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Amendement loup: et la biodiversité, camarades?

Par Baudouindementen @BuvetteAlpages

Jean-Paul Amoudry: "l’envahissement des territoires d’altitude par la friche menace les activités humaines, les équilibres naturels et, à terme, le développement durable".

Par Yves Paccalet
Je me suis plusieurs fois opposé (non sans une ironie facile et potentiellement blessante) aux décisions politiques qu’ont pu prendre les écolos d’Europe-Écologie-les-Verts, mes frères et sœurs naturel(le)s. Je me persuade que, pour me faire pardonner, je devrais pondre d’urgence un texte qui les loue, et qui leur délivre les satisfecit auxquels ils (elles) ont droit pour leur remarquable contribution au débat public.
 
Ce ne sera pas encore le cas aujourd’hui. Je suis désolé de devoir, à nouveau, dégainer mon fouet et donner dans la critique acariâtre. Comme disait Voltaire (ou Antigonos, roi de Macédoine, il y a polémique sur la paternité de la formule), "protégez-moi de mes amis, mes ennemis je m’en charge"...
 

Jean-Paul Amoudry Jean-Paul Amoudry

Le jeudi 10 avril dernier, le sénateur UDI de Haute-Savoie Jean-Paul Amoudry (Union Centriste) fait voter, au détour d’un projet de loi sur l’agriculture, un amendement qui établit "la nécessité de définir des zones de pâturage préservées ou indemnes de prédateurs tels que le loup", afin "de réserver les territoires montagneux".

Une déclaration de guerre au loup

Un amendement de cette teneur constitue ni plus ni moins qu’une déclaration de guerre au loup, espèce protégée par la Convention de Berne, que la France a signée et qui l’engage devant le monde entier. C’est une agression contre la biodiversité, dans une période où le gouvernement prépare sa grande loi d’orientation sur cette question essentielle à l’existence même de l’humanité.
 
Qu’auraient dû faire les sénateurs écologistes, s’ils avaient un tant soit peu l’âme naturaliste, la passion de la vie sauvage et le respect de la confiance que leur accorde leur électorat ? Ils auraient dû réagir, pousser les hauts cris et voter bruyamment contre ce texte stupide et "lupicide". Hélas ! L’amendement a été adopté à l’unanimité par le Sénat. Les élus écolos ont donc voté pour, par ignorance ou par bêtise.
 
Le sénateur Amoudry peut fanfaronner :  "Le dossier loup, proclame-t-il, efface désormais certaines barrières idéologiques… tout comme il s’affranchit des limites géographiques."
 
La suite logique de cette décision sénatoriale, si elle débouchait sur une loi complète, serait qu’on tenterait, dans la foulée, d’"assouplir" la Convention de Berne ; qu’on ferait passer le loup du statut d’"espèce strictement protégée" à celui d’"espèce simplement protégée", autrement dit propre à être "régulée" ou "prélevée" (tel est le vocabulaire des tueurs) ; autrement dit : bonne à être fusillée à volonté, sans autre forme de permission ni de procès.

La belle connerie des sénateurs écologistes

Qu’un tel amendement ait été voté par la plupart des sénateurs actuels ne m’étonne pas. Qu’il l’ait été par les sénateurs écologistes est, au choix, une belle connerie ou une authentique saloperie, ou les deux à la fois.
 
J’espère que, lorsque ce texte viendra en discussion à l’Assemblée nationale, nos députés ne seront pas aussi absents, naïfs ou indignes de leur étiquette, et qu’au moins ils s’opposeront résolument à ces phrases qui se situent à l’exact opposé de l’idéal d’harmonie sur la Terre d’un Lao Tseu ou d’un Saint François d’Assise.
 
Je le dis dans un essai que je suis en train d’écrire et qui paraîtra dans quelques semaines : le loup (comme l’ours, le tigre, le lion, le requin et les autres mal-aimés) est nécessaire. Il est beau. Il est utile. Il hurle à merveille sous la lune. Il contribue à la splendeur de la planète. Comme les autres prédateurs, il joue un rôle décisif dans les chaînes alimentaires. Mais il représente bien davantage. Il peuple nos récits, nos poèmes, nos œuvres littéraires, philosophiques, picturales ou musicales. Il incarne le héros de nombre de contes pour enfants. Il participe de nos mythologies, de nos représentations, de notre culture, de ce que nous appelons notre "civilisation".

Le loup est indispensable à notre patrimoine culturel

Si nous l’éliminions de la surface de la Terre (ce que nous sommes en train de faire, et ce que l’amendement susdit contribuerait à accélérer), nous nous priverions non seulement d’un prédateur rapide, élégant, discret et nécessaire à nos forêts, mais d’une fraction essentielle de nos plus beaux poèmes. Nous nous amputerions du "Roman de Renart", des "Fables" de La Fontaine, de la "Mort du loup" de Vigny, du "Petit chaperon rouge", des "Trois petits cochons", de "Pierre et le loup" de Prokofiev et de cent autres œuvres. Nous nous couperions de notre âme d’enfants, et nous couperions nos enfants de l’âme de nos ancêtres.
 
Nous renoncerions au bien le plus précieux de l’humanité : notre capacité à rêver…
 
Nous avons besoin du loup. Il fait partie de nous-mêmes. Nous pouvons parfaitement assurer l’avenir les éleveurs de moutons sans dégainer nos fusils. Sans répandre le sang de celui qui fut l’ancêtre de notre ami le chien…
 
Que des sénateurs écologistes ne comprennent pas ce message envoyé par la planète Terre me met hors de moi ou me consterne, selon l’état de mes hormones. Lorsque nous aurons exterminé le loup, nous deviendrons moins humains.
 
Et la biodiversité, camarades ? Songez-y, car c’est de notre humanité qu’il s’agit.

Yves Paccalet

Source : Blog d'Yves Paccalet
Connaître

Extrait de la séance en hémicycle du 30 janvier 2013 à 14h30

Stéphane Mazars, rapporteur, utilise les propos de José Bové : « Il est des propos que l’on ne doit plus entendre dans nos territoires. Je pense notamment à la déclaration suivante :  « Il faut savoir : veut-on qu’il y ait encore des paysans, des bergers ? […] Une fois, nous avons eu un loup sur le Larzac. Ça s’est terminé ainsi : on a retrouvé le squelette du loup sur un clapas. Personne ne sait ce qui s’est passé. C’est très bien comme ça. » Ces propos ont été tenus par mon compatriote aveyronnais José Bové, député européen et éleveur sur le Larzac. »
Alain Bertrand, sénateur utilise les propos des responsables du PN des Cévennes : « Même si je répugne à évoquer mon modeste département, rendez-vous compte, madame la ministre, mes chers collègues que, en Lozère, même les administrateurs du parc national des Cévennes, j’y insiste, ont voté à une écrasante majorité contre la présence du loup ! Permettez-moi de citer les propos tenus par le directeur général : « Le loup est une espèce dynamique qui va essayer de s’implanter, mais nous n’allons pas l’éradiquer avec la réglementation actuelle. C’est pourquoi nous demandons une révision de la législation. » le président du parc a, quant à lui, déclaré : « Nous voulons être reconnus comme une zone d’exclusion pour le loup », c'est-à-dire, pour reprendre les termes mêmes de la proposition de loi, une zone de protection renforcée. »
Réponse de la ministre de l'époque, Delphine Batho: Sur le fond, son article unique contrevient à nos engagements européens et internationaux transposés en droit français aux articles L. 411-1 et L. 411-2 du code de l’environnement. Le principe en droit français comme en droit international est la protection de l’espèce protégée que constitue le loup. La destruction du loup est interdite, mais certaines dérogations sont autorisées.
Les conditions de mise en œuvre de ces dérogations sont strictes. L’une d’entre elles exige que la destruction envisagée ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, de l’espèce protégée.
Cette formulation a été intelligemment reprise par M. le rapporteur dans ces amendements en commission, mais cet ajout ne suffit pas à rendre compatible le texte avec le principe d’interdiction de la destruction du loup. La préservation du loup sur le territoire national n’est rendue possible qu’en fixant un plafond global, et non par zone, de prélèvement annuel. Or la proposition de loi prévoit que « l’abattage de loups est autorisé dans des zones de protection renforcée délimitées […], indépendamment du prélèvement défini au niveau national ».
De plus, cette disposition créerait, de fait, une distorsion de concurrence entre les éleveurs des zones de protection renforcée et ceux des autres parties du territoire national concernées par la présence du loup.  En pratique, ce dispositif serait contre-productif pour les éleveurs et créerait des zones de tension insupportables. D’ailleurs, lors de tous les entretiens que j’ai eus avec des associations d’éleveurs, ces derniers ont fermement désapprouvé cette distinction entre les territoires, selon qu’ils seraient protégés ou abandonnés.
(...) La profession agricole ainsi que les associations de protection de la nature se sont opposées à ce type de zonage. Cette proposition de loi affirme une volonté, et je comprends l’intention qui anime son auteur, mais, les dispositions prévues ne résolvent rien et n’apportent aucune efficacité supplémentaire.
(...) Nous ne voulons pas entrer dans une logique qui consisterait, sur ce dossier ô combien difficile, à opposer les uns aux autres. Le soutien à la méthode que nous avons conduite est l’une des conditions de la réussite du plan loup sur le territoire et de la force, ainsi que de la légitimité, qu’il doit avoir dans son application.


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