Armand Dupuy publie Par Mottes froides aux éditions Le Taillis Pré.
On traverse un pays de souches lourdes
et de sapins – les routes serrées. Je pense le
blanc par mottes froides qu’un mois plein
n’a pas réchauffées. La lumière écrase
les primevères, c’est trop. Trop comme
seul et vite. La route serre plus fort et
toujours on se demande ce que veulent
dire partir, revenir et simplement passer.
[...]
La lumière au devant, toujours, et la mort
assez près dans l’oiseau, la cour, le lichen
des troncs, même dans les respirations lentes
à l’étage. La terre s’éboule dans la bouche
et partout. On arrache des images aussi
vaines et ressassées que les mottes d’hier.
On s’use à dire ça dans des mots faibles, in-
capables, et peut-être qu’il faudrait se taire.
Et ces mottes, encore, qui ne sont plus là
mais leur froid tenace – presque un hiver
dans l’œil, plus tardif, et bulle dans le redoux.
L’œil et la pensée s’entendent où le haut
touche le bas. On retrouve à la fenêtre les
prix sûrs de l’essence, la grisaille, et tout
passe. On reste à flot dans peu de choses :
ce présent dévasté ; l’imprononçable endroit
Ce qui papillonne et brûle sous l’ampoule ou
mouille, plus bas, les mousses et gravats, le
lierre gris-mort – tout ça tombé dans ma sale
manie d’amasser le peu dans peu de mots, tout
ça posé dans l’attente qui n’aide pas l’attente, là,
comme les mains sur la table, deux bêtes perdue.
Et je pense à l’ami loin, sa maison loin, son bord
de mer qui berce, le laisse au loin, si seul au seuil.
Armand Dupuy, Par Mottes froides, frontispice de Jean-Claude Terrier, éditions Le Taillis Pré, 2014, pp. 33 et 35 à 37
Armand Dupuy dans Poezibao :
bio-bibliographie, Les paensements d’arrière-arrière grand maman (par Yann Miralles), La tête pas vite (Y. Miralles), ext. 1, "Mieux taire" par Florence Trocmé