03 - 04
2014
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A COTE DU CINE (Exception Livres).
Murielle Magellan, qui livre ici son livre le plus autobiographique, où tout est "vrai" (et cela va jusqu'à l'insertion d'extraits de ses carnets de notes de l'époque), a attendu 10 après la mort de l'homme qu'elle aimait avant de commencer à écrire "N'Oublie pas les oiseaux", démarré en 2012, publié en 2014. Celui qu'elle appelle "L'homme slave" tout le long du livre a été le grand amour de sa vie, comme on dit, 20 ans durant. Lors de la rencontre avec l'auteur, on lui demande si l'écriture a été une thérapie et elle répond, qu'au contraire, c'est parce-qu'elle s'en est sortie qu'elle a pu écrire ce livre.
Hier, 18h30, café "Le Berkeley" à Paris, un verre de vin, des livres, des cahiers de notes. Une rencontre très intéressante d'un groupe de blogueuses avec l'auteur où les questions se mêlents à la perception du livre de chacune, où on a parfois l'impression qu'on relit son roman "ensemble" avec l'auteur. Vers la fin, Murielle Magellan convient qu'elle se pensait beaucoup plus traditionnelle qu'elle ne l'était, que l'homme slave avait perçu avant elle sa vraie nature, elle qui croyait aspirer à se fondre dans la masse (un reliquat de son éducation) bien qu'elle ait paradoxalement choisi un métier du spectacle. Si elle a souffert de leur relation cruelle, sentimentalement parlant, professionnellement, moralement, l'homme slave l'a valorisée, elle, si peu sûre d'elle au départ, aidée à extraire son talent car il voyait en elle tout son potentiel.
C'est l'histoire de l'amour fou (longtemps unilatéral) d'une jeune fille de 17 ans pour son professeur de théâtre et de chant, beaucoup plus âgé qu'elle, un séducteur pathologique qu'elle va quasiment forcer à l'aimer. Quand je lui ai posé la question, elle a corrigé, elle l'a forcé à reconnaître qu'il l'aimait, nuance. MM est une femme de nuances, elle insiste là-dessus.
Il y aura différentes phases, une amourette (pour lui), une relation plus sérieuse (elle habite chez lui), des infidélités à la pelle, des ruptures que la narratrice croit définitives jusqu'à cette parenthèse enchantée à Orgeval. "Orgeval, c'était le paradis", dit-elle lors de la rencontre. Dans cette maison, loin et proche de Paris, l'homme slave "rend les armes" et accepte qu'il est amoureux, un peu comme Robert Hossein dans "Le Repos du guerrier" (ça, c'est moi qui le dit)... Le couple s'aime dans cette maison d'Orgeval qu'ils ont acheté, il accepte même de faire l'enfant qu'elle désirait depuis si longtemps, il multiplie les attentions, les "petits mots". Mais ça ne peut pas durer, un échec professionnel fragilisant l'homme slave, il fait une dépression nerveuse. Sa réaction pour remonter la pente? Partir vivre avec une autre femme plus jeune qui l'admire inconditionnellement (un peu comme la narratrice, au début) afin de se sentir vivant, puissant, si l'on veut ("une lutte permanente contre la mort", analysera un médecin) ; l'homme slave explique alors à la narratrice, effondrée, qu'il n'a pas d'autre choix, elle ne comprend pas. D'autant qu'il la veut à proximité, elle et leur enfant. Tandis qu'elle s'affranchit malgré toutes les difficultés du couple, le choc de sa démission à lui, il la considère jusqu'à la fin comme lui appartenant.
Le livre est très vivant, dans la première partie, MM retranscrit parfaitement l'enthousiasme et les espérances de la jeune fille quand dans sa tête tout est possible. Quand, lors de la rencontre d'hier, on lui dit qu'elle laisse des zones d'ombre longtemps avant quelques révélations finales, MM répond qu'elle a choisi de faire découvrir la personnalité de l'homme slave au lecteur dans l'ordre chronologique où elle a découvert les choses elle-même à l'époque. Ainsi, avec un art du suspense, que l'auteur sait insuffler tout au long du roman, dans une histoire intime (un genre qui ne s'y prête pas particulièrement), on apprend in extremis que le père de l'homme slave lui a donné l'exemple la séduction et l'infidélité (une des clés)...
MM a démarré en tant qu'actrice (et chanteuse) mais le rythme routinier du théâtre ne lui convenait pas, elle aurait sans doute préféré (à la réflexion) être actrice au cinéma. Finalement, elle écrira, des pièces de théâtre, des scénarios, des livres. Aimerait-elle que son livre soit adapté au cinéma? Aujourd'hui, elle écrit des scénarios pour des réalisateurs comme Alain Tasma à la TV ou JP Améris au cinéma ("Famille à louer" qui sortira bientôt). "Sous les jupes des filles", première réalisation d'Audrey Dana (le 4 juin en salles), c'est elle aussi. MM répond oui pour une adaptation de son livre à l'écran mais ce n'est pas elle, alors, qui adapterait son livre.
Pourquoi a-t-elle décidé de raconter son histoire à la fois pudique dans la forme et impudique dans ses révélations? Elle cite Mauriac "unir l'extrême audace à l'extrême pudeur". MM voyait dans son histoire un grand potentiel romanesque et toute les thématiques d'un roman, ce pourquoi ce n'est pas un récit. On lui demande si elle pense aux lecteurs quand elle écrit, la réponse est oui, personnellement, ça me choque un peu, je lui fais préciser "mais tout de même pas essayer de plaire au lecteur?", la réponse est non, toujours ces nuances...
"N'Oublie pas les oiseaux" est dédié à son fils qui le lira un jour, plus tard... C'est d'ailleurs pour lui laisser une trace de la mémoire de ses parents, de son père, que Murielle Magellan avait commencé la rédaction de ce livre.
"N'Oublie pas les oiseaux" figure dans la pré-sélection de 30 livres de la 6° édition du prix Orange du livre mais également sur les listes de pré-sélection des prix Version Fémina et RTL.
rencontre des blogueuses littéraires avec Muriel Magellan au Berkeley
mercredi 2 avril 2014
photos www.cinemaniac.fr
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(2 avril 2014) Rencontre afterwork passionnante autour de
Mots-clés : Autour du ciné, Exception Livres, Murielle Magellan, Oiseaux