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La vie bascule

Publié le 20 avril 2008 par Gnomeinwonderland

Ceci est le premier billet de cette catégorie, en cela il lui est indispensable.

Plantons le décor...

Nous sommes en 2003. J'habitais Eygliers, dans les Hautes-Alpes. Je travaillais à Guillestre.
Comme aujourd'hui, j'avais deux passions : le sport et l'informatique.
A la fin de l'année 2002 j'avais pris 1 semaine de "vacances" pour suivre une formation d'initiation à Linux que j'avais décidé de m'offrir, seul dans mon coin, l'entreprise où je travaillais étant une pro Microsoft de base. Ca faisait plusieurs années que je sentais le vent venir, donc j'avais pris les choses en main moi-même. Et comme tous les nouveaux Linuxiens, je travaillais encore le plus souvent sous Windows, qui était monté en dual-boot avec Linux sur mon disque-dur.
L'été 2002 j'avais participé à la Cunéo-Vars, une course cyclosportive qui franchissait le col Agnel (2770m d'altitude) après un départ en Italie et arrivait en station de Vars, à 1850m. L'hiver 2002-2003 était une très belle année à neige dans les Hautes-Alpes. J'avais beaucoup skié cet hiver.
Avoir participé à une course comme la Cuneo-Vars l'été précédent m'avais boosté : non seulement j'avais fais beaucoup de ski, mais dans l'hiver  j'avais aussi pris le rythme de faire mes 2000m de natation 2x par semaine. Et j'avais repris le vélo tôt en ce début de printemps 2003 : le 22 mars j'avais déjà un bon niveau et j'avais fais une montée au col de Vars (2107m) avec un joli chrono.
Bref, en ce début de printemps 2003 j'avais une forme physique bien solide, et une sacrée pèche : j'était prêt à faire des perf', et j'avais une de ces gniak... Le sport ayant toujours été pour moi source d'équilibre : quand on a la gniak sportivement, on l'a aussi dans la vie.

Souvez-vous de ce début de printemps 2003 : le 20 mars 2003, jour de mon 32ème anniversaire (dans mon ancienne vie), c'était le début de la guerre en Irak. A la télé, à 20h on commentait l'invasion américaine... Détonnant.

Une journée de ski ordinaire

Tout a commencé le 29 mars 2003.

J'avais rendez-vous ce samedi 2 mars 2003 avec Rodrigue pour une journée de ski aux Orres. Sûrement une des dernières de la saison. Pendant que Sophie, son amie qui "faisait la saison", serait aux remontées mécaniques.

Le matin, location des ski (des "bandits" des Rossignol : du bon matériel). La matinée se passe sur les skis, on chambre de temps en temps Sophie qui est dans une cabane des remontées. Je prends quelques photos. 3, pour être précis.

Mon dernier souvenir c'est mon regard en arrière pour attrapper un télésiège, où nous attendons notre amie surfeuse qui a du mal à venir jusqu'à nous. il est certainement aux alentours de 14h, et on a tous faim. Après, la descente qui s'en suivra, ce sera la pause du midi.

Le néant, puis la lente réémergence

Après, c'est comme si on coupait le courant au cerveau. C'est le néant. J'ai bien quelques brides de souvenirs qui me reviennent... rien avant, rien après :

  • je suis sur un lit d'hôpital, les deux bras dans le plâtre, une minerve au cou. Je me vois la nuit, en train de ramasser des coussins sur le sol : pour moi, je ramasse "des bombes qui n'ont pas explosées";
  • des toilettes bouchées;
  • une sensation de froid la nuit, le voisin de la chambre qui se lève pour ajuster la climatisation;
  • un départ pour un l'hôpital avec un sac poubelle faisant office de valise.
Le jus reviens un peu le 24 avril 2003. C'est le matin. Je ne m'interroge pas sur l'endroit où je suis : je le connais, c'est comme ça. Ne me demandez pas pourquoi ni comment, mais j'ai bien intégré en moi le fait que je sois hospitalisé. Je vois bien l'état qui, visuellement en apparence, est le mien. Je dois descendre faire une radio. On me fait confiance pour que j'y aille seul, et surtout pour que je puisse revenir seul jusqu'à ma chambre (ça m'étonne qu'on me fasse confiance pour ça...). J'ai malgré tout des doutes, mais je suis convainquant.
On me fait une radio du bras droit. Je trouve ça normal, puisque je suis dans un hôpital et que je suis plâtré. On me demande d'attendre, alors j'attend bien sagement. On me montre la radiographie. Et là, c'est un peu comme désaouler violemment : je découvre avec horreur que mon bras droit, c'est CA (cf. photo à droite).
Je remonte les étages pour retrouver ma chambre. Evidemment je me perd, mais je retrouve mon chemin.
C'est compliqué à dire... ce retour à l'état de conscience est bien réel, puisqu'avant rien n'était fixé dans ma tête. Pourtant, ce retour à l'état de conscience n'est pas si brutal : je ne passe pas d'un état "dans le néant total" à un état "totalement conscient", je ne sais pas si j'arrive à me faire comprendre... Je rassemble de manière très confuse des paroles récentes autour de moi, je remet ensemble des pièces du puzzle et je commence a comprendre ce qu'il est arrivé et pourquoi je me trouve là, dans cet état.

Ce que j'ai manqué

En skiant, j'ai heurté un mélèze en bordure de piste. On se sait pas pourquoi, on ne sait pas comment. Je suis à l'hôpital, dans l'établissement Rhône-Azur à Briançon. J'ai les deux bras dans le plâtre, le pouce droit étant complètement bloqué, et j'ai une minerve au cou.
Mais j'ai perdu la mémoire depuis 27 jours. Je ne me souviens de rien. Je ne me souviens pas non plus du reste de la journée après mon passage au bloc-radio de l'hôpital... Mon état de conscience, et c'est beaucoup dire, n'aura même pas duré une heure.

Un "retour" confus et indistinct

Le lendemain matin, je dois me rendre voir un de mes médecins. Apparemment, on croit comprendre que je réémerge. On me demande :
- "vous savez quel jour nous sommes ?
- moi, après 2-3 secondes de réflexion : le 25 avril
- de quelle année ?
- moi : 2003
- vous avez la télé dans votre chambre ?
- moi : oui
- qu'est-ce que vous avez retenu des informations ?
- moi, après 1 ou 2 secondes et pour faire celui qui suit l'actualité (et avec le recul ça me fait bien rire) : la démocratie qui n'arrive pas à s'installer en Irak".
Cette période reste encore extrêmement confuse pour moi. Je sens bien autour de moi qu'on m'explique de manière générale et factuelle mon accident : le ski, un choc contre un arbre, ma présence à l'hôpital. A la fois j'ai l'impression qu'on me le dit souvent, à la fois ça reste trouble et ce n'est pas complètement présent dans mon esprit. Le noir se passe sur le reste de cette journée, comme il l'était aussi avant ma visite chez le médecin.
Enchaînement sur le week-end : visite de mes parents à l'hôpital. C'est toujours excessivement confus pour moi. Je me souviens d'être accompagné par ma mère au rez-de-chaussée de l'hôpital, près du distributeurs de confiseries. Avant, c'est toujours le noir dans ma tête. Je me rappelle parfaitement choisir un Bounty. Je me rappelle ma mère qui me demande quelquechose du genre "est-ce que tu as compris pourquoi tu es là ?". Moi, fraîchement sorti du néant depuis quelques jours/heures, par des périodes intermitentes, je me souviens avoir répondu, un peu agacé, "oui oui, là c'est bon, j'ai bien compris ce qui m'est arrivé".
Et apparemment, c'était la bonne réponse à formuler...

Il a fallu encore une bonne dizaine de jours pour que je retrouve une pleine conscience de chaque instant. J'ai commencé progressivement à apprendre ce qui était arrivé depuis le 29 mars 2003, aux alentours de 14 heures...

(c'est le premier billet, il y en aura d'autres...)


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