle de Solomon (Chiwetel Ejiofor) n’en occupe qu’une partie : souvent la moitié de l’écran montre les uns et les autres dans leurs activités comme si ce qui arrivait à cet homme ne les concernait pas, notamment dans la scène longue, longue de la pendaison (on pouvait pendre sans jugement un esclave, c’est le maître qui seul peut décider de couper la corde). Et pourtant, quand un esclave meurt dans les champs de coton, il se trouve quelqu’un pour rappeler que c’est un homme et qu’il a droit à quelques paroles avant d’être enseveli, et à un chant de prière. Car, si c’est un homme, il a droit à une sépulture digne.

Il y a aussi, à la fin, ce regard de Solomon fixé vers le spectateur de la salle de cinéma. Il va nous hanter.


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