Dessin de Gilles Boutin
Nous qui avons connu la stérile saison de repentirs sans fin, nous émergeons au monde d’un acquiescement solaire.
Nous n’avions de visage que la cendre. Des bergers de déraison menaient le triste troupeau vers cette mort certaine qui n’a pourtant de terme.
Mais le jour s’éveille ; mais nos corps se font concrets.
Un jour franc pour des hommes qui ne craignent point d’être – car être soi représentait un risque des plus élevés, mais nous ne craignons point d’être : nous avons congédié les gardiens d’une longue mégarde, et nos visages se révèlent dans l’absolu clarté de l’azur, et je te vois tel que tu me vois, souverain charitable que l’on avait élevé dans l’ignorance de lui-même, sans commencement ni terme, événement du dieu qui dans la chair trouve le sanctuaire de son actualisation.
C’était le temps d’enfants hâves aux soupirs discrets.
Nos gardiens ne possédaient pas les clés mais parlaient la langue du mystère.
Enfants discrets, la discipline délétère de l’oubli nous maintenait stupéfaits sur la place du marché – de discipline véritable nous ne connaissions point : ce n’était que torpeur imposée par des gardiens sans âme ; des ombres de fantômes nous barraient les portes de la Vie.
Mais nous sommes assassins. Mais de par notre seul rire les avons détruits, ces personnages informes qui de l’autorité portaient le masque défini.
Maintenant les enfants dansent.
Le ciel est un sourire ; son scintillement nous ouvre les clairières de notre véritable séjour, notre repos, notre joie, un repos tout de joie au centre de nos activités libres et sans fin.
C’est un jour franc. Le geôlier brise son faix : nul n’avait comme lui de chaînes si lourdes – et la mère des hontes s’étend au soleil : elle s’y consume parfaitement.
Ils n’avaient peur de rien comme de ce qui nous distingue, ces bergers d’une longue folie – mais en nos différences nous découvrons le lieu de nos plus intimes liens.
Maintenant. Jour de notre intelligence réelle, de nos véritables sentiments.
Maintenant, nous sommes aguerris, pacifiques suprêmement, et d’une fable de ressentiment ne serons plus jamais dupes, maintenant, hommes et divins tout à la fois, divinement humains – et les prisons de nos espoirs ne sont qu’autant d’os jaunis qui tombent en poussière, et la poussière tourbillonne dans la lumière bourdonnante du grand Midi, maintenant.
Frédéric Gagnon
Chicoutimi, dimanche 26 octobre 2003