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XXIII. Carnet d’avant ou d’après

Publié le 28 mars 2014 par Romuald Le Peru @SwedishParrot

Certaines semaines sont comme ça, sans couleur, sans relief, sans images. Un peu tristes en somme, mais le monde continue de tourner.

Vendredi 21.03

Je n’avais pas terminé mon vendredi.
Je n’écris plus beaucoup dans mes carnets. Je continue pourtant à en acheter. L’un d’eux est réservé aux notes qui me servent pour mon master recherche, des notes professionnelles, références, expériences professionnelles, idées sidérantes prises sur le vif comme on prend une photo dans la rue. Il y a peu de temps, en rangeant mes affaires, je me suis aperçu, effaré, que j’avais acheté une tonne de carnets qui ne servent à rien, parce que je n’écris plus mon journal — signe d’une époque révolue où j’exprimais mes désirs au travers de l’écriture plutôt que dans les actes. Du coup, j’en ai pris un au hasard, et je l’ai élevé au rang de « carnet d’avant ou d’après le voyage », histoire de regrouper mes notes d’idées qui me traversent lorsque je ressens violemment ce désir de partir ou de parler du voyage.
Demain, c’est un jour que j’appréhende parce que je vais passer ma journée dehors à courir comme un dératé dans le froid (relatif). Il me faut à présent dormir un peu pour être en forme.

Dimanche 23.03

Journée de terreur hier, la boule au ventre le matin, ne cessant de me demander si j’allais pouvoir y arriver, dans quelle galère je m’étais engouffré. Et puis il faut y aller, respecter ses engagements, et puis surtout montrer l’exemple aux jeunes. Comment exiger d’eux ce que nous-mêmes ne pouvons pas respecter ? Impossible. Et puis les choses s’enchaînent, on y va, on se surpasse, lorsque la fatigue est là, les mains trempées dans l’eau froide lorsqu’il faut pagayer vite contre le vent, sans quoi on va finir par se faire drosser contre la rive ; il y a aussi les crises d’angoisse à gérer, les sanglots au bord des lèvres, lorsque votre coéquipière veut tout arrêter parce que le canot passe trop près et que les vagues font tant tanguer la coquille de noix dans laquelle vous ne savez plus comment vous asseoir pour ne pas avoir mal, et les genoux qui n’en peuvent plus, qui vous lâchent à 4km de la fin et que courir même à une allure dérisoire vous fait souffrir comme jamais ; on franchit quand-même la ligne d’arrivée avec le sourire ; deux fois même parce que la première photo était ratée. Franchement, je n’en revenais pas en arrivant d’avoir réussi à faire ces 35 putain de kilomètres. Il faut être con pour se lancer là-dedans en sachant qu’on ne va pas gagner et qu’on ne sait même pas si on va arriver…
Il faut avoir vécu ça pour se rendre compte à quel point buller dans son canapé est confortable.

Déjà terminé Chroniques de l’Occident nomade de Aude Seigne, et pour l’instant, je ne sais pas sur quoi continuer. En fait, je me sens épuisé. Le problème, en se remplissant sans arrêt, c’est que je finis pas me demander dans quelle mesure je ne me vide pas. Le discret équilibre entre le vide et le plein a du mal à se dessiner.
On me dit rapide, je suis une personnalité rapide, un optimiste, enjoué, life is a game. L’ennui est ma crainte principale.

Mardi 25.03

Les muscles se réchauffent, la douleur lancinante des genoux malmenés tend à s’estomper, la douceur languissante du corps reposé se fait à nouveau sentir dans la chaleur confortable des jours qui passent.
J’ai pris le premier livre qui traînait sur mon bureau pour le dévorer ; La poussière du monde, de Jacques Lacarrière, chant d’amour des alévis, histoire de poètes perdus dans la steppe anatolienne, visites mystiques des tekke (Khanqah), maisons dansantes des derviches en extase chantant leur amour du monde.

Jeudi 27.03

La fatigue s’accumule. Je me suis levé mais je ne sais pas pourquoi vu l’état dans lequel je suis. Fini La poussière du monde, j’ai entamé Malta Hanina de Daniel Rondeau. 2013 aura été l’année de Rondeau et de Deville pour moi. Malheureusement, de trop courtes bibliographies vont me pousser à porter mon désir sur d’autres auteurs.
J’avance doucement, toujours un peu timoré, mais j’avance.

Vendredi 28.03

Je termine la semaine épuisé, à peine lucide. Quelque chose me dérange et me m’empêche d’être serein. Cette journée n’était pas la journée rêvée.
Aucune image cette semaine.


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