Magazine Cinéma

L'ecume des jours - 3/10

Par Aelezig

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Un film de Michel Gondry (2013 - France) avec Audrey Tautou, Romain Duris, Gad Elmaleh, Omar Sy, Charlotte Le Bon, Aïssa Maïga, Michel Gondry, Philippe Torreton

Quand la surenchère tue la poésie...

L'histoire : Dans un monde surréaliste, le jeune Colin, rentier, rencontre Chloé dont il tombe amoureux fou. C'est le bonheur et ils se marient. Mais un nénuphar pousse dans l'un des poumons de la jeune femme... Pour la soigner, il va déployer tous ses efforts, tout son argent, et se mettre à travailler dur...

Mon avis : Je n'aime pas Michel Gondry, ça se confirme. Quand ça veut pas, ça veut pas. Dire que j'ai adoré et que j'adore toujours les excellents Human nature et Eternal sunshine... Incompréhensible. Car pour tout le reste, je me suis heurtée à un mur d'incompréhension et d'ennui.

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Pourtant j'adore le burlesque, l'absurde, la fantaisie et le surréalisme. Mais avec un point essentiel pour lier le tout : la poésie ! Ces univers fantasmagoriques ne peuvent émouvoir que s'ils sont illuminés par la poésie. C'est quoi la poésie ? Quelque chose d'indéfinissable : une délicatesse extrême, une légèreté, une subtilité, une luminosité et puis aussi des symboles universels ; une sorte d'étincelle magique qui vous lie au cosmos ! (encore le cosmos ? je deviens de plus en plus mystique en vieillissant...). La poésie, c'est comme l'image d'une blanche fée évanescente à l'orée d'un bois nimbé de brume...

Absolument rien de tout ça dans le film.

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On pouvait pourtant penser que Gondry serait l'homme idéal pour adapter le chef d'oeuvre de Boris Vian, un des plus beaux livres de la littérature française. On lui connaît un onirisme et une inventivité prodigieux. Qui chez moi ne fonctionne pas. Pourquoi ! A cause encore une fois de l'émotion et de la poésie qui manquent cruellement ! A quoi nous sert l'absurdité si elle ne fait ni rire ni rêver ? Pas beaucoup d'humour non plus, malgré la folie ambiante ! Même la petite souris ne nous fait pas sourire...

Car Gondry se livre ici à une surenchère de trouvailles et d'effets spéciaux pour traduire le roman de Vian, une ode surréaliste et infiniment poétique, elle. Notre esprit est accaparé par une débauche d'objets farfelus, de décors bricolés maison, de scènes burlesques, qui s'enchaînent à la vitesse grand V, comme si on feuilletait un catalogue de trucs bizarroïdes ! Moi j'ai eu l'impression d'être agressée par tant de démonstration ! C'est là une des limites du cinéma par rapport à la lecture. En lisant, on peut faire "arrêt sur image" parce qu'un détail nous a plu et on laisse alors notre esprit s'envoler quelques secondes, avant de revenir à la lecture. Et chacun s'arrête sur les détails qui lui parlent le plus, selon sa personnalité. Le cinéma ne permet pas cette "interactivité". Et Gondry est tombé dans l'écueil. Trop c'est trop. S'il en avait fait moins, peut-être aurions-nous pu nous échapper quelques secondes de temps à autre pour rêver. Ici tout est mené à un train d'enfer... expression bien loin de la poésie !

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Et puis L'écume des jours, c'est une histoire triste. Un amour malheureux à la Love Story, la maladie, la mort... Moi je me suis tellement ennuyée, agacée par ce festival d'objets hétéroclites, que peu à peu je me suis désintéressée complètement des personnages. Une histoire d'amour tragique qui ne vous émeut pas... faut quand même le faire ! Il n'y a pas d'émotion dans ce film. Aucune. Un comble. Sur la fin, j'avais carrément envie de dormir... Et puis, à part Romain Duris (et encore... ce n'est pas ce qu'il a fait de mieux), l'interprétation n'est pas tip top. Je ne suis pas très fan de Audrey Tautou, et le reste de la bande ne figure pas non plus dans mon panthéon personnel. J'ai trouvé les prestations assez moyennes...

Je laisse les derniers mots à Boris Vian décrivant son livre : "... l'écume dorée, tremblante et fragile de nos jours sensuels et menacés qui s'enfuient..." 

Ca, c'est de la poésie... Quelques mots qui vous ouvrent tout le champ des possibles.

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Beaucoup d'excellentes critiques mais aussi beaucoup d'autres qui rejoignent mon ressenti : Le journal du dimanche : "Gondry laisse pendant deux heures les effets spéciaux et ses incroyables bricolages prendre le pouvoir sur la dramaturgie et les émotions". Positif : "Gondry a tellement perfectionné son dispositif scénographique qu'il a instauré une distance émotionnelle quasi infranchissable entre lui et nous". Critikat : "Un film harassant dont le récit est sans cesse parasité par une course effrénée, celle qui pousse Gondry à vouloir se mesurer à l'exubérante  imagination de Boris Vian". Elle : "Michel Gondry a tiré un film qui est d'abord un tsunami d'images, de clips de pubs qui séduisent et enchantent puis finissent par noyer le spectateur ". Le monde : "On dirait que le film épuise toute son énergie à la construction d'un monde qui ne fait plus beaucoup de place à ses habitants". Les inrocks : "L’orgie visuelle déployée par Gondry n’est pas une écume mais une vague, un puissant rouleau qui engloutit tout (acteurs, personnages, émotions, spectateurs…) et nous laisse sur le sable, étourdi et hagard". Télérama : "Son art des petits mécanismes merveilleux sombre dans un systématisme qui tue la poésie en la produisant à la chaîne".

Le public est resté très perplexe lui aussi, semble-t-il...


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