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Chronique des idées et des livres, par Frédéric Gagnon…

Publié le 16 avril 2014 par Chatquilouche @chatquilouche

1.

La nuit le Serpent s’éveille. Les feux de ses yeux rubis coulent sur nos corps adamantins – et les étoiles roulent

slamandre
des étincelles dans la mauve noirceur du ciel qui s’éploie.

Nous serons célèbres et anonymes dans l’orgie qui se prépare, mais pour l’instant demeurons quiets et alertes, conscients par inadvertance dans l’aurore d’une nuit sans fin.

Un squelette tient un merle dans sa dextre, et la fille aux sourires d’ombre promet un printemps de santal au faune qui la courtise.

Voici venir l’aurore d’un Serpent. Que les corps s’entremêlent en joie jusqu’à l’excès, toutes souffrances reléguées aux jours fadasses d’un épuisant labeur.

Réveillez-vous !

Maintenant le nombre d’or s’enrobe de son mystère.

Maintenant je retrouve mon visage dans vos faciès multiples qui n’en sont qu’un seul.

 2.

Sais-tu les larmes inavouées des automates ?

Sais-tu le cri sourd d’un inceste que banalisent le plastique, la vitre, le bitume, le béton ?

Sais-tu toute l’horreur, toute la démence qu’emmurent les mots d’un quotidien de mégarde ?

Sais-tu les viols dont nous ne sommes même plus conscients ?

Sur sa terre qui tournoie dans une dimension x, un spectateur nous voit sur son écran de télé.

Au fond rien n’est exceptionnel. Au fond rien n’est terrible.

Le seul scandale est celui de la conscience. Le personnage s’éveille et le comédien se crève les yeux.

 3.

nuit alchimique
Voici la nuit, la Nigredo, la grande nuit alchimique, mais de cette noirceur matérialisée au creux d’un désuet athanor, nous ne renaîtrons point transmutés, oubliés des Temps et des Sages qui rêvent les durées enfantées du Ciel.

La nuit.

Des guitares électriques tapissent les parois mentales de voix qui palpitent comme les tempes de jeunes vierges à l’approche de l’Ignoble. Il y a longtemps que nous nous sommes oubliés. Nous errons, enfants aux regards aveugles, en des galeries que fustigent les néons. Nous ne savons réellement plus qui nous sommes – mais un seul « Je t’aime » suffirait peut-être à nous délivrer d’un enfer que l’on nomme Oubli.

L’Amour est la réponse.

L’Amour est une prière.

L’Amour est tout. Tout ce qui est est Amour.

Mais nous, sommes-nous ?

La musique qui nous assourdit fracasse le nerf central. Le dégoût nous porte d’un plaisir à l’autre et nous demeurons sans substance.

Bois. Bois et oublie l’Oubli. Ou consens à ta Transfiguration.

Pourquoi toujours choisir le chemin facile de la misère ? Nous n’avons plus de conscience. Nous voyons des objets inertes, agités, à jamais les mêmes et différents…

Il dit, Pourquoi pleurer ? – et l’autre de répondre, Sa mère est morte.

Et moi je dis, Mais elle n’a pas de mère. Nous n’avons de commencement ni de terme, nous qui attendons depuis l’origine sans début dans le narthex de toutes choses.

Et elle ne cesse de pleurer. Cela lui donne une sorte de consistance. Peut-être finirai-je par lui consentir l’existence. Mais nous sommes tous des dieux cruels, nous qui hantons ce bar infini où ne trinquent que les ultimes désespérés.

Nous sommes des débauchés laborieux. Et pourtant nous n’avançons pas sans élégance au milieu des décombres.

Mais qui donc nous montrera le vrai visage de l’homme ?

Des guitares électriques tapissent les parois mentales – et la fille qui n’a pas de ventre pleure une mère inexistante.

Frédéric Gagnon

Notice biographique

Chronique des idées et des livres, par Frédéric Gagnon…
Frédéric Gagnon a vécu dans plusieurs villes canadiennes, dont Montréal, Kingston et Chicoutimi.  Il habite aujourd’hui Québec.  Il a étudié, entre autres, la philosophie et la littérature.  À ce jour, il a publié trois ouvrages, dont Nirvana Blues, paru, à l’automne 2009, aux Éditions de la Grenouille Bleue.  Lire et écrire sont ses activités préférées, mais il apprécie également la bonne compagnie et la bonne musique.

(Une invitation à visiter le jumeau du Chat Qui Louche : https ://maykan2.wordpress.com/)


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