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Paroles Gelées, quand Jean Bellorini fait raisonner Rabelais

Publié le 25 mars 2014 par Marcel & Simone @MarceletSimone

Théâtre du Rond Point

2 bis avenue Franklin D. Roosevelt

75008 Paris

jusqu'au 4 avril

Crédit photos Giovanni Cittadini Cesi

Crédit photos Giovanni Cittadini Cesi

Après La Bonne Âme du Se-Tchouan de Brecht, l'automne dernier aux Ateliers Berthier de l'Odéon – Théâtre de l'Europe, puis en tournée dans toute la France, le jeune metteur en scène – récemment nommé à la tête du TGP de Saint-Denis – revient avec Paroles Gelées, au Théâtre du Rond Point.

Pour ce spectacle, créé il y a deux ans au TNT – Théâtre National de Toulouse/Midi Pyrénées, Bellorini et son comparse Camille de la Guillonnière se sont inspirés de l'oeuvre de Rabelais, et plus particulièrement du Quart Livre, publié en 1552. Si le nom de ce grand auteur humaniste français du XVIème siècle est connu de tous - qui n'a pas un jour lu Gargantua ou Pantagruel dans sa scolarité – il se fait plutôt rare sur les scènes de théâtre. Cela n'a pas découragé Bellorini et De la Guillonnière, qui souhaitaient faire entendre cette langue de la Renaissance, “ouverte, charnue, métissée, multicolore, à la fois savante et populaire” comme la définit Bellorini.

Le travail d'écriture et de recherche autour des textes de Rabelais s'est ainsi agrémenté d'un travail au plateau avec les comédiens, qui se sont appropriés cette langue et l'ont modelée, ajoutant parfois leurs propres mots ici ou là. Ces petites touches fonctionnent alors comme des bulles qui aèrent le tout et mettent en valeur la saveur du langage rabelaisien. Enfin, pour que le plaisir du spectateur soit complet, Bellorini use d'une astuce brillante en donnant à Camille de la Guillonnière le rôle de l’interprète de Rabelais, qui sur scène, vient expliciter, ici une expression, là un calembour, perdus au fil des siècles.

Paroles Gelées, quand Jean Bellorini fait raisonner Rabelais

A ses côtés, la troupe de Bellorini s'en donne à cœur joie et leur plaisir de jouer ensemble est communicatif. Ils débordent d'énergie et s'engagent physiquement pour nous narrer les aventures de Pantagruel et ses compagnons à travers les tempêtes, les batailles, les naufrages. Comme c’était le cas dans La Bonne Âme du Se-Tchouan, Bellorini travaille beaucoup sur le contraste entre groupe et individualité. Ainsi, les textes sont souvent dits à deux ou plus, les corps regroupés, avant qu'un individu ne se détache pour conter son aventure, son point de vue de l'histoire. Quant à la choralité, elle atteint son point d'orgue dans les passages chantés, qui font partie intégrante du vocabulaire de Bellorini – tout comme la musique, très présente, et jouée sur scène par trois musiciens.

La scénographie, co-signée par Bellorini et Laurianne Scimemi – un grand bassin d'eau carré qui recouvre la majorité de l'espace scénique, avec au lointain, les trois musiciens et leurs instruments – permet de créer des images fortes, comme la danse endiablée d'un des personnages ou le calvaire de Frère Jean et Panurge dans le déluge, qui s'impriment profondément dans l'esprit du spectateur. La puissance de ces images est renforcée par les lumières qui viennent parfois souligner, parfois se poser en contrepoint du récit.

Comme l'explique Bellorini, l'écriture de Rabelais, qui date pourtant de près de cinq siècles “renvoie à notre époque: lutte pour la libération des mots et des corps, recherche d'une pédagogie idéale, attaques contre les fanatismes religieux, dénonciation des guerres de conquête... ce temps où l'homme sent concrètement le besoin de se réinventer”. L'univers du metteur en scène et de sa compagnie Air de Lune, permet à cette écriture de prendre toute son ampleur, dans un hymne au théâtre, entre éclats de rires et leçons philosophiques.

Paroles Gelées, quand Jean Bellorini fait raisonner Rabelais

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