Et si on parlait de cinéma sous l'angle des scandales et des polémiques aujourdhui? Moi qui ai fait un petit mémoire en droit de l'audiovisuel sur la censure et le cinéma, le sujet ne me peut que me parler, je pense, et j'avais donc envie de vous en toucher quelques mots en prenant des exemples assez parlant...
En effet, dès lors qu’il daigne s'aventurer hors des sentiers traditionnels de la comédie, du film romantique ou du film d’action, il arrive que le 7ème art provoque des débats et des controverses passionnées, voire violentes, en bref ce qu'on appelle des polémiques. Puisqu'il va de soi que le cinéma, au même titre que la littérature, la peinture, et la musique, doit et peut véhiculer des idées, des sentiments et des histoires de vie, qui lorsqu’ils ne correspondent pas à la « normalité » (vaste question de savoir où se situe la normalité, mais nous n'y répondrons pas maintenant) , peuvent provoquer des réactions de rejet, de peur, de déni voire de haine. De nombreux films, fortement controversés, ont pourtant participé à changer les mentalités.
Les réalisateurs de ces dits films ont en effet pris le choix d'aborder des sujets sensibles ou décalés, au risque de s’attirer les foudres des critiques et du public. Choquer, écoeurer, indigner, angoisser, surprendre, exaspérer ( je pense que vous comprenez le message :o) amène forcément et férocement le spectacteur à réfléchir et remettre en question nos préjugés et nos certitudes.
Ce fut notamment le cas d'un film que j'ai vu à 15 ans au cinéma et qui m'avait énormement frappé, Les Nuits Fauves (1992) , cette autobiographie si sulfureuse écrite par Cyril Collard ce romancier, musicien, cinéaste, bisexuel et atteint du sida, qui puisa dans ses dernières forces pour cette adaptation à l'écran multirécompensée aux césars en 2013.
Et un an plus tard suivra Philadelphia (1993), que je me rappelle avoir vu au Danemark avec ma jeune correspondante danoise ( ah les beaux souvenirs :o), un film hollywoodien dans le bon sens du terme devenu un classique, réalisé par Jonathan Demme et interprété par Tom Hanks, avocat, homosexuel et licencié suite à l’annonce de sa maladie.
Les Nuits fauves et Philadelphia possèdent donc l'immensemérite de présenter au grand public la réalité d’une maladie encore mal connue à l’époque, le sida et permet ainsi l’ouverture de discussions auprès des jeunes sur les moyens de prévention.
Plus récemment, toujours sur le sujet qui encore tabou du sida, le cinéaste Jean-Marc Vallée dans son film Dallas Buyers Club (2014) ( que j'ai chroniqué ici même) nous raconte l’incroyable histoire vraie de Ron Woodroof, homophobe tapageur interprété par Matthew McConaughey. Ce dernier atteint du sida, ne comprend pas comment une « maladie de tapette » a pu l’atteindre. On est en 1985, l'année de la mort de Rock Hudson, la première star hollywoodienne assumant son homosexualité (une des premières scènes du film) et le personnage représente parfaitement l’ignorance et les préjugés liés à cette époque au sida.
Parrallèlement au sida, une autre thématique est souvent présentée sur les grands écrans, je veux parler de la violence extrême et gratuite, comme celle mise en scène dans Orange mécanique sorti sur les écrans en 1971. Après la sortie du film, il est souvent reproché au film de présenter la violence de façon trop esthétique. Les lettres de protestation, voire de menaces, envahissent alors la boîte aux lettres de l'immense Stanley Kubrick, qui, pour protéger sa famille, demande à Warner Bros de retirer le film des salles de cinéma. Cette censure durera pendant 27 ans et ne se terminera qu'après la mort de Kubrick le 7 mars 1999.
A l’instar d’Orange mécanique, c’est le film Tueurs nés (1994) qui fera également l'ire des critiques, en suivant un couple de personnage, Mickey (Woody Harrelson) et Mallory (Juliette Lewis), qui décide de s’embarquer dans une virée sanglante, tuant les gens qu’ils rencontrent sur leur route, eux-mêmes victimes de mauvais traitements durant leur enfance. Leur déchéance à travers les États-Unis est détaillée dans les médias et les rendent populaires.
Beaucoup d'observateurs ont reproché au réalisateur Oliver Stone, l’exagération de la violence visuelle et verbale contenues dans le film, bien que le réalisateur affirme que celle-ci est consciemment exagérée.
Dans les autres sujets délicats exploités par le cinéma, nous n'oublierons pas de mentionner ceux liés à la drogue. Prenons le cultissisme Las Vegas Parano (1998) de Terry Gilliam qui nous fait partager le trip au sens propre et figuré de Duke et Gonzo interprétés par Johnny Depp et Benicio del Toro. Le film a été présenté pour la première fois en compétition officielle lors du festival de Cannes 1998[], Terry Gilliam disant à ce sujet « Je suis curieux de voir la réaction des gens. Je serais désappointé si le film ne faisait pas de vagues et si les gens n'étaient pas outragés ». Mescaline, LSD, cocaïne, marijuana, poppers, éther et leurs effets sont les ingrédients principaux d’un film mal acueilli par la critique mais devenu assez culte pour pas mal de gens par la suite.
Même sentence pour The Big Lebowski (1998) réalisé par Joel Cohen, qui fût un flop commercial à sa sortie, mais après une dizaine d’année, obtint son statut de film culte. Dans cette comédie Lebowski, interprété par Jeff Bridges, est un sans emploi, oisif et joueur assidu de bowling qui victime d’une confusion d’identité sera entraîné dans une histoire d’enlèvement et de rançon.
A part le bowling, Lebowski nourrit une passion pour le russe blanc, un cocktail qu’il boit tout au long du film et qui par la suite, connut un vrai regain de popularité. The big Lebowski, personnage décalé, anti-héros et adepte d’un mode de vie parallèle, fait l’objet d’études. Sur ce sujet, j'ai lu notamment lu très récemment un article d'un récent numéro de So Film- géniale revue sur le cinéma dont je me délecte chaque mois, qui enquête sur toutes ces personnes qui vivent comme leur modèle et notamment .
Car de plus en plus de fans s’identifient au fameux "Dude", et vont jusqu’à adopter le même style vestimentaire, fréquentent les salles de bowling et consomment des russes blancs. C’est le retour du fameux style "baba cool", car, à une époque où l'on peut désormais se procurer des graines de cannabis sur internet, le cinéma, lui, met en scène une société dont des personnages tels que Lebowski, incarne une rupture avec la réalité d’une vie méritocratique faite de stress et de travail. Et forcément, ce genre de personnage ne peut que rencontrer l'adhésion des cinéphages du monde entier, nonobstant le thème de la drogue en filigrane.
Bref, pour conclure sur ce thèmes des sujets sensibles au cinoche, on peut estimer que pour que le spectateur parvienne à accepter un film qui renverse nos codes, nos principes, nos valeurs, il faut donc parfois qu'il laisse passer une période plus ou moins courte de mastication et de digestion, en tout cas, il convient ne pas se précipiter dans son jugement et laisser à l’œuvre le temps de se diffuser durablement en nous....
Article écrit avec la collaboration de J Casin, contributrice invitée...