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Vert-de-gris, Philip Kerr

Publié le 02 mars 2014 par Bouquinovore @bouquinovore
Vert-de-gris, Philip Kerr Auteur: Philip Kerr Titre Original: Vert-de-gris Date de Parution : 26 février 2014 Éditeur : Le Livre de Poche Nombre de pages : 600 Prix : 8,10€ 7,70€ Commandez: Vert-de-gris
Quatrième de couverture : 1954. Alors qu’il tente de fuir Cuba en bateau, Bernie Gunther est arrêté par la CIA et transféré à la prison de Landsberg à Berlin. La guerre froide fait rage et les Américains, qui ont besoin d’informations sur l'Allemagne de l'Est et les Soviétiques, passent un marché avec Gunther : sa liberté dépendra de ce qu'il leur révélera sur un ancien de la SS, Erich Mielke, le chef de la nouvelle Stasi. Au fil des interrogatoires qu’il subit, Gunther se raconte : son entrée dans la SS, la traque des communistes allemands dans les camps français, les mois passés en URSS comme prisonnier de guerre, et sa volonté farouche de sauver, à tout prix, sa peau.
Extrait Cuba, 1954
«Cet Anglais avec Ernestina, fit-elle remarquer en contemplant la salle luxueusement décorée au-dessous. Il me fait penser à vous, señor Hausner.» Dona Marina me connaissait aussi bien que quiconque à Cuba, sinon mieux, dans la mesure où nos relations reposaient sur un lien plus solide que la simple amitié : dona Marina tenait le plus important et le plus chic bordel de La Havane. L'Anglais était grand et voûté, avec des yeux bleu pâle à l'expression lugubre. Il portait une chemise en lin bleue à manches courtes, un pantalon de coton gris et des chaussures noires bien cirées. Il me semblait l'avoir déjà vu quelque part, au bar Floridita ou peut-être dans le hall de l'hôtel Nacional, mais c'est à peine si je lui prêtai attention. M'intéressait davantage la nouvelle chica presque nue, assise sur les genoux de l'Anglais, et qui aspirait des bouffées de la cigarette qu'il était en train de fumer tandis qu'il s'amusait à soupeser ses énormes seins comme on évalue le degré de maturité de deux pamplemousses. «De quelle façon ?» m'enquis-je avant de me tourner aussitôt vers le grand miroir accroché au mur en me demandant s'il existait réellement des similitudes entre nous à part notre fascination pour les seins d'Ernestina et pour les immenses mamelons sombres qui les ornaient telles de gigantesques patelles. Le visage qui me retourna mon regard était plus empâté que celui de l'Anglais, avec une couronne de cheveux plus abondante, mais non moins cinquantenaire et entaillé par la vie. Peut-être doña Marina avait-elle l'impression qu'il n'y avait pas que la vie de gravé sur nos deux visages - un chiaroscuro, un clair-obscur de lucidité et de connivence éventuellement, comme si aucun de nous n'avait fait ce qu'il fallait ou, pire encore, comme si nous vivions l'un et l'autre avec un secret honteux. «Vous avez les mêmes yeux, répondit dona Marina. - Ah, vous voulez dire bleus, suggérai-je en sachant que ce n'était pas du tout ce qu'elle voulait dire, probablement. - Non, ce n'est pas ça. Le señor Greene et vous, vous regardez les gens d'une drôle de façon. Comme si vous vouliez voir en eux. Comme un spirite. Ou un policier. Vous avez tous les deux des regards extrêmement incisifs, qui semblent transpercer les autres de part en part. C'est très intimidant.» Il était difficile d'imaginer que qui ou quoi que ce soit puisse intimider doña Marina. Elle avait toujours l'air aussi détendue qu'un iguane sur un rocher chauffé par le soleil. «Le señor Greene, hein ?» Que doña Marina l'ait appelé par son nom n'avait rien pour me surprendre. La Casa Marina n'était pas le genre d'établissement où l'on se sent obligé d'utiliser un faux nom. Vous n'aviez besoin de recommandation que pour franchir la porte d'entrée. «C'est peut-être un policier, effectivement. Avec d'aussi grands pieds, ça ne m'étonnerait pas le moins du monde. - Il est écrivain. - Quel genre ? - Romans. Westerns, je crois. Il m'a dit qu'il écrivait sous le nom de Buck Dexter. - Jamais entendu parler. Il habite Cuba ? - Non, il vit à Londres. Mais il ne manque jamais de nous rendre visite quand il est à La Havane. - Un voyageur, c'est ça ? - Oui. Apparemment, cette fois, il fait route vers Haïti.» Elle sourit. «Vous ne voyez toujours pas la ressemblance ?

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