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Les plaisir de Carnaval offerts aux étrangers

Publié le 24 février 2014 par Oliaiklod @Olia_i_Klod

Les fêtes devinrent de plus en plus fastueuses au fur et à mesure que l’économie s’affaissait, et les réjouissances débutaient bien avant Noël pour aller jusqu’au Carême… et encore, on peut prendre en compte nombre de réjouissances en dehors de ces deux mois.

Pietro Longhi - Le Rhinocéros (détail)

On produisit de glorieuses réalisations de décors éphémères à l’occasion de régates données pour des hôtes étrangers. Toute une série d’autres spectacles y étaient associés, dont le point culminant semble avoir été atteint dans les dernières décennies du XVIIème siècle.

Venise fit tout ce qui était en son pouvoir, dès le milieu du XVème siècle, pour devenir la plus splendide et accueillante des capitales.

A partir de la fin du XVIème siècle, le gouvernement de la Sérénissime prit lui-même en charge l’organisation de la plupart des fêtes publiques. Comme les siècles précédents, le Carnaval de Venise était alors l’occasion de montrer la puissance et l’éclat de la République. Avec le développement du goût baroque, les donneurs d’ordres mobilisaient une armée de scénographes, peintres architectes et de nombreux artisans pour réaliser des machines de plus en plus complexes.

Des gradins, dont l’accès était payant, étaient installés le long du palais ducal et devant la bibliothèque marcienne.

Machine pour la fête du Jeudi Gras sur la piazzetta San Marco - Giovanni Battista Brustolon

Machine pour la fête du Jeudi Gras sur la piazzetta San Marco – Giovanni Battista Brustolon

Le Savio Cassier était responsable du déroulement des célébrations, et il choisissait l’entrepreneur auquel était confiée la réalisation des diverses infrastructures. Macchine et gradins étaient placées sous la garde des arsenaloti qui faisaient office de pompiers. Les incendies provoqués par les feux d’artifices que l’on tirait à partir des macchine étaient en effet très fréquents. Ces constructions, tout aussi spectaculaires qu’éphémères, illuminées tant à à l’extérieur qu’à l’intérieur par des torches qui brulaient toute la nuit, animaient jusqu’aux premières lueurs de l’aube la nuit du Jeudi Gras.

La visite de souverains ou de princes étrangers était un grand classique de l’accueil prodigué par la République. Les visites d’hôtes étrangers furent nombreux du XVIème au XVIIIème siècle. Chacune de ces visites était prétexte à des festivités grandioses qui en faisaient autant de petits carnavals, et ce toute l’année. Parmi les cérémonies en l’honneurs de souverains étrangers, on se souvint longtemps des dix jours de fêtes donnés en mai 1574, sous le règne du doge Alvise Mocenigo, pour honorer le passage du roi de France Henri III.

Bal à Venise vers 1580, dit autrefois

Bal à Venise vers 1580, dit autrefois "Bal à la cour de Henri III"

Mais, adoptant un autre nom et se cachant même le visage à l’aide du masque, certains souverians étrangers se mirent à préserver leur incognito : Frédéric IV de Danemark en 1708, le duc de Penthièvre, qui en 1754 prit l’identité du comte de Dinan, le margrave du Brandebourg-Bareith et son épouse, sœur du roi de Prusse, en 1755 sous le nom de comtes de Marek, Charles Guillaume de Brinswick, en 1766 se fit passer comme comte Blackembourg, le prince-électeur de Cologne, en 1755 sous l’identité du comte de Wert, l’empereur Joseph II en 1769, les comtes du Nord en 1782, …

En adoptant à Venise l’incognito que les vénitiens, en bauta, pratiquaient eux-même en temps de Carnaval, ces membres de familles régnantes contribuèrent à affaiblir l’antique barrière entre fête publique et cérémonie privée et à rendre populaires les cérémonies fastueuses par lesquelles Venise continuait d’accueillir ses hôtes étrangers de marque.

L’image quasi mythologique de cette Venise, qui se développa alors dans l’abondante littérature des voyageurs se fit naturellement l’écho de ce que produisaient les vénitiens eux-même depuis le XVIème siècle. Le masque constituait alors à Venise un vêtement quasi officiel.

D’ailleurs, cela posa un problème aux vénitiens  lors de la visite du pape Pie VI en mai 1782. Désorientés, les ambassadeurs se demandèrent quel type de costume il leur faudrait choisir. Ils ne savaient pas, en effet, pour reprendre les mots de l’espion Cattaneo "si l’usage du masque était compatible avec la présence du Saint-Père"… Les Inquisiteurs d’Etat firent donc savoir à Cattaneo qu’ils invitaient les nobles et la ambassadeurs à comparaître devant le pape en toge traditionnelle, et les femmes en habit noir. Le simple fait que les vénitiens se soient, à cette époque, posé la question, montre combien le masque avait pris une part importante dans la vie sociale.

A Venise, le Carnaval Baroque devint rapidement une machine à plaisirs, semblant avoir perdu son caractère de nécessité politique.

Pietro Longhi -

Sources bibliographiques :

Venise en fêtes, Giandomenico Romanelli, Lina Urban, Fiora Gandolfi. Éditions du Chêne, 1992


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