Je connais Xavier de Moulins. Vous aussi d'ailleurs: il est journaliste à M6. Son visage public donne les news tous les soirs à 19 heures. Du coup, j'ai pris mon temps avant d'écrire cette chronique. J'ai sursauté quand j'ai entendu Natacha Polony cuisiner l'auteur sur le fauteuil d'On n'est pas couché. Voilà que cette journaliste, d'habitude finaude, nous assène une comparaison avec La Maison Atlantique de Philippe Besson au prétexte que tous les deux (que l'on rapproche aussi bêtement parce qu'ils ont été journalistes à Paris Dernière) ont en commun la capacité à construire le suspense, une façon comparable de décrire le rapport père-fils, à la première personne, caractéristiques qu'on retrouve, dit-elle, dans quasiment la totalité des romans aujourd'hui. Elle regrette l'absence de discours sur le monde, en estimant que ses propos sur l'embourgeoisement des homosexuels est un peu faible en terme de réflexion sur l'état de la société. Tout en saluant la sueur de l'écrivain, et l'effort de construction elle se plaint enfin qu'on nous accroche juste sur l'émotion. Comparaison n'est pas raison. Xavier de Moulins a fort aimablement expliqué qu'un roman n'a pas pour vocation à être une thèse de sociologie. Invoquant la liberté du romancier il revendique le droit de raconter une histoire d'amour avant, bonne pâte, de concéder qu'il écrira peut-être son prochain roman à la troisième personne. Si Natacha Polony désire des billes pour élever ses enfants, qu'elle lise donc Mon métier de père, de Gilles Verdiani, chez JC Lattès. Ecrit il y a deux ans, il restera longtemps d'actualité. Et je vous encourage à en faire autant parce que c'est juste, et drôle à la fois. Je m'étonne que la belle dame ne lui ai pas reproché de situer un chapitre sur deux en 2015 en y pointant la preuve que cette histoire était une invention. N'oublions jamais qu'un roman est une fiction et arrêtons d'y chercher des éléments autobiographiques (ou des réflexions sociétales). Xavier de Moulins le rappelle : le je peut devenir il à travers les livres.Au tour alors d'Aymeric Caron de charcuter l'oeuvre au motif que l'auteur surferait sur la vague trendy du mariage pour tous et de la GPA, dont, ô sacrilège, il ne fait pas l'apologie. Que le journaliste soit pour ou contre est une question hors sujet. Puisqu'il faut se justifier l'écrivain expliqua avec pédagogie qu'effectivement aucun couple ne tient réellement debout dans ce livre, mais que ce n'est pas de lui qu'il parle, ni de son couple (qui se porte bien, et tant que j'y suis je vous dirai aussi que son père est décédé une quinzaine de jours après l'achèvement du livre, et que son amour paternel l'a aidé à se construire, voilà c'est écrit).Ce qui est précisément intéressant c'est que parallèlement à ce constat d'échec, que fait le personnage principal, il démontre que d'autres duos sont peut-être plus solides, en l'occurrence un "couple" d'amis.J'espère que cette émission de fin de soirée n'aura pas dissuadé les lecteurs. Que ton règne vienne est un ouvrage qui procure un vrai plaisir de lecture. Un peu polar, un poil d'anticipation pour qu'on se demande comment les choses vont tourner alors qu'elles ont déjà eu lieu. Une écriture vigoureuse qui tient en haleine, surprenante et touchante. Des images taillées dans la roche.Jean-Paul n'est "que" le père de Paul ... dont on remarquera qu'il est réduit à n'être que sa moitié. Un père démoniaque qui adresse au fiston un message d'interdiction : la vie est mon domaine, la vie n'appartient qu'à moi (p. 69).Rien d'étonnant à ce que Paul soit tout le temps dans la fuite, et pas seulement dans l'évitement (salutaire) des passions destructrices. Il renâcle quand sa femme parie sur une scène de ménage : j'ai trop peur des conflits pour ressentir la peine qu'elle exige de moi (p. 111).Son épouse peut bien faire monter les enchères. Rien n'est grave aux yeux de Paul. L'influence du père sans doute sur un petit garçon qui était prêt à tout (...) pour une reconnaissance ou un signe (...) de la part d'un père devenu imprévisible, jamais là où mes pleurs l'attendent. J'apprends la violence du vocabulaire,l'impact d'une phrase anodine (...) Il parait qu'on aime toujours ses bourreaux. (...) La bête est coriace, mon désir sans fin. (p. 68)Xavier de Moulins écrit fort bien. Je ne vous copierai pas les quelques lignes qu'il cisèle sur la jalousie (p. 155-156). Tout est dit avec une économie cinglante de mots.Au tennis comme dans la vie, rien n'est jamais gagné ou perdu (p. 134). Le chemin sera long avant que son règne vienne mais sa volonté triomphera. A vous de lire le roman pour découvrir de quelle victoire il s'agit et qui l'emporte.
Je connais Xavier de Moulins. Quand je l'ai vu, je veux dire en chair et en os, son visage émergeait derrière une pile de livres. Je venais de terminer Ce parfait ciel bleu et, toute à ma surprise d'être nez à nez avec l'auteur, je voulais lui exprimer en direct tout le bien que j'en pensais.
Une conversation s'engagea, un peu surréaliste lorsqu'il me confia que l'écriture lui permettait de s'évader de son boulot quotidien. Je lui ai alors bêtement demandé ce qu'il faisait dans la "vraie" vie.
- Je présente le JT.
Suivit ce qu'on appelle "un blanc" dans le jargon télévisuel. Je n'étais pas sûre d'avoir gaffé. C'était l'auteur qui m'intéressait, pas le personnage médiatique. Par chance il a pris mon ignorance pour un compliment. Avec raison. Je le comprends de pratiquer le journalisme pour vivre, l'écriture pour exister.
Je connais Xavier de Moulins. Oui et non. Que ton règne vienne, fatalité divine, est un long poème en prose que j'ai lu une première fois, pour en entendre le texte, et puis une seconde pour en entendre l'histoire. Comme ces films qu'on ne regrette jamais de visionner à plusieurs reprises.