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[note de lecture] Michel Collot, "L’amour en bref", par Antoine Emaz

Par Florence Trocmé

 


Collot
Parler d’honnêteté à propos d’un livre de poésie peut sembler étrange, et pourtant il y a bien quelque chose de l’ordre de la sincérité du journal intime dans ces poèmes courts dominés par une émotion amoureuse avec laquelle l’auteur ne triche pas. L’expression est directe : un trajet de l’ivresse et l’enchantement à la gueule de bois et la déception. D’une certaine façon, on passe des « Poèmes à Lou », car le début est malgré tout marqué par l’absence, à la « Chanson du mal aimé ». La fissure se produit entre « Flocons de neige » et « Pétales de printemps » : paradoxalement, au renouveau du monde correspond un étiolement de la passion. « Neuf mois », c’est long et bref à la fois pour une (re)naissance à la solitude, « où seule  l’écriture / survit à la rupture. » (p.95) 
« L’amour en bref », le titre indique bien un choix formel. Avec « Poesms », le sms devient une forme poétique brève, inattendue, dont la spontanéité et la modernité n’interdisent pas l’expression d’une sensibilité post-romantique.  Ajoutons que le choix de ce format n’a rien à voir avec le goût d’un débraillé adolescent ; la rythmique est très tenue, avec une dominante des vers de cinq six syllabes, et un système sonore travaillé. 
Autrement pris, le titre du livre se teinte d’humour noir ou d’autodérision : c’est l’amour en résumé, l’amour pour faire court, en neuf mois on en a fait le tour, comme en accéléré ou avance rapide. Le trajet peut sembler condensé par deux poèmes : « Tombé amoureux / d’une jeune femme / je suis retombé / en enfance tel / celui qui regarde / la neige qui tombe / et oublie la tombe. » (p.47) « Tu n’as pas cessé / d’être tout pour moi / pendant ces neuf mois / au terme desquels / je sus que pour toi / je n’étais plus rien. » (p.89) 
La détresse finale sonne vraie parce que Collot ne prend pas une posture revancharde. Il ne règle pas de comptes, il assume d’être quitté, au risque d’endosser le ridicule du vieil amoureux éconduit par une Lolita sans cœur. On entend sa souffrance nue dans un poème comme « J’ai beau essayer / de fermer les yeux / c’est dur de te voir / t’éloigner de moi / et me préférer / le premier venu. » (p.76) Silences et L’amour en miettes sont les parties les plus âpres du livre parce qu’il reste un espoir malgré la déchirure. A partir du premier poème de Larmes de cristal, l’auteur reprend de la distance vis-à-vis de l’expérience et la souffrance vire nostalgie, regret, désespoir dont le poète est sorti vivant et capable d’écrire. 
L’intérêt de ce livre est évidemment aussi son risque ; le sentiment n’a pas forcément bonne presse en poésie, à notre époque.  Collot revisite le thème amoureux d’une manière presque provocante, dans une innocence assumée : « Nous jouions dans la cour / des grands inconscients / du danger qu’il y a / pour de petits enfants / à se parler d’amour » (p.77) Voilà qui reste aussi courageux que touchant car le tragique amoureux dans sa banalité est aussi une vérité humaine que le langage peine à exprimer : « poésie (…) / réduite au maigre squelette / de mes pauvres odelettes » (p.89) En ce sens, ce recueil apparaît bien comme un défi : mettre sur la page le plus intime, naïveté et clichés compris, sans tricher, puisque la passion amoureuse ne va pas sans aveuglement, dérèglement, débordement,  jusqu’à ce que l’eau de rose laisse en bouche un goût amer. 
 
[Antoine Emaz] 
 
Michel Collot, L’amour en bref, Ed. Tarabuste, 100 pages, 12€ 


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