Quand la crème de la crème joue aux macro-économistes...
Quand Kim Chapiron (Dog pound, Sheitan) décide de réaliser son social network à la française, ça donne La crème de la crème, un film ayant pour toile de fond une grande école de commerce, terrain de jeux propices à trois étudiants, Dan (Thomas Blumenthal), Kelliah (Alice Isaaz) et Louis (Jean-Baptiste Lafarge), qui vont passer de la théorie à la pratique, en se basant sur les lois du marché de l'économie, pour expérimenter leurs hypothèses quant aux relations hommes-femmes... Mais jusqu'à quelles limites ?
Le(s) plus
La Crème de la Crème commence par un scénario très bien écrit, à la fois profond et qui porte un regard qui peut paraître cynique sur la génération Y, via les étudiants d'une grande école de commerce, le nouvel ennemi, mais qui en réalité, permet de découvrir des jeunes qui, bien qu'ils apprennent la sexualité au travers du porno, ne cherchent qu'à trouver leur place dans la société et l'amour. La mise en scène de Kim Chapiron est punchy et dynamique.
Côté casting, les trois jeunes héros sont excellents, tour à tour détestables ou attachants, arrogants ou fragiles... Et c'est convaincant ! Kelliah (Alice Isaaz) paraît forte et déterminée, pourtant, on sent ses failles au travers de ses regards parfois absents, de son air mélancolique. Elle cache son vrai prénom et ses origines sociales, car étant une AD (admise directe), elle sait qu'elle ne fera jamais vraiment partie de l'élite des « petits bourgeois de Versailles ». Elle est touchante. Dan (Thomas Blumenthal) est attachant, ce gentil garçon, très intelligent mais qui n'a pas le physique d'un James Dean, est socialement isolé. Il va trouver en Louis et Kelliah des comparses inattendus. Louis (Jean-Baptiste Lafarge), fils à papa embourgeoisé, est la caricature même de l'étudiant de grande école qui sait qu'il fait partie de l'élite et se sent protéger par son rang social. Pourtant, il va montrer une évolution dans son personnage qui prouve que tout n'est jamais blanc ou noir, et qu'il a des failles lui aussi. Quant à Jaffar (Karim Ait M'Hand), son personnage évolue aussi beaucoup entre le début du film et sa masturbation high-tech, et la fin. Il apporte une touche très drôle et plus légère, avec son côté « mec qui a la dalle » il est en quelque sorte le patient 0 de l'expérimentation de ses acolytes.
Les dialogues apportent beaucoup d'humour à l'histoire, même si les thèmes abordés sont plus profonds qu'une simple comédie. Le film traite, sans jugement, d'un réseau de prostitution 2.0 (inspiré d'une légende urbaine selon laquelle un réseau de prostitution aurait été en activité dans les années 70 à HEC), qui illustre les idées que se font la génération Y de la sexualité et son approche consumériste du sexe (les jeunes d'aujourd'hui pensent que pour « être un bon coup » il est nécessaire de multiplier les conquêtes ??), notamment dues à youporn et autres réseaux sexuels qui montrent une image caricaturée du sexe. Mais, au-delà de la thématique sexuelle, ce sont les relations entre hommes et femmes, ainsi que l'amour qui est au cœur de cette intrigue. Parce que finalement, n'est-ce pas tout ce que cherchent les humains après tout ? Et, au travers des relations Dan-Eulalie et Louis-Kelliah, on découvre comme finalement, il y a un côté maladroit et touchant dans leurs approches de l'amour, un peu comme si ils n'avaient pas eu de mode d'emploi et qu'ils tâtonnaient dans le noir à la recherche du bouton pour allumer la lumière. Enfin, c'est également les différences qui sont abordées, différences d'origines sociales ou ethniques, différences d'appartenance à tel ou tel club, différences entre beaux et moches... Autant de différences qui peuvent à la fois créer des fossés entre les gens que les rassembler, et c'est cette évolution que l'on constate au fur et à mesure de l'avancée de l'intrigue.
Enfin, détail qui a son importance, la bande originale du film, très frenchie, incite à la fête. Les chansons comme celles de Michel Berger, Claude François, Michel Sardou, Rachid Taha... ont un côté karaoké qui rassemble et donne une énergie particulière et tout à fait en adéquation avec l'esprit du film. Mention spéciale à la chanson de Rachid Taha interprétée par Jaffar (Karim Ait M'Hand) qui fait sourire !
Le(s) moins
Parce qu'un film n'est jamais parfait, un petit regret quant à la scène de MDMA qui aurait pu être plus développée et qui n'apporte pas grand-chose à l'histoire.
Conclusion
La Crème de la Crème est un film à la fois drôle et profond, emmené par un excellent trio dont l'alchimie est palpable. L'histoire est bien construite et nous transporte dans un univers élitiste pas si raffiné que ça ! Bref, on rit, on s'émeut, on s'attache à ces personnages qui se cherchent. Et vous, envie de faire appel au club des amateurs de cigares pour une aventure qui vous ravira ?
Ma note: 8/10
La Crème de la Crème
Synopsis : "Dan, Kelliah et Louis sont trois étudiants d'une des meilleures écoles de commerce de France. Ils sont formés pour devenir l'élite de demain et sont bien décidés à passer rapidement de la théorie à la pratique.Réalisé par: Kim Chapiron / Avec: Thomas Blumenthal, Alice Isaaz, Jean-Baptiste Lafarge / Genre: Comédie dramatique / Nationalité: Français / Distributeur: Wild Bunch Distribution
Alors que les lois du marché semblent s'appliquer jusqu'aux relations entre garçons et filles, ils vont transformer leur campus en lieu d'étude et d'expérimentation.
La crème de la crème de la jeunesse française s'amuse et profite pleinement de ses privilèges : tout se vend car tout s'achète... mais dans quelle limite ?"
Durée: 1h30min / Date de sortie: 2 avril 2014
Avertissement : des scènes, des propos ou des images peuvent heurter la sensibilité des spectateurs
Plus d'informations !
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Les Anecdotes !
Pour garder un cadre "chaleureux", l'avant-première de La Crème de la Crème a eu lieu lors du Festival de Cannes dans un club... libertin !Kim Chapiron souhaitait parler d'une époque bien particulière et d'une nouvelle génération de jeunes considérée comme l'élite de la Nation : "Les Grandes Ecoles sont des univers clos, qui obéissent à leurs propres règles, leur langage, leurs codes, et un folklore unique : un terreau parfait pour faire du cinéma. (...) La Crème de la Crème est un film sur la génération Y (...) le film parle plus de misère sexuelle que de prostitution et il parle plus de misère affective que de misère sexuelle. Tout ça n'est qu'une manière d'aborder la difficulté de l'amour pour cette génération. Quand à mes héros, qu'ils fassent partie de l'élite ne les met pas à l'abri d'une certaine forme d'errance."
Après l'horrifique Sheitan (2006) et le carcéral Dog Pound (2010), Kim Chapiron réalise avec La Crème de la Crème son troisième long-métrage. Tout comme dans Dog Pound, on retrouve le thème d'une jeunesse en perdition et l'ambiance d'un lieu et d'un univers particulier.
La visage de Thomas Blumenthal ne vous est pas inconnu ? C'est normal puisqu'il a notamment fait ses débuts dans le succès réalisé par Christophe Barratier : Les Choristes. Il y interprétait le rôle de Corbin.
L'école HEC a refusé de laisser l'équipe de Kim Chapiron tourner dans ses locaux. Ce sont donc deux universités parisiennes qui ont servi de décors au film : l'université Paris 13 et l'université Paris Descartes.
Pour préparer le film, l'équipe technique a assisté à plusieurs soirées et évènements étudiants. La moyenne d'âge de l'équipe était de 25 ans, ce qui facilitait l'intégration aux soirées. Kim Chapiron confie également que ça été l'occasion de vivre une expérience étudiante, chose qu'il n'avait pas eu l'occasion de faire puisqu'il a arrêté ses études après le BAC.
Le scénario de La Crème de la Crème est inspiré d'une légende urbaine, dont l'histoire raconte qu'il y aurait eu un réseau de prostitution à HEC dans les années 70. Noé Debre, le scénariste, confie que cette histoire "permet un mélange de genres assez inédit : le teen movie, le film de mafia et la romance."
Beaucoup d'éléments ont été mis en place pour préparer les acteurs à leurs rôles. Ainsi, Kim Chapiron a notamment organisé divers ateliers (théâtre, danse...) pour libérer les comédiens et leur permettre d'apporter spontanément de nouveaux traits de caractère à leurs personnages.
Au cours du film, plusieurs personnalités ont l'occasion de défiler au coeur des soirées arrosées organisées par les étudiants de la prestigieuse école de commerce. On peut y apercevoir Mouloud Achour, présentateur sur Canal+ et ami de Kim Chapiron, qui joue le DJ Metro Party après avoir incarné le DJ du Stixx Club dans Sheitan (2006), le premier long-métrage du réalisateur. Les groupes Justice et Kavinsky sont également de la party.
L'acteur Thomas Blumenthal aurait fait une réelle crise de tétanie lors de la scène où il fait l'amour à Eulalie (Marine Sainsily). Le metteur en scène pensait qu'il s'agissait d'une réelle proposition de la part de l'acteur et c'est la perchman qui lui a dit qu'il était sans doute question d'une vraie crise. Une anecdote racontée par Alice Isaaz au site Non Stop People.
Dans la bande-originale de La Crème de la crème, on retrouve le trompettiste et compositeur de musiques de films Ibrahim Maalouf, Michel Fugain, le groupe Justice, Sébastien Tellier, le duo électro-rock français The Shoes, le chanteur algérien Rachid Taha ou encore Michel Sardou et son titre entraînant "Les Lacs du Connemara", qui fait lever les foules d'étudiants dans le film.
Au départ, pour son troisième long-métrage, Kim Chapiron n'avait pas prévu de réaliser le sulfureux La Crème de la crème, mais de porter à l'écran "Samba Drama", une romance qui aurait pris pour cadre le Carnaval de Rio. Vincent Cassel (déjà vu dans Sheitan) et sa compagne Monica Belluci devaient être les deux têtes d'affiche de ce projet de film dont le tournage était prévu en 2012. Pour des raisons que l'on ignore (même si l'on peut imaginer qu'il y a sans doute un rapport avec le divorce des deux comédiens), le projet n'a pas abouti.