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Oui, les dégâts des loups sur l'élevage sont très importants (3)

Par Baudouindementen @BuvetteAlpages

En réponse au document "Le loup, 10 vérités à rétablir, la fin annoncée de l’élevage des moutons et une menace pour tous les animaux élevés en plein air", la Buvette vous propose les réactions croisées(1) de Pierre Rigaux (PR), Gérard Bozzolo (GB), Marc Laffont (ML) et Baudouin de Menten (BdM).

3ème "vérité"

"Oui, les dégâts des loups sur l’élevage sont très importants"

PR : Les auteurs donnent un chiffre : 5779 brebis indemnisées en 2012 pour cause de prédation par le “loup non exclu” (terme officiel qui signifie que lorsqu’on n’est pas certain du prédateur, le doute va au bénéfice de l’éleveur qui est donc indemnisé). Ce nombre d’ovins tués est sûrement impressionnant, mais il faut savoir que c’est globalement dérisoire par rapport aux autres causes de mortalité. Même dans les régions de présence de loup, la mortalité hors prédation (maladies, accidents sur les alpages, mortalité des agneaux) reste 10 à 50 fois supérieure à la mortalité due au loup. A tel point que la Fédération ovine elle-même, dans ses rapports annuels extrêmement détaillés sur l’activité de la filière en France (productions, résultats économiques, pertes, etc), n’évoque même pas le loup !

Par contre, l’impact du loup peut être fort très localement ou très pénible à gérer sur certaines exploitations problématiques avec un mode d’élevage inadapté. Sur le total des prédations et donc des indemnisations en France, une grande partie concerne des élevages à l’organisation complètement inappropriée.

Le cas du plateau de Canjuers dans le Var en est un exemple scandaleux. Dans cette vaste zone militaire, la prédation sur les brebis est quatre fois plus importante que dans la moyenne des autres ZPP (zone de présence permanente de loup) ! Les loups de Canjuers sont-ils surdoués ? Non bien sûr, mais les troupeaux y sont immenses et très mal gardés sur une vaste zone broussailleuse. De façon générale, il faut absolument prendre en compte les problèmes de prédation sur le bétail dans les exploitations concernées, et y remédier en adaptant les pratiques pastorales... quand les éleveurs le veulent vraiment. C’est ce que font ceux qui s’en sortent bien, et qu’on n’entend pas dans les médias.

Part_du_loup

BdM : Il est logique que les dégâts augmentent en même temps que la population de loup, surtout si la protection ne suit pas, que ce soit par manque de prévoyance ou par choix délibéré. Dans tous les départements où le loup arrive, on semble ne pas avoir compris ce qu’il y a lieu de faire, comme si l’expérience des autres ne servait à rien. L'agitation syndicale pousse à ne rien faire et à crier très fort. Il y a lieu de se protéger sérieusement dans la grande moitié est de la France, et pas seulement dans le massif alpin.
En 2012, il y avait 7,464 Millions d’ovins en France pour 250 à 300 loups.  Il y a eu 4.120 victimes constatées en France en 2012, dont 3.744 ont été indemnisées.  (Données DDT(M) - DREAL Rhônes-Alpes, pour toute la France.

ML : Pour des besoins de renouvellement du troupeau, les éleveurs envoient chaque année plus de 500.000 brebis à l'abattoir. La moitié d'entre elles finiront, faute de débouchés et faiblement valorisées, à l'équarrissage...
BdM : Le mouton n’est donc pas menacé et ne risque pas de disparaître ni à l’échelle mondiale ni à l’échelle nationale. Il semble même que l'élevage ovin s'en sort mieux en zone à loups qu'en zone sans loup. Comme quoi, la protection des troupeaux et la présence humaine, ça marche !
ML: La question de la mortalité des brebis adultes est considérée par l'Institut de l'Elevage comme un problème très secondaire dans  la non-rentabilité de l'élevage, comparé au déficit de productivité numérique. Si c'est la brebis qui donne droit à la prime ovine, c'est la vente de l'agneau qui fabrique l'essentiel du chiffre d'affaire (hors subventions). Or, en zone pastorale, le montant des subventions excède assez nettement la valeur économique de ce qui est produit, sans privilégier ceux qui atteignent une meilleure productivité, ce qui n'est guére incitatif. Alors qu'une moindre attention portée aux animaux dégage du temps pour de la pluri-activité...

BdM: Il faut aussi replacer le "les dégâts des loups sur l’élevage sont très importants" dans le contexte de la mortalité ovine générale.

a) La Fièvre catarrhale ovine  : "Bien que difficiles à évaluer, les conséquences économiques de la FCO sont importantes pour les filières : 65.000 bovins et 32.000 petits ruminants morts depuis le début de l’épizootie (2007/2008), auxquels s’ajoutent des pertes indirectes : diminution de la production de lait, problèmes de fertilité et d’avortement, pertes économiques liées aux restrictions de circulation et d’échanges d’animaux. (...) A l’ occasion de l’examen des projets de loi de finances pour 2007 et pour 2008, Mme Nicole Bricq a souligné des risques de sous-budgétisations s’agissant des crédits destinés à la lutte contre la FCO. Ses doutes se sont révélés fondés : en 2007, près de 11,5 millions d’euros supplémentaires ont été nécessaires ; pour 2008, les dépenses supportées par l’Etat au titre de la FCO s’élèvent à plus de 50 millions d’euros au premier juillet, alors que la loi de finances pour 2008 prévoit environ 2 millions d’euros". (3)

b) La mortalité en estive : "Selon un représentant des éleveurs témoignant en 2003 sous serment devant la commission d’enquête parlementaire sur le pastoralisme, elle est estimée de 3 à 5% des troupeaux. Cela représente donc 18.000 à 30.000 pertes par été sur les 600.000 brebis présentes en montagne dans les Pyrénées. 
Ces animaux meurent de chutes (individuelles ou collectives), de maladies, de parasites, de prédations (asticots, chiens…), de la foudre, et sont abandonnés aux vautours qui assurent un rôle sanitaire important, évitant la propagation des maladies. De nombreuses bêtes seraient également volées, sans pour autant que ce phénomène soit quantifié." (4)

c) La mortalité des agneaux : L'Institut de l'élevage a publié une étude ou le taux de mortalité moyen atteint presque 20 %. "Il importe aujourd’hui de développer des travaux qui permettront de mieux connaître l’ampleur de la question et d’identifier les principales causes, préalable nécessaire à la mise en œuvre de mesures correctives".(6)

d) La mouche tueuse : "Le vrai problème posé par la mouche tueuse réside dans l'obligation faite aux bergers de surveiller quotidiennement leurs troupeaux. La progression de la larve est si rapide qu en deux ou trois jours elle peut causer des dégâts irréversibles aux animaux parqués dans les estives. Si un remède préventif n'est donc pas vite trouvé, cette contrainte imposée aux éleveurs risque de remettre en question la rentabilité de leur activité. (...) 1 800 brebis ont été étudiées. «L’infestation par les myiases concerne 37,9 % des élevages, avec une mortalité de 0,8 % suite aux lésions provoquées par le développement des asticots. En juillet et août, de 27 à 35 % des moutons sont atteints." La mouche tueuse "Wohlfartia magnifica" tue plus de brebis que les loups, les ours et les lynx réunis. (5)

e) La mortalité sur les exploitations : "La société assurant l’équarrissage dans le sud-ouest précise sur son site internet collecter ainsi chaque année en moyenne 150.000 ovins-caprins sur 14 départements! 
Une simple règle de trois en fonction du nombre de bêtes par département permet de rapporter ces chiffres aux départements pyrénéens, soit 25.000 à 30.000 brebis mortes sur les exploitations collectées annuellement par l’équarrisseur." (4)

Alors, 4 à 6.000 ovins prédatés par les loups et 300 ovins prédatés par les ours, tout est relatif. Les informations à la une de la presse ne sont pas toujours les plus importantes quantitativement parlant. Le terme "très important" ne me semble pas le plus objectif.

(1) Pierre Rigaux est naturaliste dans les Alpes-du-Sud ;
Gérard Bozzolo est retraité, Ingénieur Agronome, ex-maître de conférences à l'Ecole Nationale Supérieure Agronomique de Toulouse ;
Marc Laffont est Technicien en agriculture et environnement, il dispose d'une maîtrise en Ecologie ;
Baudouin de Menten, écoconseiller est le webmaster de la Buvette des Alpages.
(3) Rapport d’information de Mme Nicole Bricq, (Soc, Seine-en-Marne), rapporteure spéciale de la mission « Sécurité sanitaire »

(4) Pastoralisme et ours, un autre regard
(5) Mouches tueuses : Les bergers prennent la mouche
(6) Etude sur la mortalité des agneaux

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