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Marlon Brando: Le "Monstre" anti-système (Partie 1)

Publié le 23 février 2014 par Olivier Walmacq

Marlon Brando:

Aujourd’hui dans la rubrique « Dossier Cinéma », Naveton Cinéma « le blog ciné le plus nul du net » vous propose d’aborder un acteur qui fait désormais partie des plus grands mythes du cinéma mondial. Cet acteur, c’est évidemment Marlon Brando. Monstre sacré pour certains, Monstre tout court pour d’autres. Marlon Brando est un mélange de glamour Hollywoodien et de rébellion anti-Establishment. Brando est devenue une véritable star et a interprété des rôles qui ont marqué à jamais l’histoire du septième art. Stanley dans Un Tramway nommé Désir, Terry Malloy dans Sur Les Quais, Don Corleone dans Le Parrain, Paul Dans le Dernier Tango à Paris, Kurtz Dans Apocalypse Now….

Brando est considéré aujourd’hui comme l’un des acteurs les plus influents de l’histoire notamment de l’aveu de talents tels que Robert De Niro, Al Pacino, Paul Newman, Dustin Hoffman, Jack Nicholson, James Dean…. Johnny Depp disait « on a l’impression que l’écran n’est pas assez grand pour lui »

Pourtant derrière l’acteur  de légende qui a révolutionné son art, il y’a un homme avec une vie moins hollywoodienne. Coureur de jupon, alcoolique, drogué, défenseur des minorités, homme engagé, rebelle anti système, violent, irresponsable, incontrôlable, imprévisible…. Brando cumule toutes ces choses à la fois. Clairement la vie de l’artiste n’est pas aussi « belle » que sa réputation d’acteur. Le Comédien qui a fait aussi bien fantasmer les femmes et les hommes, était loin d’être un ange. Pourtant entre Démystification et Diabolisation, il y’a une limite que certains oublient volontiers.

Marlon Brando:

Marlon Brando, né à Omaha, est le Benjamin de trois enfants. Fils d’un père dur, violent, indifférent et alcoolique et d’une mère douce, compréhensive, affectueuse et elle aussi alcoolique. Dés son plus jeune âge ce « rebelle à la belle gueule » développe une tendance à vouloir défendre les plus faibles (ce qu’il démontrera tout au long de sa carrière). Passionné par les animaux, le jeune Marlon rejette également toute forme d’injustice et d’autorité. Evidemment ce n’est pas vraiment le profil adéquat pour l’Académie militaire de Shattuck où il sera envoyé à l’adolescence. Le jeune Brando fera les 400 coups et ne se soumettra à aucune autorité, ce qui l’enverra indéniablement vers son renvoi. Il s’essayera à l’art dramatique et au sport où il brillait. Cependant une fracture de la rotule condamnera une éventuelle carrière.

En 1943 il part à New York où il va d’abord passer par une période de dépression. Par la suite sa sœur Jocelyn va lui faire connaître Stella Adler qui dirige des cours à la New School for Social Research. C’est ici qu’il va se faire ses premières armes sur la scène en suivant avec assiduité les cours. Ce n’est donc pas à l’Actor’s Studio comme il a souvent été dit. A ce propos Elia Kazan qui était professeur à l’Actor’s Studio déclara que contrairement à James Dean, Brando ne se rendait que très peu à ses cours. « Il n’est venu qu’une fois dans ma classe en une année, c’est tout ».

Pour Brando ce n’était pas gagné d’avance, malgré un charisme et un physique avantageux, l’acteur a la voix fluette et mâche ses mots rendant parfois ses phrases incompréhensibles. Pourtant Le comédien fait son chemin et commence à se faire repérer.

Il débute à Broadway en 1944 avec la pièce I Remember Mama qui l’établit déjà comme un sérieux espoir. L’année suivante avec Truckline Café, une pièce qui se solde par un échec commercial, il est cependant adulé comme le comédien le plus prometteur de Broadway. En 1946, il joue également un jeune survivant des camps de concentration, dans la pièce Un Drapeau est né qui plaide la création de l’Etat D’Israël. Brando expliquait qu’il pensait sincèrement que les survivants de l’holocauste nazi méritaient un état dans lequel il pourrait se réfugier face à l’antisémitisme extérieur. L’acteur qui était encore jeune et inconnu montre déjà son côté engagé. Brando va ainsi enchaîner les rôles dans les pièces de théâtre et développer une personnalité imprévisible et marquante. Aimant parfois mettre mal à l’aise ses partenaires de scène, Brando est capable du meilleur comme du pire. Ce mélange d’immense talent et d’extravagance totale va forger sa personnalité aux yeux de tous. Tantôt sympathique et ouvert, tantôt capricieux et insupportable. Brando déclarera plus tard « J’étais une bombe qui ne demandait qu’à exploser !»

Marlon Brando:

Cette bombe explosera ! En effet Elia Kazan qui à l’époque était plus un homme de théâtre que de cinéma, est choisi pour mettre sur scène la pièce de Tennessee Williams, Un Tramway nommé Désir. Pièce dont Kazan est fan. Le metteur en scène veut laisser sa chance au jeune Brando. Mais la production n’est pas de cet avis. Voulant couvrir ses arrières, elle préfère une tête d’affiche comme John Garfield. Mais les exigences inacceptables d’Hollywood permettent à Kazan de choisir son protégé.

Avec cette pièce, Brando va littéralement passer du statut d’inconnu à celui de vedette. Les critiques sont unanimes ! Truman Capote en personne vante le charme, le physique et la performance de ce jeune premier.

Chaque soir, à chaque nouvelle représentation, Brando développe de plus en plus les nuances de son  personnage, teste de nouvelles intonations. Son jeu, sous quelque forme qu’il soit, séduit énormément Tennessee Williams qui est persuadé d’avoir trouvé l’incarnation vivante de son personnage. Paradoxalement Brando déteste la personnalité de Stanley, homme rustre, dur et insensible. Il joue ce rôle sur scène jusqu’en 1949. A partir de là il ne remontera plus jamais sur une scène.                         

Il commence alors une carrière cinématographique avec le film C’était des hommes de Fred Zinnemann produit par Stanley Kramer. Ce film polémique sur les blessés de guerre, est pour lui une occasion en or. Impliqué, il se rend 2 semaines en avance à l’hôpital Birmingham (ou sera effectué une grande partie du tournage) pour entrer en contact avec de vrais blessés de guerre. Bien que le film ne remporte pas un grand succès, l’acteur se fait remarquer. 

Brando était clairement établi comme un jeune prometteur mais il n’était pas encore une star. C’est alors que Hollywood a pour idée d’adapter à l’écran Un Tramway Nommé Désir. Elia Kazan est immédiatement pressenti comme réalisateur. Pour lui une condition s’impose, il lui faut le même casting que celui sur scène. Cependant les Studios veulent une star pour des questions commerciales. C’est alors que Vivien Leigh est choisie car elle avait déjà joué le rôle de Blanche Dubois sur une mise en scène de son mari Lawrence Oliver.

Pour la pub Brando pose en photo avec des T Shirts moulants, certains étant troués lui donnant un look de « rebelle sauvage » qui contraste avec le côté tiré à quatre épingles des stars de l’époque. Il n’en faudra pas plus pour en faire un sex-symbol. Brando est donc contraint de reprendre un rôle qu’il déteste et qui va devenir l’un des plus cultes de sa carrière. Personne n’oubliera son « STELLA HEEEH STEEELLLLAAAAA ».Le film fait un triomphe et est nominé pour 12 oscars. Vivien Leigh, Kim Hunter et Karl Malden obtiennent la statuette. Mais Brando et Kazan, tous deux nommés repartent les mains vides. Qu’importe, ils sont désormais reconnus et prêts à se lancer dans de nouveaux défis.

Marlon Brando:

L’année suivante, ils font ensemble Viva Zapata. Brando interprète le rôle du révolutionnaire mexicain avec brio et se voit à nouveau nominé aux oscars, mais là encore il repart les mains vides. Sa réputation augmente en bien et en mal. D’un côté tout le monde s’accorde sur les performances de l’acteur, de l’autre certains le disent capricieux, indomptable et imprévisible sur les tournages. C’est à double tranchant.

Mais c’est en 1953 qu’il atteint vraiment une immense côte de popularité en interprétant le rôle de Johnny dans l’Equipée sauvage de Laslo Benedek. Cette performance en fait le porte drapeau de la nouvelle génération rebelle des années 50. Personne n’oubliera son look avec sa casquette et son blouson noir. De même que sa personnalité mystérieuse, loubarde et fascinante. Les femmes et mêmes les hommes tombent sous le charme de ce jeune premier. James Dean lui piquera d’ailleurs tous ses tics pour son interprétation dans La Fureur de Vivre.

Pourtant Brando a toujours ses problèmes d’élocution. Marmonnant sans cesse, il est raillé par Frank Sinatra. Mais l’acteur prend tout le monde à contre pied en jouant un rôle shakespearien. Celui de Marc Antoine dans le film Jules César. Ce rôle lui vaudra une fois de plus une nomination aux Oscars qui n’aboutira pas.       

Mais en 1954, Brando retrouve son ami Elia Kazan pour le film Sur Les Quais. Cette retrouvaille n’enthousiasme pas forcément l’acteur depuis que Kazan a vendu des communistes et a la réputation d’être « une donneuse ». D’ailleurs le film est en quelque sorte un plaidoyer. Dans cette œuvre, Brando atteint des sommets, que ce soit au niveau de la mimique ou de l’intonation. L’acteur fait ce qui, je dirais, deviendra son habitude. De mon point de vue il adapte plus le personnage à sa manière plutôt qu’il ne s’adapte au rôle de Terry Malloy. Ca fonctionne à merveille. Pourtant à l’époque le film n’est pas forcément bien accueilli. Aujourd’hui tout le monde s’accorde sur son statut de chef d’œuvre. La prestation de Brando divisera également. Pourtant l’acteur se voit nominé pour la quatrième fois aux oscars ! Cette fois ci c’est la bonne ! Il remporte la statuette. Pour L’Establishment de Hollywood, c’était le moyen de dompter l’étalon, après lui avoir fait miroiter, on lui donne enfin sa récompense afin de le faire entrer dans le rang. C’est mal connaître le personnage. Sa seule réaction lorsqu’il reçoit la statue, « C’est beaucoup plus lourd que je le croyais ».

Sa performance inspirera énormément d’acteur dont son ami  James Dean encore une fois. Brando déclara à ce sujet « Nous étions deux gamins de la ferme du Midwest. Il cherchait à copier mon jeu, mais aussi ce qu’il prenait pour mon style de vie ».  

Kazan déclarera, « De tous les acteurs que j’ai rencontré, Marlon est celui qui s’est le plus rapproché du génie. Il était à un niveau différent des autres. Il y’avait en lui quelque chose de miraculeux. » 

Marlon Brando:

Mais à Hollywood Brando fait aussi parler de lui pour ses talents de séducteurs. Les conquêtes féminines se multiplient. Au tableau de chasse, figure même Marilyn Monroe. Les aventures sont très brèves. Brando doit parfois fuir par la fenêtre face au retour d’un mari cocu, ou à celui d’une jeune femme jalouse. Mais ce qui est encore moins du goût de l’Establishment à l’époque, ce sont ses conquêtes masculines. Bien que cela s’ébruite moins, on soupçonne le jeune acteur oscarisé d’avoir aussi des relations sexuelles avec des hommes, et notamment avec Wally Cox. A ce propos il existe une photo, aujourd’hui très répandu sur le net, où l’on voit Brando tailler une belle pipe à un engin supposé appartenir à Cox. Ce n’est que bien des années plus tard que l’acteur avouera sa bisexualité.      

Le jeune prodige va bientôt se mettre Hollywood à dos. Alors qu’il doit jouer un pharaon pour le film L’Egyptien, il ne se présente jamais sur le plateau brandissant comme excuse un certificat médical. Le producteur Zanuck le traîne en justice et exige des dommages et intérêts.

Brando perd ensuite sa mère et accepte de jouer Napoléon dans le film Désirée pour régler un litige avec la Fox. L’acteur décrit le film comme « superficiel et creux ». Il en va de mêmes pour les productions suivantes. Que ce soit dans Blanches Colombes et Vilains Messieurs, La petite Maison de Thé (dans lequel il joue un japonais de façon ridicule) ou encore Sayonara (paradoxalement il sera nominé aux oscars), Brando enchaîne les mauvaises performances.

En 1957 il épouse la starlette Anna Kashfi, leur union dure seulement deux ans.

Conscient des faiblesses de ses dernières interprétations et du fait qu’il doit rebondir, il crée Pennebaker une société de production qui lui permet de mieux choisir ses rôles. Il accepte ainsi le rôle de Christian Diestl, un officier Nazi dans Le Bal des maudits. Brando s’investit totalement dans son rôle et signe une grande performance. Il humanise ce personnage de Nazi ce qui lui vaut beaucoup de controverses. Certains trouvent sa démarche géniale, d’autres la trouvent douteuse. Brando s’attire les foudres. L’Establishment s’acharne sur lui et profite du moindre faux pas pour lui tomber dessus et lui ternir sa réputation.

Marlon Brando:

En 1960 il se marie avec l’actrice Movita Castaneda.

Il se lance ensuite dans un western intitulé La Vengeance aux Deux Visages qui doit être réalisé par Stanley Kubrick. Les deux hommes ne s’entendent pas et Brando parvient à faire évincer Kubrick du tournage. L’acteur reprend les reines et se lance pour la première fois dans la réalisation. Ayant du mal à tout gérer, il accumule les retards et fait exploser le budget, se moquant des alertes de la Paramount. Aujourd’hui La Vengeance aux deux visages fait office de western sous estimé où Brando dévoilait un autre talent.

Du talent tout le monde s’accordait à dire qu’il en était bourré. Cependant l’acteur va littéralement sacrifier sa carrière pour des conflits personnels et des engagements sociopolitiques.

Vince12

(A voir aussi la partie 2)


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