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Anger as Beauty

Publié le 21 février 2014 par Euphonies @euphoniesleblog

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St Lô - Room 415

Mazette quelle claque ! Room 415 de St Lô. Ou comment sortir un album décomplexé, brut de décoffrage et à la fois subtilement produit. Explications :

Mai 2013 : harassé par une première soirée à Art Rock (qui vient d’ailleurs d’annoncer une partie de sa programmation de 2014) , je décide quand même de donner sa chance à St Lô que je ne connais ni d’Eve ni d’Adam (ça veut dire que je ne les connais pas du tout) malgré la fatigue et les trop nombreux verres de Cacolac. Je pénètre dans un Forum bondé en pensant à tout ce que je pourrais être en train de faire au même moment : m’asseoir, me reposer d’une verveine, dormir. Ne plus sentir ces jambes endolories par une station debout trop prolongée. Même l’idée de manger un filet de Perche aux fines herbes devant Plus belle la vie me paraissait une meilleure idée que de trainer mes guêtres au milieu d’un parterre d’ivrognes goguenards sentant bon la miction festivalière et la sueur aigre, plus quelques trentenaires sobres de leur inanité essentielle faisant le pied de grue devant la scène pour ne pas déstabiliser l’équilibre fragile de leurs Wayfarer d’hipsters. Mais qu’est ce que je faisais là moi encore, si ce n’est prolonger d’un concert une soirée belle comme un jour sans pluie ? Profitant d’une étreinte charnelle sur fond d’épuisement, je me délestais tendrement de la moitié de mon poids ensommeillé sur les épaules de ma belle en envisageant de faire une sieste ni vue ni connue. Mystifiée par l’odeur enivrante de ma naturelle fragrance, elle ne verrait peut-être pas d’inconvénient à ce qu’elle me serve de couche le temps d’un concert.

Puis déboule  Hanifah Walidah, ex-voix du mythique Brooklyn Funk Essentials entourée de son duo de djs du cru. Même pas le temps d’entrer en veilleuse paradoxale que la panthère  arpente la scène de long en large, comme s’il n’était pas deux heures du mat’ et qu’on pouvait envisager de faire un footing dans la foulée. Véritable électron libre, elle remplit l’espace du Forum en deux minutes, d’un charisme chamanique survolté, générant une onde de choc qu’on peut encore aujourd’hui ressentir sur les côtes irrégulières du littoral breton. Pendant plus d’une heure, St Lô déglingue tout, me faisant même oublier que j’avais mal au corps quelque minutes avant. On pense au meilleur de Skunk Anansie, à la rage et l’électricité des débuts de Gossip, à l’implacable messe d’un Tricky sous EPO. Et au sortir du concert, on sait enfin pourquoi on va se coucher. 

Le 10 mars sort Room 415 qui parvient à restituer l’énergie sombre de leurs prestations, sur des gospels chaotiques et inquiétants (My Bottle), sur des rythmiques vicieuses et serpentines, au tempo lourd et poisseux d’un zombie engagé dans sa dernière parade (Flight & Fantasy, Reach)). L’album est concis (8 titres seulement) mais sait varier les ambiances. Attention hein cependant, ne pas s’attendre au tilili régressif d’une pop prépubère : le groupe envoie du lourd, du plombé, un blues-électro hanté et tendu. Et nul doute que la danse de St-Lô renverra celle de St Guy aux niaises gesticulations télétubbiques avec un titre comme Down Fall The Last Star. Et même lorsqu’il s’agit de reprendre le traditionnel folk In the Pines (popularisé par Nirvana entre autres) le trio se pose là, insufflant au standard le désespoir d’un cri primal de fin de siècle, celui des grandes villes technoïdes où l’on trémule la tête en arrière, saoulé de basses, d’alcool, de vie.

Un grand disque de ce début d’année. A suivre en concert et écouter sur leur Bandcamp.

In The Pines aux Transmusicales de Rennes (2012)



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