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Brassaï et les graffitis à l’ancienne

Publié le 11 mars 2014 par Unionstreet

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À ceux qui aiment Paris la nuit, à ceux qui rentrent en marchant chez eux, qui observent les noctambules, les travestis sortir du travail, les fêtards endormis sur les pas de portes, à ceux qui contemplent les lumières de Notre-Dame se refléter sur la Seine, à ceux qui embrassent des filles qu’ils ne reverront pas dans la lumière du jour, à tous ceux-là, Brassaï sourit.

Brassaï a photographié Paris la nuit, quand la ville et ses habitants changent, se transfigurent. Bandits, filles de joie, danseuses, lampadaires, ponts, fontaines… Fasciné par l’idée de réveiller le banal par la photographie, Brassaï s’amuse avec des cadrages dynamiques qui font exister d’une manière nouvelle les choses, les rendant parfois abstraites, parfois magiques. Sous son œil bienveillant et amoureux, Paris brille de mille feux en ville de rêve, ville surréaliste dans laquelle se joue chaque nuit le plus beau des spectacles.

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Brassaï ne se contente pas d’observer, il réfléchit sur l’art. Son œuvre est chargée d’une force toute particulière… que l’on retrouve notamment dans sa série sur les graffiti. Sur les murs de la ville sont gravés des visages, des cœurs, des figures hybrides, que Brassaï photographie patiemment, pendant plus de quarante ans. Travail documentaire autant qu’artistique, il nous donne un aperçu de l’ancêtre du street art peint et coloré : avant, pour laisser sa trace, il fallait dégainer son couteau. Aux mille débats artistiques qui agitent le XXème siècle, la rue répond par une simplicité extrême dans ses motifs. Le geste est archaïque, viril, si simple. L’archétypal couple d’amants gravant dans l’écorce leur « pour toujours » est répété à l’infini, sur tous les murs, et Brassaï observe chacun de ces dessins de rue respectueusement, en notant dans de petits cahiers le lieu, la date et l’aspect de sa trouvaille. Il les a d’abord dessinés, puis a  fini par trouver le dessin trop pauvre face à la richesse des graffiti et est passé à la photographie. C’est ainsi qu’il a offert à ces petits dessins voués à la disparition le statut d’œuvre d’art pérenne.

« Le mur a toujours exercé sur moi une sorte de fascination. J’ai souvent préféré cette autre nature artificielle et urbaine, imprégnée d’humanité, infiniment riche en suggestions (…) et ce langage éphémère qui y prend mystérieusement naissance» Il y a dans ses paroles beaucoup d’amour pour la ville, dans laquelle il voit comme une seconde évolution ; les graffiti poussent et se développent comme des plantes, amenés à se perfectionner de plus en plus en s’adaptant à leur environnement… Il admire « cet enfant qui passe, voit qu’il manque un trait, un trou pour faire l’autre œil et qui d’un geste simple compose un autre visage, une nouvelle figure sur le mur en utilisant ce qui y était déjà, mais n’avait aucune signification. » Ainsi le street art tel qu’il le connaît ressemble à celui de maintenant, jeu collectif où les motifs se mélangent, s’accumulent, pour former un art vivant… devenant de plus en plus grandiose.

Exposition Brassaï à l’Hôtel de Ville, Paris 1er, jusqu’au 29 mars 2014.

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1835

1845

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D’autres photographies de Brassaï, ayant pour sujet la nuit parisienne :

George+Brassaï+-+An+English+girl+in+her+dressing+room+at+the+Folies-Bergère,+1932

Le+pont+au+change

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