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[Critique] THE GRAND BUDAPEST HOTEL

Par Onrembobine @OnRembobinefr
[Critique] THE GRAND BUDAPEST HOTEL

Titre original : The Grand Budapest Hotel

Note:

★
★
★
★
☆

Origine : États-Unis
Réalisateur : Wes Anderson
Distribution : Ralph Fiennes, Tony Revolori, F. Murray Abraham, Mathieu Amalric, Adrien Brody, Willem Dafoe, Jeff Goldblum, Harvey Keitel, Jude Law, Tom Wilkinson, Edward Norton, Saoirse Ronan, Jason Schwartzman, Tilda Swinton, Owen Wilson, Bill Murray, Larry Pine, Léa Seydoux…
Genre : Comédie/Aventure/Adaptation
Date de sortie : 26 février 2014

Le Pitch :
La folle aventure de Gustave H., le concierge d’un prestigieux hôtel européen, et de Zéro, son valet, débute à la suite du décès d’une richissime personnalité de la haute bourgeoisie. Une disparition qui soulève d’épineuses questions d’héritage, alors que le monde se prépare à entrer à nouveau en guerre…

La Critique :
En s’inspirant très librement des écrits de Stefan Zweig (un écrivain autrichien, ami notamment avec Freud), Wes Anderson embrasse pour la première fois totalement ses ambitions européennes. Des ambitions déjà visibles ici ou là dans quasiment tous ses films, mais remarquablement illustrées et totalement assumées ici. D’où cette volonté de situer le récit de son dernier né, le bien nommé The Grand Budapest Hotel, en Europe, pendant l’entre deux-guerres, dans un pays imaginaire. Un hôtel qui, de part sa place centrale, voit se croiser de multiples nationalités et sensibilités, comme autant de facettes du cinéma d’Anderson.
Il faut ainsi saluer dans un premier temps l’exceptionnelle cohérence du long-métrage. Un film certes très européen en surface, mais qui se paye le luxe de verser dans l’aventure old-school à l’américaine et dans le pur comique de situation, lui-même volontiers absurde plus qu’à son tour. Sorte de carrefour d’influences, The Grand Budapest Hotel organise la rencontre de toutes les sensibilités qui composent la démarche artistique de Wes Anderson. Il illustre ainsi en quelque sorte son amour pour le vieux continent, auquel il injecte son regard d’esthète texan. Le mélange est très personnel et le résultat pourrait parfaitement s’entrevoir comme l’un des ses métrages les plus aboutis. Une sorte d’œuvre somme en forme de déclaration d’amour ultime à l’Europe, à son art, à son cinéma donc, à sa littérature également et à son histoire dans une certaine mesure. Normal que le public, en France notamment, ait hissé Anderson au rang de cinéaste culte.
Un public hétéroclite mais largement composé de personnes que l’on pourrait situer dans la tranche d’âge 20/40 ans, qui a grandi et évolué avec La Famille Tenenbaum, La Vie Aquatique, ou encore Moonrise Kingdom, et qui se reconnaît volontiers dans l’humour et dans l’ironie savante d’un réalisateur qui vaut finalement mieux que l’étiquette d’aimant à hipsters qu’on lui colle parfois.

Avec The Grand Budapest Hotel, Wes Anderson est à la fois là où on l’attend et ailleurs. On prend vite ses marques dès que le film commence, mais on est aussi surpris. Surpris notamment à la fin, quand intervient une émotion jusque là relativement tenue et franchement pénétrante. La poésie évolue au grès des errances du duo vedette, composé du remarquable Ralph Fiennes, ici jubilatoire, savoureux et inspiré (son meilleur rôle ?) et de l’excellent Tony Revolori, et le rire finit par faire place à de (potentielles) larmes. Et cela même si Wes Anderson, à l’instar de ses cinéastes au style très marqué, n’évite pas toujours la redite et l’auto-caricature.
Mais cela fait aussi partie du jeu. Au cœur de cette histoire gigogne, le spectateur n’est jamais perdu. Le récit est remarquablement construit et du coup, on ne peut plus limpide. Parfois, Anderson se montre prévisible, mais au final, on ne peut s’empêcher de se dire que c’est voulu, histoire de mieux nous prendre à revers. Contrairement à Gondry, qui semble vouloir limiter son cinéma à un mouvement perpétuel de plus en plus foutraque, Anderson expérimente, tout en gardant une base solide. Histoire d’être libre, encore et toujours.

Une base qui se retrouve également dans le casting. Celui de The Grand Budapest Hotel est sans aucun doute le plus impressionnant de toute la filmographie du réalisateur. Coup de bol, Anderson n’a de leçon a recevoir de personne pour ce qui est de diriger ses comédiens. Revers de la médaille : certains d’entre eux font tapisserie ou ne sont là que pour servir d’ornements à un film qui n’en avait peut-être pas besoin. Alors oui, bien sûr, on ne crachera jamais sur une apparition, aussi furtive soit-elle, du génial Bill Murray, mais là, c’est presque frustrant. Murray est quasi-absent, Owen Wilson aussi, tout comme Jason Schwartzman ou bien Harvey Keitel, pour autant de rôles mineurs qui auraient très bien pu être endossés par de parfaits inconnus sans que l’histoire et la force du propos n’en souffrent outre mesure. Mais Wes Anderson a beaucoup d’amis et il aime les faire tourner, alors juste pour le plaisir des yeux, on reste indulgent. Juste pour voir s’animer ce petit monde composé de visages amicaux, on se dit que le tableau a de la gueule. De plus, la photographie est sublime.

Au cœur d’un conte pastel, fait de bric à brac assemblé avec goût (stop-motion, marionnettes…), les stars se sentent pousser des ailes. Certaines, comme Edward Norton, y retrouvent un second souffle (la dernière fois dans son cas, c’était dans Moonrise Kingdom, du même Anderson) et d’autres jouent avec un plaisir contagieux, sur une tonalité superbement décalée. Le spectateur lui, savoure cette pâtisserie copieuse et brillamment pensée.
La mécanique accuse certes quelques ratés mais le film est généreux. Anderson mixe ses envies et ne fait pas de concession. Il reste lui-même et retombe quoi qu’il en soit sur ses pieds. Un peu long à démarrer, il sait par contre s’arrêter juste au bon moment. Sur la bonne note. Celle qui confère à l’ensemble un goût sucré qui reste en bouche longtemps après la projection.

@ Gilles Rolland

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Crédits photos : 20th Century Fox

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