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Le Joyau du Yoga shivaïte

Publié le 16 avril 2014 par Joseleroy

Almora publie ce mois-ci la traduction d'un texte du Shivaïsme du Sud:

Le joyau de Yoga Shivaïte

traduit du sanskrit par Tara Michaël

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Le livre

Ce texte, publié dans la collection des Publications de l’Institut Français d’Indologie n° 53 en 1975, est resté longtemps épuisé. C’est pourquoi nous avons senti le besoin d’en faire une nouvelle édition, augmentée d’une étude sur le Shivaïsme de l’Inde du Sud.

Il s’agit d’un traité shivaïste non-duel de l’Inde du Sud. On connait le Sivaïsme du Cachemire au Nord de l’Inde mais les enseignants shivaïstes non-duels ont aussi enseigné dans le sud notamment dans le grand temple sacré de Chidambaram.

Ce que Jñânaprakâsha professe dans ce texte, c’est la complète identification à Shiva dans l’état de Libération, la réalisation de la “Shivaïté” (Shivatva) en soi-même de façon aussi plénière et totale que cette Shivaïté se trouve en Shiva, et non pas seulement l’union à Shiva, si l’on entend par là qu’une distinction demeure entre les deux entités unies. L’auteur énonce donc une philosophie non-duelle qui vise à conduire à l’identification avec l’absolu Shiva grâce au yoga.

Yoga signifie ici méthode, démarche, voie, et le Shiva-yoga est la démarche par laquelle toute relation de distinction entre l’être individuel et l’âtman suprême est abandonnée, et qui aboutit à la réalisation de l’identité à Shiva. Cette identification “c’est ce qui est caractérisé par une identité à Shiva clairement manifestée lorsque la triple impureté est enlevée, c’est ce qui appartient à la nature même du Soi” . Shiva est donc à la fois le but, et le moyen de ce yoga. La démarche est essentiellement une Connaissance (jñâna) secondée par les techniques de rétention du souffle et de concentration du Yoga classique.

L’auteur

Le maître spirituel Jñânaprakâsha  naquit à Ceylan dans la deuxième moitié du XVIe siècle. Il reçut l’initiation shivaïte d’un prêtre de temple, puis il se dirigea vers Chidambaram, où il demeura un certain temps. Ensuite il partit pour le Bengale, où il rencontra son gourou. Il redescendit vers le Sud, et ne s’arrêta que dans la ville sainte de Tiruvannâmalai, au pied du  mont Arunachala. Là, il decida de renoncer au monde. Le pontife du Tiruvannâmalai âdhînam, le monastère consacré à Shiva à Tiruvannâmalai,  lui conféra le Samnyâsa  et lui enseigna les Âgama  shivaïtes.

Par la suite, il retourna à Chidambaram, lieu saint de Shiva “Seigneur de la Danse”, où il fit creuser une pièce d’eau, qui porte encore son nom, et construire un monastère adjacent.

Jñânaprakâsha  est un des plus grands maitres shivaïstes non-duels de l’Inde du Sud.

La traductrice

Docteur en études indiennes de l’université de Paris, chargée de recherches au CNRS, Tara Michaël est une spécialiste internationalement reconnue du yoga, du tantrisme et des danses de l’Inde, où elle a vécu longuement. Plusieurs de ses ouvrages sont désormais classiques, notamment Corps subtil et corps causal (Le Courrier du Livre), Yoga (Seuil) ou sa traduction de la Hatha-yoga-Pradîpikâ (Fayard). Elle joint à une rare érudition un sens de l’adaptation et une expérience profonde de la culture hindoue.

Tara Michael a déjà traduit pour Almora La centurie de Goraksa.

Extraits

"Dans la réalisation de cela, il n’y a ni extérieur, ni intérieur, ni milieu, ni bas.

Cela resplendit, comprenant toutes les formes, mais n’ayant nulle forme, et révélé par sa propre lumière.

Chaque fois qu’une personne ayant vu quelque chose, agit, elle ne fait qu’accumuler du karman[1].

Cette Voie[2] ne se révèle que dans la mesure où l’on médite sur la Non-vision[3]. Est signifié par là ce qui ne comporte aucune extension, aucun caractère visible.

Celui qui ne médite pas sur le Grand vide, omnipénétrant, ayant pour forme l’espace, devient immergé dans l’existence phénoménale, [pris au piège] dans le monde comme un insecte dans le calice d’une fleur[4].

Pour tous les êtres qui sont dans les matrices, la souffrance est grande, et elle se répète perpétuellement. Afin d’extirper toutes les souffrances, on doit méditer sur le grand Vide.

Le Vide absolu, l’Ether de Shiva, est insaisissable, car sa nature est d’être celui qui saisit. Parce qu’il est celui qui saisit, Shiva est le Vide; parce qu’il est celui qui saisit, il est aussi l’essence de l’homme (Purusha).

A cause des caractéristiques de la Mâyâ, Shiva est un vide pour les êtres ordinaires (pashu), enchaînés par tout ce qui les lie[5].

Si on l’appelle le Vide, ce n’est pas qu’il soit un non-être, c’est uniquement par rapport aux choses conditionnées.

L’observance des règles de conduite et la pratique du rituel sont déclarées la cause instrumentale de l’éveil de la Connaissance.

Mais, délaissant le Yoga fondé sur un support, il faut méditer sur le Non-diversifié[6]



[1] Des résultats, bons ou mauvais, de ses actes, dont elle doit inéluctablement récolter le fruit, bon ou mauvais, dans le futur, ce qui l’entraîne dans le cycle des existences. Comme même une impression, quelle qu’elle soit, détermine l’être qui la reçoit, ne serait-ce que par toutes les réactions, conscientes et inconscientes, qu’elle suscite en lui, elle est ici assimilée à une accumulation de karman.

[2] “Cette Voie” (tadgati) est à rapprocher du terme bouddhiste Tathâgata : “qui est allé ainsi”, “qui a emprunté cette Voie”, c’est-à-dire, le verbe GAM exprimant à la fois le mouvement et la connaissance, “qui a connu ainsi” “qui a atteint cette Connaissance”.

[3] Nirâlokam, littéralement ce qui ne comporte pas l’acte de voir. Si l’on prenait ce mot adverbialement on pourrait comprendre ce passage ainsi :

   Chaque fois qu’une personne, ayant en vue quelque chose, agit, elle ne fait qu’accumuler du karman.

   Cette voie ne se révèle que dans la mesure où l’on médite sans avoir rien en vue.

   Mais ce sens s’accorde moins bien avec la suite.

[4] Allusion à ces fleurs traîtresses des régions tropicales qui se referment sur l’insecte qui les butinent.

[5] Les liens (pâsha) qui enchaînent l’homme sont analysés et répartis en cinq catégories : ânava, mâyâ, karman, nirodhashakti et bindu; cf. introduction ci-dessus.

[6] Le Non-déployé ou non-diversifié (nisprapañca) désigne la Réalité qui ne comporte pas de manifestation, de développement, d’expansion, l’Absolu en lequel il n’y a jamais eu ni diversité ni transformation, le Brahman dont on ne peut dire qu’il ait jamais produit l’univers ni soit devenu l’univers puisqu’il est la seule Réalité et qu’il est à jamais non-né, immuable, et sans dualité. Nisprapanca, le “Non-cosmifié”, est à rapprocher de l’ajâta, le Non-né, de Gaudapada; on sait que selon la doctrine de l’ajati, de la non-création, il n’y a ni origine ni destruction, ni cause ni effet, et rien n’existe que l’âtman non-né.



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