Le monde comme une tragédie grecque

A propos de Le vertige des possibles de Vivianne Perelmuter 

Christine Dory

A Paris, une jeune écrivaine (jouée par Christine Dory) erre pendant 24 heures, à la recherche d’inspiration mais aussi d’argent pour une revue qu’elle souhaite fonder avec un vieil ami. Cette errance est prétexte pour la jeune femme à une introspection où affleurent  ses doutes sur la création littéraire. Un temps suspendu, comme figé au-dessus de sa tête. Un ciel menaçant en forme de soliloque poétique au cours duquel la jeune femme revient en arrière sur sa vie, sur son parcours. En voix-off…

Premier long-métrage de Viviane Perelmuter, grande adepte des formats courts et moyens pour laquelle elle a œuvré à sept reprises, Le vertige des possibles est un beau film. Un film grave et profond, traversé de questionnements intérieurs et d’interrogations pour une écrivaine en panne sèche d’inspiration.

Vincent Dieutre, Christine Dory

C’est une déambulation parisienne en partie nocturne, une flânerie parcourue d’incertitude et d’hésitations pour le personnage principal, angoissée et dubitative quand elle constate qu’elle fait du surplace dans la vie, d’où sa remise en question et ce retour en arrière sur sa vie…

Paris, la nuit, derrière un filtre bleu, a des allures de songe. Un songe lyrique et tourmenté, un Lied chargé d’inquiétudes pour son personnage principal, dont le visage est un ciel changeant, tout à tour rayonnant et sombre, clair et mélancolique, lumineux et triste.

Quels sont les fruits de cette introspection ? Sur quoi débouche la grande lessive intérieure de l’écrivaine ? Sur de l’amertume ? De la nostalgie ?

Les compositions de Reno Isaac jouent un rôle primordial dans Le vertige des possibles. Elles colorent de manière tragique l’angoisse du vide intérieur ressenti par la jeune femme, ce sentiment d’impuissance et de frustration, de vulnérabilité et de fragilité extrême qu’elle éprouve à certains moments du film et qui donnent une gravité à l’émotion qui l’étreint, une solennité dont la mise en scène tendue se fait l’écho, offrant là quelques très beaux moments de cinéma. Des éclairs d’émotion. On pense de loin à James Gray et ce n’est pas un hasard sans doute si la tragédie grecque est d’ailleurs explicitement citée dans le film.

Ce qui est le plus intriguant dans ce film (dont l’écriture, dans la seconde du film partie, parait plus délayée et la mis en scène plus étirée du coup) construit comme une plongée intérieure, une introspection en forme de dialogue avec elle-même pour l’écrivaine, c’est ce sentiment de tragique qui pèse constamment sur l’héroïne, à l’image de ce travelling sur un ciel noir au-dessus de la Bibliothèque Mitterrand. Dans Le Vertige des possibles, le temps semble avoir été figé. Le personnage de l’écrivaine, personnage d’écorchée un peu ronchonne parfois mais simple et touchante, parait coincé, incapable de s’extirper, de se dépêtrer d’une situation devenue trop compliquée à gérer. L’héroïne est assaillie par le doute et des questions qui la paralysent. Comme si ces doutes avaient touché sa confiance en elle et toute volonté, toute velléité d’aller de l’avant. Le temps s’est comme glacé, incapable de se remettre en mouvement. Est-ce la mort qui plane ? On lorgnerait alors plutôt du côté de Visconti et de Mort à Venise, auquel Le vertige des possibles fait plusieurs fois allusion. A moins qu’il ne s’agisse d’un cauchemar passager, une parenthèse noire dans la vie de cette écrivaine poignante, au fond du trou, en grande difficulté en tout cas pour en sortir. S’en sortir ? Tout le mal qu’on lui souhaite…

http://www.youtube.com/watch?v=8I82IbgrRts

Film français de Vivianne Perelmuter avec la voix Vivianne Perelmuter, Christine Dory, Vincent Dieutre, Francois Barat… (01 h 48)

Scénario de Vivianne Perelmuter : 

Mise en scène : 

Acteurs : 

Compositions de Reno Isaac et Jean-Paul Dessy :