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Torn Hawk – Through Force of Will

Publié le 02 avril 2014 par Hartzine

Si comme le dit Aki, tous les chemins mènent à L.I.E.S., alors nombreux sont ceux qui ont déjà croisé sur leur route le nom de Torn Hawk. Inconnu du grand public il y a encore deux ans, le compositeur et vidéaste Luke Wyatt est devenu l’une de figures représentatives de la frange « non-dance music » du label, après s’être illustré en 2012 avec la sortie de son premier EP Tarifa. Cette fois, c’est sur Not Not Fun que le compositeur de Brooklyn a décidé de frapper, et cette fois, c’est avec un album qu’il nous donne rendez-vous.

Avec quatorze projets musicaux menés, en collaboration ou en solo, sur au moins quatre formats différents, c’est presque un euphémisme d’affirmer que Luke Wyatt est producteur… productif. Même s’il est de notoriété publique qu’une partie de ces morceaux ont été composés il y a déjà plusieurs années, force est d’admettre que Wyatt ne se repose pas sur ses lauriers. D’abord reconnu pour son travail de « video mulch », pour des artistes tels qu’I:Cube, Shadowlust, Mock & Toff ou Steve Summers, le vidéaste a prouvé lors de son passage à la composition qu’il n’était pas en reste sur le plan de l’expression musicale où, chose remarquable, il a persévéré dans le déploiement d’un univers extrêmement cohérent – comme si la musique n’était qu’un autre point de vue porté sur son intuition originelle.

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Torn Hawk travaille avec humour, cynisme et mélancolie les images et les mythes produits par l’industrie culturelle américaine des années 80/90. En récupérant, déchirant, réhabilitant, collant, brusquant et superposant l’imagerie surannée des années Bush, Wyatt (re)met en scène avec beaucoup d’intelligence et de singularité une certaine idée de la puissance qui s’épuise dans sa ringardise. Profondément marqué par les diverses interprétations du mythe du champion éternel, et sans doute par les œuvres d’écrivain tels Edgard Rice Burroughs ou Michael Moorcock, les mangas, les jeux vidéos et le cinéma de série B, il ne cesse de mettre en perspective les symboles du rêve américain avec des éléments issus des univers fantastiques cités précédemment. Des épées glissent en syncope sur un joueur de baseball et les corps de pin-up qui gambillent (Born to Win (Life After Ghostbusters)« M » Megamix d’I:Cube). Des clichés pornographiques se fondent dans des plaies purulentes sur lesquelles fourmillent des insectes (Mark of the Hound). Son site internet lui-même est composé d’une mosaïque d’autoportraits striée par de larges glaives tout droit sortis d’un manuel de Donjons & Dragons. Des vidéos maculées de sang, de sexe, de plages, d’armes, de vampires, de beauté, de désir, de bras qui frappent, de feu, d’explosions, de blondes, de fitness, de sexe et d’armes, d’héroïnes et de héros, de vanités, du temps qui bute et de la mort qui passe, d’arrêts sur image et d’images arrêtées, de visages anguleux et des muscles rutilants, de Michael Douglas qui clignote comme un néon de supermarché, de cuir, de Christ, de rayures sur la bande, etc. Un ramassis de clichés délirants, témoignages d’une époque et assemblés à l’aide d’un montage épileptique et crasseux. Une certaine idée de l’Amérique – d’une Amérique certaine d’elle-même et de ses idées.

Through Force of Will ne s’inscrit pas dans une autre perspective. Neufs morceaux instrumentaux qui résonnent comme la bande originale d’un film imaginaire. De longues ballades psyché-rock portées tantôt par la mélodie de guitares noyées sous les effets, tantôt par des lignes de synthé serrées qui vibrent comme le tableau de bord d’un vaisseau spatial à l’abandon. Dérivant au gré d’une inspiration marquée aussi bien par le krautrock, toutes les déclinaisons du post, les solos interminables d’un heavy metal sous-marin, et sans doute aussi par certaines ambitions de l’ambient, Torn Hawk déroule la pellicule des ses fantasmagories glitch et convoque dans le même studio de longs travellings au cœur de mégalopoles en ruines, des héroïnes meutries, des vengeances qui soulagent les poitrines comprimées, des couchers de soleil où tout est bien qui finit bien, de l’espoir en conserve, et cent fois peut-être, la vision de ce champion qui renaît de ses cendres quand tout le monde pensait que tout était perdu. « A sort of parody of “toughness” » comme il le déclare lui-même. Un poing levé avec déterminitation vers on ne sait trop quoi. À l’image de cette pochette sur laquelle s’esquisse à gros pixels la sillhouette de Judd Nelson. S’esquisse ou se désagrège – l’aigle ne nous le dira pas.

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