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Quand la substantifique moëlle de Rabelais prend corps sur scène

Publié le 20 avril 2014 par Morduedetheatre @_MDT_

Quand la substantifique moëlle de Rabelais prend corps sur scène

Critique de Paroles Gelées, d'après Rabelais, vu le 28 mars au Théâtre du Rond-Point.
Avec Marc Bollengier, François Deblock, Patrick Delattre, Karyll Elgrichi, Samuel Glaumé, Benjamin Guillard/Teddy Melis, Camille de la Guillonière, Jacques Hadjaje, Gosha Kowalinska, Blanche Leleu, Clara Mayer, Geoffrey Rondeau et Hugo Sablic, dans une mise en scène de Jean Bellorini

La pièce s'ouvre en annonçant clairement la couleur : trois personnages se précipitent depuis les coulisses sur la scène, et commencent à discuter de la meilleure manière de se torcher le cul. Pour moi qui ne connaissais pas Rabelais (quelle honte !), la surprise est de taille, mais pas question d'être choquée. Tout le spectacle tournera autour de l'oeuvre de Rabelais, et principalement autour du Quart Livre, que Jean Bellorini et Camille de la Guillonière ont su adapter avec intelligence et respect de l'oeuvre : et pour ceux qui, comme moi, ne parleraient pas couramment la langue de Rabelais, le-dit Camille est là, à expliquer sans cesse tel ou tel mot de l'auteur, campant un monsieur "je-sais-tout" énervant au possible, mais attachant malgré tout.

Après cette introduction à l'oeuvre de Rabelais, le rideau s'ouvre, et l'on découvre la troupe, instruments de musiques à la main, chantant et dansant dans l'eau, sur la scène. Déjà, l'entrain et la qualité, qui seront maîtres durant le spectacle, nous enchante. Et le metteur en scène a pensé à tout, et peut-être un peu trop : chaque acteur aura son moment de gloire. Mais cette envie d'égalité est peut-être de trop, et, si chacun des instants de bravoure reste un beau moment, ils ne sont pas toujours utiles et rallongent le spectacle. Je pense tout particulièrement à la scène où Blanche Leleu effectue une danse dans l'eau : ça rend très bien visuellement et l'actrice peut être très satisfaite de sa performance. Cependant : pourquoi ? Je ne trouve pas d'autre réponse que "pour faire joli". Dommage.

Cependant, en dehors de ces moments de gloire personnels, c'est un véritable travail de troupe, et ça se sent. Les acteurs donnent au public, l'ambiance est électrique, mais Rabelais reste maître de la soirée. On suit principalement Panurge et son compagnon Pantagruel, le fils du géant Gargantua, dans leur voyage vers l'oracle de la Dive Bouteille, qui leur annoncera si Panurge doit, ou non, se marier. Avant d'entreprendre ce long voyage, d'autres péripéties nous sont contées, comme lors du parcours dans le ventre du géant rabelaisien : scène par ailleurs très réussie. L'aventure de Panurge et de Pantagruel est contée en mêlant amusement et apprentissage : on n'oublie jamais qu'on est là pour Rabelais, et les intervention de Camille de la Guillonière tombent toujours à point. Panurge est incarné avec brio par le jeune François Deblock, qui, courant sans cesse, sautant partout, se déshabillant, plongeant dans l'eau, et déclamant son texte sans une seule fausse note, nous a fait penser à Pierre Niney et sa prestation dans Le Chapeau de Paille d'Italie. L'acteur est impressionnant de maîtrise et de précision, et porte la pièce sans défaillir. A ses côtés, on retient principalement Geoffroy Rondeau qui incarne un personnage complètement décalé, chanteur à ses heures perdues, et qui nous enchante avec sa reprise de Still Loving You, autant que lorsqu'il entonne Tiens, voilà du boudin !. L'acteur, en kilt, se détache un peu du reste de la troupe par son décalage et, bien qu'il semble tirer la couverture à lui, il faut reconnaître qu'il dégage un je ne sais quoi qui sait capter l'attention et la maintenir à lui. Le reste de la troupe suit le même niveau, à l'exception d'un acteur, qui n'a pas su nous convaincre : Benjamin Guillard, qui, laissé comme seul sur le plateau lorsqu'il doit narrer la tempête, ne parvient pas à capter notre attention, à nous emmener dans son histoire, et nous fait juste trouver le temps un peu long.

C'est un beau spectacle, mais on reproche tout de même à Bellorini d'en faire trop : le texte de Rabelais se suffit à lui-même, et tous ces ornements autour, bien que visuellement réussis, ne sont pas toujours véritablement utiles. Malgré tout, le spectacle est plus que plaisant ! ♥♥

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