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Insomnie

Par Apolline Mariotte @ApollineAM

À l’heure où la nuit est d’encre et où même l’Institut de France est plongé dans l’obscurité, son dôme dépourvu d’éclairage s’élevant en une silhouette sombre et écrasante,  je me retourne sous mes draps, courbatue par le manque de repos.

Le craquement de l’ascenseur m’a tirée de mon sommeil fragile. Albert, mon voisin de palier, rentré pompette, s’est endormi sans mal, probablement encore habillé et le souffle vicié, et ronfle paisiblement.

À travers la cloison, mince comme du papier à cigarette, chaque respiration me semble plus sonore que la précédente. Sous mes paupières fermées, je lève les yeux au ciel, excédée à l’avance de cet état bestial et sans-gêne qui prélude à des heures de calvaire pour moi.

Je jette le drap par-dessus ma tête, tentant de créer, au rythme de mes inspirations et expirations, un mouvement qui déplace le coton sur mes oreilles et crée un bruit naturel, rempart à l’abandon grossier et tonitruant d’Albert.

Les premières heures de la nuit ont suffit à mon cerveau qui ne semble plus disposé à s’abandonner, lui. Inutile de continuer à fermer les yeux dans l’espoir de retrouver les bras de Morphée. Je perçois maintenant les moindres bruits de l’immeuble.

Le brûleur de la chaudière d’Esther, le sifflement de la bouilloire d’Edgar qui part travailler dès potron-minet, le cliquetis sur le parquet des griffes d’Arsène, le chat de Madeleine. Je suis réveillée comme un nid de souris.

Et justement, si nous en parlions des souris. Dans le mur, toute la smala s’est mise en ordre de bataille et couine à tue-tête. Tiens, si je kidnappais le mistigri de Madeleine pour les faire déguerpir ? Mieux, le féroce Arsène le mercenaire, avide de chasse, les croquerait toutes, dans un bain de sang. Puis, il sauterait sur Albert qui, d’effroi, resterait figé à jamais dans un état d’abject avilissement.

Mon esprit divague, je me sens délicieusement partir quand…

Drelin !

Mon réveil sonne. On a changé d’heure. Le jour point déjà.


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