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Robert Mapplethorpe

Publié le 23 avril 2014 par Picotcamille @PicotCamille

Lundi j'avais un rendez-vous. Nous avons hésité entre le Louvre (blindé en ce lundi de Pâques), l'expo Bill Viola (et ses deux heures d'attentes) et celle de Mapplethorpe. Au vu des conditions des deux premières, Mapplethorpe nous ai paru un superbe choix de la dernière minute. Et j'avais très envie de la voir.

Robert Mapplethorpe

Je ne connaissais pas Robert Mapplethorpe avant qu'il envahisse les murs du métro. Mais il n'y avait pas besoin de beaucoup creuser pour me dire qu'entre nous ça devrait coller. La subversion du New-York dans années 70-80, des fleurs, des corps, des portraits, des sexes. J'aime moins les fleurs. L'exposition est simple, un circuit en forme de U, relativement sage. Juste une salle "+18" viens troubler l'ordre du Grand Palais. J'ai connu des expositions plus réussies car avec une prise de risque plus grand dans la façon d'accrocher, d'obtenir une ambiance. Tant pis, ça n'entache en rien le travail de l'artiste. Et comme le faisait remarqué mon ami (qui est en plus photographe, donc je m'appuie complètement sur la véracité de ses propos), les couleurs choisies pour les murs mettent très bien en valeur les photographies. C'est juste moi qui pinaille.

"I am looking for perfection in form.

I do that with portraits.

Robert Mapplethorpe

La première salle est consacré au corps. Corps nu, mais aussi corps sculptés. D'ailleurs Mapplethorpe considère la photographie comme l'héritière de la sculpture. Il veut "que les gens voient [ses] œuvres d'abord comme de l'art, ensuite comme de la photographie* " Et on le voit très vite comme dans ce Sphinx:

Robert Mapplethorpe

La photographie est travaillé uniquement par la lumière et donc par conséquent par la forme. Si vous deviez faire un dessin de cette photographie, vous prendriez une feuille noir et vous n'attaqueriez pas par les contours mais par les ombres et les lumières. Comme il est difficile de contenir une sculpture dans tes contours. Mapplethorpe oscille toujours entre des sujets classique de Michel-Ange et ceux plus amoraux des années 70-80. Ce que j'aime beaucoup. Car de ces deux extrêmes enchevêtrés naît une esthétique à la fois personnelle et universelle. Mais c'est une règle assez générale des choses qui me plaisent, le mélange de deux opposés. Génralement ça donne une nouvelle lecture de l'un ou l'autre (exemple: jouer Racine en jean).

"I have boundless admiration for the naked body. I worship it..."

Robert Mapplethorpe

On retrouve ce travail de lumière sur les photographies de corps. Que ce soit des nus plutôt sages, voir même un peu académique, ou dans une recherche qui est à la limite de la pornographie (salle "+18"). "La photographie et la sexualité sont comparables. Elles sont toutes deux inconnues. Et c'est cela qui m'excite le plus.** " Comme dans la sexualité (et la sculpture), ce n'est pas la ligne qui importe le plus mais la matière. Par exemple cette photo de dos ( Dan S), si la ligne était l'élément primordiale, le photographe aurait cherché dans la pose et la lumière à faire ressortir les traits de ses muscles, de son dos. Alors qu'au final c'est plus la texture que fait ressortir le jeu de lumière. Mapplethorpe travaille en aplat. Cherchant comment donner la sensation du toucher. Comme un sculpteur cherche qu'elle matière servira le mieux son sujet. Le toucher est, à mon avis, le sens le plus développé de la sexualité. Plus que la vue (qu'on bande facilement), plus que l'odorat ou l'ouïe, et encore plus que le goût. Parce que le toucher, c'est ce qui arrive en en premier dans une rencontre, c'est ce qu'on explore le plus et c'est ce qui nous offre le plus grand panel de sensation.

Robert Mapplethorpe
"One of the things I really like to do is heads of people. I think in the same way I do a torso and see it as a real sculpture." Robert Mapplethorpe

Cette analyse sur l'importance de la matière dans l'œuvre de Mapplethorpe est aussi très visible dans cette photographie: Ken Moody and Robert Sherman, 1984. Robert Sherman semble être fait de stuc blanc alors que Ken Moody est en bronze. Si on continue sur cette voie, on peut ouvrir plein de raisonnements. L'un semble fragile et penché alors que l'autre semble droit et fort. Le plus fragile des deux à la yeux ouverts...

Robert Mapplethorpe

Il y a aussi toute une partie où l'artiste fait le parallèle entre le corps humain et les fleurs. Surtout avec des pénis en érections. L'idée est plaisante. Bien qu'aujourd'hui un peu surannée. Mais mêler des fleurs, qui évoque chez moi le jardin de ma Mamie ou les nappes de ma Mère, à des sexes dressés, j'aime beaucoup. Comme déjà dit, accoupler le sacré au profane, je "kiffe" grave. Vous avez aussi un mur (bien peint) avec des photos de fleurs. Si à première vue ça m'a semblé un peu chiant (entre mes mains les fleurs crèvent), il faut avouer qu'en y regardant de plus prêt certains tirages semblent en relief. C'est assez déstabilisant pour être remarqué. Surtout pour une photo de fleur.

"When I was exhibited pictures, [...] I've tried to juxtapose a flower, then a picture of a cock, then a portrait, so what you could see they were the same."

Robert Mapplethorpe

Il y a aussi une partie sur la religion,des photos de Patti Smith (avec qui il a eu une liaison qui est restée une forte amitié) des portraits de personnalité et la partie "+18" axée plus sur la SM. Je suis passé assez rapidement dessus. Parce que j'était attendue et que j'ai trouvé que c'étais un peu moins novateur vis à vis du traitement. Le travail est plus axé sur des histoires, mises en scène dans la photo. J'adore aussi. Mais c'est moins audacieux que toute la première partie sur le corps. J'aime beaucoup par exemple cette photographie: Two Men Dancing, 1984.

Robert Mapplethorpe

Mais plus pour la mythologie qu'elle engendre que pour son traitement photographique. J'aime vraiment beaucoup cette photo, elle mélange une part de mon enfance (les couronnes comme dans Peau d'Ane) a un sujet qui me tiens à cœur aujourd'hui, le genre. Parce que c'est une des grandes forces de cette exposition, nous exposer que les débats d'aujourd'hui ont été résolus il y a 30 ans.

If you channel it right, there's more energy in sex than there is in art."

Robert Mapplethorpe

L'exposition Mapplethorpe est dans la Galerie sud-est du Grand Palais, jusqu'au 13 juillet 2014. Infos ici!

*Inge Biondi, "The Yin and the Yang of Robert Mapplethorpe", The Print Collector's Newsletter, New York, janvier 1979, p11.

**Mark Thompson, "Mapplethorpe", The Advocate, Atlanta, 24 juillet 1980


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