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Bilan 2013, perspectives 2014 et solutions durables pour la filière ovins-viande française

Par Baudouindementen @BuvetteAlpages

Autogestion
Oui, l’élevage de montagne résiste bien, si on ne lui impose pas le loup !
"Aujourd’hui, la situation évolue favorablement et les éleveurs peuvent redresser la tête. En effet le marché mondial est mieux orienté, avec une baisse de production chez nos concurrents (Nouvelle-Zélande, Royaume-Uni) et une consommation mondiale de viande ovine qui s’accroît. Les débouchés s’améliorent pour les agneaux français et le prix déjà élevé depuis 3 ans devrait continuer à s’orienter favorablement. Même si le revenu ovin reste modeste, la profession travaille à la mise en place d’un programme de « Reconquête ovine » pour redynamiser la production et installer de nouveaux éleveurs."
Sources : Reconquete ovine  repris dans "Le loup, 10 vérités à rétablir ou la fin annoncée de l’élevage des moutons et une menace pour tous les animaux élevés en plein air"

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Rétablissons la vérité !

par Marc Laffont

Bilan 2013

Essentiellement, avec quelques ajouts, d’après la publication « Agreste conjoncture », de février 2014 - Ovins n°02/11

En 2013, baisse de 3% du tonnage de la production ovine

En décembre 2013, la production ovine atteint près de 534.000 têtes, en repli de près de 5% par rapport à 2012. Sur l’année 2013, avec 4,5 millions de têtes la production ovine a reculé de plus de 3%.
Cette baisse est régulière depuis environ 20 ans. Seule l’année 2011, consécutive à la forte hausse des subventions, avait momentanément permis une légère remontée de la production indigène.

Les abattages d'ovins de réforme sont, en nombre de têtes, en hausse de 1,1 % sur 2013. Cette nouvelle décapitalisation du cheptel esquisse les prémices d'une énième baisse de la production en 2014.

Sur l’année 2013, les exportations totales d’ovins vivants sont en retrait de 5%.

Les ventes vers l’Espagne ont à elles seules reculé de 29.000 têtes soit de 7% en volume.
Une bonne nouvelle cependant: sur les 9 premiers mois de l’année le nombre d’ovins adultes exportés vivants jusqu’au Liban est en hausse de 93 % par rapport à 2012 ! Soit 21.200 animaux à avoir bénéficié de la chance inouïe de se voir offrir un beau voyage circumméditerranéen, à l’issue du quel ces animaux seront très dignement abattus (NDLB: Voir la vidéo ci-dessous).

On aura une pensée émue pour les victimes du loup, qui elles, n’ont pas eues cette chance…

Même s'ils font sans doute une erreur en parlant d'agneaux. Il s'agit plus probablement de brebis de réforme. Lesquelles trouvent difficilement preneur en France, ce qui les destine souvent à l'équarrissage par centaines de milliers. Alors si on peut leur trouver un débouché à même pas 4.000 km...

Bien sûr, beaucoup d’autres pays font la même chose (République tchèque, Espagne...), mais c’est Notre Président qui vient d’affirmer que « beaucoup d’efforts ont été réalisés pour le bien être animal sans qu’il soit utile de le traduire par une loi. »

A l’inverse en 2013, les importations d’ovins vivants ont progressé de près de 2%.

Avec près de 248.00 têtes, l’Espagne a exporté vers la France 25 000 ovins de plus en 2013.

Sur l’année 2013, la consommation de viande ovine en France est en repli de 3%.

Face à une demande morose dans un contexte économique difficile, les importations de viande ovine sont en repli de plus de 3% par rapport à 2012. Alors que les achats en provenance du Royaume-Uni se sont maintenus quasiment au niveau de 2012, ceux en provenance d’Irlande, d’Espagne et de Nouvelle-Zélande ont reculé. Le déficit d’offre dans les exploitations s’est traduite par une baisse des exportations de viande ovine de 9% sur l’ensemble de l’année.
Sur les 10 dernières années, la baisse de la consommation de viande ovine par habitant est proche de 40 %. Le taux de pénétration était de 56 % en 2011 pour l’ensemble de la population française, il tombe à 31 % pour les – de 35 ans, le volume de leurs achats ne représentant que 6 % du tonnage total (contre 40 % des tonnages par les + de 65 ans).

Évolution de la production française de viande ovine (en milliers de tonnes équivalent carcasses)

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Source : Institut de l’Elevage, sur plusieurs années.
* : estimation personnelle...

2010 marque l'entrée en vigueur du « bilan de santé de la PAC » dont les effets, comment dire..., ne se démentent pas...

Perspectives 2014 et +

Essentiellement, avec quelques ajouts, d’après la publication de FranceAgriMer « Perspectives de la filière viande ovine à l'horizon 2025 » de décembre 2013.

Un repli de la production en Europe

Dans l’Union européenne, la production de viande ovine est en repli dans tous les principaux pays producteurs. Ces dernières années, la fièvre catarrhale ovine (FCO), l’identification électronique obligatoire des animaux, l’intérêt économique à aller vers d’autres spéculations (hausse du coût de production) ont été autant de facteurs qui ont été défavorables à la production ovine. Le marché français est la principale destination des sorties de viandes fraîches de l’Irlande et du Royaume-Uni (respectivement 50 % et 25 % de leurs exportations).

Face aux opportunités du marché international, l’Irlande, le Royaume Uni, l’Espagne et la Hongrie (viande, abats), la Roumanie (peaux), développent des stratégies d’exportation vers les Pays Tiers, notamment vers l’Asie et l’Afrique de l’Ouest pour la viande et abats, la Libye pour les peaux et donc le Liban pour les brebis de réformes vivantes hexagonales...

Malgré une succession de plans de soutien, les effectifs de brebis n’ont cessé de diminuer depuis plusieurs décennies, particulièrement pour les races à viande, la filière laitière ayant plutôt conforté ses effectifs.
A noter que, bien qu'enregistrant une forte baisse récente de son cheptel ovin (comme les autres pays producteurs), l'Espagne, pays aux 200 ours et aux 2.500 loups, est excédentaire en viande ovine : elle exporte 20 % de sa production. Dont une bonne proportion vers la France, pays aux 25 ours (8 fois moins) et aux 250 loups (10 fois moins)...

Une filière ovine française qui peine à maintenir sa production

La production française de viande ovine a reculé de 4% en 2012, soit une perte de 4.000 tonnes par rapport à 2011. Ce repli est essentiellement le fait d’une perte de compétitivité de la filière française aussi bien en amont qu’en aval.

La filière ovine française fait face aujourd’hui à plusieurs difficultés

  • Des performances techniques souvent insuffisantes : dans certains troupeaux, le nombre d’agneaux nés est très inférieur à la moyenne. Le niveau de prolificité de la production française demeure faible en raison notamment d'une mortalité importante des agneaux. Par ailleurs, près de la moitié des brebis finissent dans le circuit de l’équarrissage.
  • Des coûts de production élevés : certains éleveurs ont privilégié le système de production « agneau de bergerie » qui repose sur un apport important d’aliment concentré lié au prix de céréales, d’où un coût de production élevé par rapport aux systèmes herbagers et un système sensible à la volatilité des prix des aliments. Les systèmes de production français sont très hétérogènes.
  • Un déclin régulier de la production : les faibles performances techniques et les coûts de production élevés entraînent une très faible rentabilité économique de l’élevage ovin : le revenu moyen des éleveurs ovins est parmi les plus bas des éleveurs.
  • Un manque d’organisation et de compétitivité des outils industriels : l’atomisation des structures d’abattages et la baisse de la production entraîne une sous utilisation de certains outils.

Une consommation en baisse en majorité couverte par les importations

Environ 50% de la viande ovine consommée en France provient des importations. La baisse de la production sur le marché européen, et donc la raréfaction du produit sur les étals, tire la consommation française à la baisse en faisant de la viande ovine un produit de consommation festive. De plus, la viande ovine est un produit réputé difficile à cuisiner, parmi les viandes les plus chères et donc très peu consommée par les jeunes.

Enjeux

Après une longue période de régression, l’élevage ovin a bénéficié en 2010 d’un rééquilibrage des aides (NB : essentiellement un rééquilibrage des revenus, permis par le transfert de 125 millions d’€ des céréaliers vers les éleveurs ovins…), et d’un plan d’accompagnement des pouvoirs publics pour améliorer la compétitivité des différents maillons de la filière.
Ces efforts ont permis une amélioration des revenus des éleveurs, le renforcement de l’organisation économique de la filière sans réellement inverser la tendance à la baisse de la production. De nombreux problèmes restent à résoudre, le niveau technique reste bas et la productivité des élevages faible, et la structure démographique de la population des éleveurs est préoccupante.
Les faibles revenus de la production ovine depuis 20 ans ont conduit à un abandon massif de près d’un tiers de ses éleveurs et à un nombre restreint d’installations. L’âge moyen des producteurs est aujourd’hui élevé et les futurs départs en retraite laissent présager d’une chute brutale du nombre d’éleveurs ovins. Une nouvelle baisse de production risque d’être fatale pour la filière qui éprouve des difficultés pour assurer un approvisionnement régulier du marché et dynamiser la commercialisation.
Les professionnels estiment que pour assurer l’avenir de la filière, les installations de jeunes éleveurs devront permettre au cours de la prochaine décennie la reprise ou la mise en place de 250.000 brebis par an (NB : soit 2.500.000 brebis en 10 ans, l’équivalent de 60 % de l’actuel cheptel ovins-viande français. Le rythme actuel d'installation étant d'à peu près 350/an, soit environ 150.000 brebis/an, on mesure le chemin à parcourir…).
La productivité numérique des troupeaux est un des déterminants du revenu des éleveurs. La valeur moyenne de ce critère reste faible avec moins de 1 agneau vendu par brebis, avec une grande variabilité d’une région à l’autre mais aussi entre éleveurs d’une même région. Il existe des marges de progression importantes. [NB : voire très importantes comme en Ariège, exemple fameux de sous-productivité (650 tonnes d'agneau produites avec 70.000 brebis, « record par brebis » de Midi-Pyrénées : même les Hautes-Pyrénées font mieux, c'est dire...). Mais alors cela passera par un changement profond des mentalités. Autant dire que c’est comme si c’était fait…]

Le premier objectif est de diminuer le taux de mortalité des agneaux qui a augmenté significativement au cours des dernières années (NB : ce qui est une bonne définition de la notion de « faible technicité » évoquée plusieurs fois par le rapport plus haut...).

Des solutions durables pour la filière

Au sens de « développement durable » dans le langage commun à savoir : continuer le « business as usual » quelques années de plus (disons, une PAC, soit horizon 2021)

1) Assurer un black-out total sur la médiatisation d’un rapport comme cette réflexion stratégique menée par FranceAgrimer. Rapport qui a l’outrecuidance d’insister plusieurs fois sur la faible technicité et la piètre organisation de la filière ovins-viande française et « oublie » d’évoquer l’impact catastrophiquement désastreux des grands prédateurs. D’ailleurs en règle générale, cet impact n’est mentionné que lorsque les documents sont produits par des organismes agricoles ou par des politiques « de terroir » à haute valeur clientéliste ajoutée…

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2) Continuer à communiquer sur l’imminence de la disparition de l’élevage de plein air français, sur la base de la seule influence des grands prédateurs, notamment le loup, toute autre cause ne pouvant être que marginale.

3) Surtout, ne surtout pas communiquer sur l'estimation de la mortalité des brebis habituellement retenue par les organismes techniques, comme l'Institut de l’Élevage, et qui s'élève à 5 % du cheptel.
A noter que ce même Institut estime que la mortalité des brebis joue un rôle marginal dans la non-rentabilité des exploitations. C'est la faible productivité numérique en agneaux qui est LE facteur limitant. La dichotomie grandissante entre ce qui génère l'obtention des subventions, à savoir la détention de brebis, et ce qui génère le (maigre) chiffre d'affaire du volet « production », à savoir l'agneau, explique assez largement cette évolution pernicieuse : le revenu ne dépend quasiment pas du niveau de technicité, ce n'est donc pas un point qu'il convient prioritairement de développer.

Tandis que la recherche de boucs-émissaires est une piste autrement plus porteuse...

4) Faire table rase de tout argumentaire pouvant se traduire par une ébauche de moignon d’embryon de début de remise en cause : les éleveurs anti-loups, surtout les pluri-actifs, ce sont les gentils, les bobo-écolos-citadins pro-loups, ce sont des méchants qui veulent rien que faire disparaître l'élevage de plein air. Quand tout est parfait, on ne touche à rien.

5) Répéter perpétuellement les mêmes pseudo-arguments, comme si on avait besoin de s’en convaincre, à l’image de cette belle illustration, qui aurait largement sa place dans l'émission de télé-réalité « L'humour est dans le pré »...

Demain j'élève des brebis !
Reconquête ovine : s’installer en élevage ovin

Bienvenue-a-la-fnsea
Bienvenue à la FNSEA ! La filière ovine bénéficie aujourd'hui d'un contexte favorable : elle a obtenu en 2010 un rééquilibrage des aides de la PAC, elle a mis en place un nouvel appui technique rénové pour améliorer les performances technico-économiques des éleveurs ; elle s'est engagée par accord interprofessionnel dans la contractualisation afin de sécuriser le prix.
La production ovine est rentable et la profession d'éleveur ovin permet aujourd'hui de dégager un revenu au moins équivalent à celui des autres productions. Par ailleurs la production ovine bénéficie d'une image positive auprès du grand public avec un rôle reconnu dans la préservation de la biodiversité et l'entretien des paysages, un engagement dans des démarches qualité (labels, etc…). A cela s'ajoute une consommation d'agneaux prévue à la hausse et des disponibilités sur le marché mondial réduites pour les années à venir. Le contexte est donc plus que favorable pour s'installer en élevage ovin. (Source : FNSEA)

"Production rentable et consommation prévue à la hausse" ! Par qui ? mystère...

A mettre en perspective avec cette brève de conjoncture ovine du 26 février 2014 :

« L'offre timide soutient les tarifs. Mais le commerce est difficile, faute de consommation. »
Ressenti confirmé par Agreste-conjoncture, février 2014, mentionné plus haut :
« En janvier 2014, avec 246 000 animaux, les abattages d’agneaux sont légèrement en retrait par rapport au niveau de janvier 2013 (NB : année de référence pourtant marquée par une baisse). Par contre, les abattages de brebis de réforme sont en hausse de 5% ce qui pourrait traduire une volonté des éleveurs de continuer à diminuer les effectifs ovins dans les exploitations. »
Et un petit lien vers les résultats comptables 2011 de la région Midi-Pyrénées, « abritant » le plus gros cheptel ovins-viande de France :
Filière ovins-viande (par exploitation suivie dans le réseau d’information comptable agricole, RICA) :
Production de l'exercice : 52 800 €
Résultat courant avant impôts : 19 800 €
Résultat de l'exercice : 11 900 €
Total des subventions : 46 400 €
En Midi-Pyrénées, seuls les éleveurs bovins-viande font pire.
Pas de doute : tous les voyants sont au vert...

L’application scrupuleuse des principes énoncés plus haut devrait donc permettre d’aboutir au seul but véritablement recherché : tenir suffisamment longtemps pour que les 40 % d’éleveurs ovins de plus de 55 ans puissent prendre leur retraite d'ici la fin de la prochaine PAC.

Au delà, il est vivement recommandé de devenir syndicaliste. Ça ouvre des portes. Mais il n'y aura pas de place pour tout le monde...

Marc Laffont


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