Magazine Animaux

Douilles et échinococcose (toujours)

Par Baudouindementen @BuvetteAlpages

par Jacques Frier

C'est la fin de l'été (et des haricots), qui annonce une série d'évènements cycliques naturels : les confitures bullent et embaument dans de vieux poêlons cuivrés, les bocaux de légumes stérilisés s'alignent en rangs d'oignons sur les étagères des celliers, tandis que des campagnes alentour se répandent de caveaux les derniers relents de vinifications. Par vagues successives, des gazouillis virevoltent et papillonnent ça et là pour nous saluer de leurs petites mains emplumées et bien sûr, le cèpe est sur toutes les lèvres, prioritaire et majuscule, mais soeur Anne, pourtant loin d'être bigleuse, ne voit toujours rien venir. Et puis mijote une angoisse lancinante pour des millions de citoyens, ciblant plus particulièrement l'avenir des petits : l'ouverture des classes.
- Plaît-il ? Une faute de frappe ? L'ouverture de quoi ? Non, je ne vois pas.
A P., village de la Loire, une galerie qui se veut d'art va ouvrir elle aussi, et l'heureuse tenancière a eu vent de l'existence de champignons qui sortaient des doigts d'un magicien, un artiste: automne, champignons et sa petite idée. La dame me contacte, excitée comme une poule qui a trouvé un véritable Laguiole de Chine dans la vase :
- Oui, ce sera magnifique, original. Je ferai une décoration de sous-bois. Etc., etc.

Je suis tiède. La galeriste la veut sa vitrine, oui elle la veut, qui poursuit, enflammée :
- Je mettrai des douilles de toutes  les couleurs. Etc. etc.
- ???
- Et puis un canard, ce sera joli !
    
Dans mon esprit, le feu passe  à l'orange. Elle la voit sa vitrine, oui elle la voit, qui continue :
- J'y mettrai aussi une renarde avec ses petits, mon père est lieutenant de louveterie !
Et nous y voilà ! Je la vois sa vitrine, oui je la vois, rouge ! La dame attend toujours ma réponse en sifflant là-haut sur la colline, d'autant que j'ai su ultérieurement que son pervers souterrain était maire de P... On imagine que durant son mandat, les poules de P. ont eu tout le loisir de voir venir leurs caries. Aujourd'hui, ce triste sire a rejoint cette terre qu'il a aseptisée avec l'art de l'acharnement, galerie après galerie. Vous n'avez donc jamais eu ouï-dire du déterrage, non ? Asseyez-vous et prenez la queue, je vais vous faire un dessin. Mais attention, cela pourrait gicler: à côté, le lactaire halal fait figure de menstrues d'une communiante !

Myrtilles champignons
Chers lecteurs, électrices et électriciens, voyez-vous, je ne pouvais pas parler de renards sans dégoupiller la vieille phobie de certains randonneurs à l'égard de fruits des bois, baies, plantes sauvages comestibles et champignons, quand elle ne devient pas une terreur (1) obsessionnelle : l'échinococcose (en français dans le Vidal, 3ème édition).

Qu'en est-il exactement ? Schématiquement résumée, une maladie contagieuse potentiellement très grave pour l'homme, transmise par les déjections de canidés (chien, renard) et chat, parasités par un ver. Très grave, mais heureusement très rare. Mais qui donc en parle de façon récurrente et dans quel but ? Nos chasseurs français lâchent dans la nature, chaque année, des millions de «gibiers» d'élevage (perdrix, faisans, lapins, lièvres...) pour satisfaire leur seule passion de tuer.
Je regrette que ce mal ne soit pas l'objet de ces pages, je vous en aurais volontiers touché deux mots. Pratique aberrante, résultat d'un désert faunistique crée bien avant l'avènement de la chimie dans l'agriculture, c'est une manne évidente pour les carnivores qui deviennent les cibles d'une traque effrénée utilisant tous les moyens légaux (ou non, il ne faut pas se faire piéger). Ces déjections donc, peuvent souiller les fruits et champignons que vous vous apprêtez à consommer. Si ce n'était pas risible, je dirais que les chiens de chasse ont l'élégance de ne pas être concernés: en forêt, ils se «retiennent». Gentil le chien, gentil ! Alors, on crie haro sur le goupil émissaire. Vilain le renard, vilain! Les précautions concernant vos récoltes sont pourtant simples: rincez abondamment à l'eau et cuisez toujours, que vous deviez congeler ou non. C'est tout. Et si vous avez encore un doute, imaginez le tonnage mondial de produits de la nature, y compris les herbes de Provence de Ducros  (paix à sa carcasse) qui transite par des intestins humains, à commencer par cette poêlée de girolles servies dans une auberge de l'Aubrac, ou la bonne tartelette-maison aux myrtilles de Savoie, arrivées sans contrôle sur votre table...
Ah , j'oubliais ! J'entends souvent des citoyens prenant l'air, se plaindre de violentes agressions verbales de la part de porteurs de fusils. Que ces utilisateurs de la nature sachent bien qu'ils sont susceptibles de perturber une partie dont l'issue est la mort d'un animal, et que le joueur (2) n'est pas forcément disposé à tailler une bavette dont la pluie et le bon temps seraient le thème central à un moment inapproprié. D'ailleurs, la gerbe de grenaille en sera le premier avertissement, destiné en priorité au champignonneur qui, par sa quête silencieuse, le bruit des feuilles et branches cassées qu'il émet, sa position voûtée, sa tenue vestimentaire rarement rose flamand, est une «bavure» idéale...

Et le grand bol d'air pourrait finir bien mal, le premier dans un services d'urgences (mais pas la toxicologie !), l'autre étant couvert par l'assurance de son jeu (3).
Ah, j'oubliais encore ! Il est fortement déconseillé de toucher les crottes à terre, et bien sûr, de se sucer les doigts ensuite. C'est anodin, mais il est bon de le rappeler aux originaux. Et surveillez également vos enfants: une crotte n'est pas une sucette ! Et à ce propos, comme le chien est très câlin, ne le laissez pas vous lècher. Vous ignorez ce qu'il vient de croquer et c'est un fieffé coprophage (ou mange-merde, s' il faut tout vous mâcher).
Maintenant, à moins que vous persistiez à perdre votre temps dans un dialogue de sourds, cueillez tranquillement et régalez-vous de la nature pendant qu'il en reste quelques reliques: vous avez autant de chances de croiser le dahut qui a vu le renard porteur de l'échinococcose que de trouver un chapelet dans un sex-shop place St-Pierre de Rome (quoique ?) où mènent tous les chemins des crétins des Alpes et d'un vaste ailleurs. In secula seculorum...
PS. Sur la bande d'arrêt d'urgence d'une autoroute, les statistiques donnent vingt minutes de votre peau, osselets compris.

(1) Echinococcose. Renseignements auprès du CHU de Besançon (Hépathologie) qui est chargé de l'évaluation de l'impact sur la santé humaine.
- Sur base des données  européennes en date de la fin 2002, le nombre total de patients atteints en Europe était situé autour de 600. En Belgique, une quinzaine de cas ont été détectés depuis 1999. Source : ISP (Institut Scientifique de Santé Publique). Belgique. Mise à jour : juillet 2009.
 - « La lutte contre le parasite ne passe  pas par la lutte contre le renard » (AIREA –  Association pour l'Information et la Recherche sur l'Echinococcose alvéolaire, fondée en 1987).

(2) En anglais, le mot game désigne le jeu, le divertissement, mais aussi le gibier ! Game-bag = gibecière (sac à jeu ?). Game-cock = coq de jeu, puisque le coq n'est pas gibier. Gibier est un terme de chasseur, comme nuisible : les gens normaux parlent de faune. De même que les mauvaises herbes ne posent problème qu'au jardinier. En mycologie existent des espèces toxiques voire mortelles : elles n'en sont pas nuisibles pour autant.

(3) Contrairement aux idées répandues, le plus grand nombre de décès imputables aux armes à feu est enregistré hors période de chasse, l'arme restant au domicile du propriétaire qui peut faire péter les plombs si la folie le prend. A bon entendeur, bonne soirée madame ! Ceci dit, il y a des limites à l'empathie et si une moustique (les mâles ne piquent pas, je le sais de la bouche d'un cousin) veut me faire une prise de sang sans ordonnance, je n'attendrais pas une dérogation de la vieille SPA pour lui aplatir sa seringue.

Jacques Frier

LBDA: Et comme disent les viandards : "Après les douilles, vidons les carafons !"

L’échinococcose alvéolaire

L’échinococcose alvéolaire, sans être une maladie fréquente en France (environ 10 cas par an) mais en raison de sa gravité, demande une plus grande vigilance des pouvoirs publics pour suivre son extension éventuelle vers notre région. De même, les responsabilités citoyennes des personnes transitant ou séjournant avec leurs animaux familiers dans les régions infestées devrait les inciter à les déparasiter dès leur retour.

En revanche, préconiser la destruction des renards sous prétexte de l’échinococcose alvéolaire est injustifiée et contraire à l’objectif poursuivi qui est d’éviter l’extension de la parasitose ; en effet, la destruction des renards locaux sains, crée un vide susceptible " d’aspirer " des renards venant de l’est et porteurs du parasite.

La Fédération Nord Nature a été étonnée pour ne pas dire scandalisée de la manière partiale et incomplète dont les relations renard – échinococcose alvéolaire ont été présentées par les rédacteurs d'un article ("Faut-il avoir peur des renards ?", la Voix du Nord, 5/1/2002), la Voix du Nord) ) , car il est évident que les risques de contracter la maladie sont beaucoup plus importants avec les chiens et les chats qu’avec le renard. (Nord-Nature)

Lire aussi

  • L'échinococcose alvéolaire

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