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NO AGE, Nouns

Publié le 15 mai 2008 par Oagd

Jour 48, Antoine : NO AGE, Nouns (2008) Nouns, par Thibault Balahy Myspace.  

No Age est un duo (guitare, batterie + chant) de la côte ouest des Etats-Unis, abonné aux morceaux de deux minutes et aux albums d'une demi-heure. Abonné, c'est vite dit, Dean Spunt et Randy Randall n'ont sortis que deux albums. Après Weirdo Rippers, une compilation homogène de plusieurs EP confidentiels, Nouns, leur second, vient de sortir simultanément des deux côtés de l'Atlantique.

On a choisi celui-là pour des raisons d'actualité, mais le premier aurait aussi bien pu faire l'affaire puisqu'ils délivrent chacun avec autant de fougue la même pop noisy entrecoupée d'instrumentaux électriques aux accents climatiques. On l'écoutait encore tout à l'heure dans un train vers Cannes, cela fonctionnait nettement moins bien à cette vitesse qu'immobile, la semaine dernière, devant l'eau irisée d'une piscine. Et cela marcherait aussi bien en scrutant l'horizon du bitume troublé par la chaleur - dans une remarque assez juste, le site Pitchfork y voyait une transposition urbaine des Beach Boys. Un autre avantage de Nouns, on n'a pas peur de le dire, c'est sa pochette, son fond rose, sa typographie raisonnablement chic et l'effet de feuilletage imprimé au nom du groupe, qui renvoie à un livret central bon marché. A l'intérieur, des photos personnelles ou récupérées, de soi ou d'amis (Dan Deacon), des captures d'écran, des images de foule. L'une des pages reproduit un casier de K7 où l'on trouve des choses pour On a Good Day (XTC, The Smiths, Echo & The Bunnymen, Sonic Youth), d'autres pour l'ado américain des années 80-90 (Black Flag, The Germs, Fugazi), et quelques-unes reçues pour mes douze ans comme l'atroce Number of the Beast d'Iron Maiden. Si « Sans âge » vient désigner cet éclectisme, c'est dommage parce qu'on a une meilleure explication. No Age est la version pop du Boulevard de la mort de Tarantino ou des expériences musicales de Christian Marclay. C'est une musique pré-datée, comme une VHS repiquée sur DVD.

La production du disque est impeccablement dégueulasse. Les voix, d'autant plus abrasives que privées de la rondeur des basses, sont souvent noyées sous un déluge électrique. Le morceau typique est introduit par une boucle concoctée à la maison qui file tout au long du morceau ; mais recouverte par l'attaque des deux autres instruments, elle devient très vite une ritournelle capiteuse bien qu'imperceptible. En concert, cette boucle assure aussi le spectacle : on peut se reposer sur elle, prouver ainsi qu'on n'est pas plus musicien qu'un autre, lancer au public « Start a band, please » pour excuser un show jamais rôdé, mais encore : laisser ronronner le moteur le temps de repasser du micro à la batterie, reprendre des forces, faire le malin, remettre les gaz. Les boucles mécaniques servent de tremplin ou de référence que les guitares et les paroles peuvent décrire. Celle de Things I did when I was dead reprend par exemple les violons perçants de Psychose d'une manière très douce, comme si Janet Leigh s'était un jour relevée d'avoir été terrassée par la jouissance hitchcockienne.

Si les paroles sont assez incompréhensible, c'est parce qu'elles viennent toujours au second degré, décrire des sensations et des états transitoires, qualifier une énergie. On n'a pas les paroles sous les yeux pour le prouver, et la voix de Dean Spunt est trop grise pour l'entendre distinctement, mais les titres parlent d'eux-mêmes : Miner, Eraser, Ripped Knees, Errand Boy, Brain Burner, chaque morceau s'enfonce, efface, brosse, erre, brûle. La force de la pop est dans le verbe, elle convertit ses références en énergie.


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