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States of grace

Par Onrembobine @OnRembobinefr

[Critique] STATES OF GRACE

Titre original : Short Term 12

Note:

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Origine : États-Unis
Réalisateur : Destin Cretton
Distribution : Brie Larson, John Gallagher Jr., Kaitlyn Dever, Rami Malek, Keith Stanfield, Kevin Hernandez, Stephanie Beatriz, Frantz Turner…
Genre : Drame
Date de sortie : 23 avril 2014

Le Pitch :
Grace est à la tête d’une équipe d’accompagnateurs éducateurs dans un centre qui accueille des adolescents en difficulté. Déterminée et sensible, la jeune femme tente parallèlement de garder le cap et de construire avec son compagnon, une vie qui demeure néanmoins fragile. L’arrivée au foyer de Jayden, une adolescente très perturbée qui refuse de se plier aux règles du groupe, va plonger Grace dans un profond désarroi en la forçant à se confronter à son passé…

La Critique :
C’est précédé d’une réputation glorieuse acquise au fil de festivals, où il reçut plusieurs récompenses, que States of Grace arrive en France. Sur le papier, States of Grace a tout du film indépendant américain typique. Un cinéma indépendant qui mine de rien, arrive de plus en plus à se tailler la part du lion dans nos salles, proposant au spectateur une vraie alternative aux blockbusters et autres produits formatés. Mais justement, le risque est de voir débarquer des films formatés. Des œuvres fabriquées à partir des mêmes ingrédients. En gros, des longs-métrages opportunistes qui surfent sur des pathos plus ou moins universels et fédérateurs, en se « cachant » derrière des intentions prétendues nobles. Cela dit, rien de tout ceci ne concerne States of Grace, car ce film précisément n’a rien d’un piège opportuniste. Le réalisateur débutant Destin Cretton ne se cache pas derrière de fausses intentions arty et jamais il ne force le trait.

La grande force de States of Grace réside dans sa sincérité brutale et frontale. En brossant la dynamique d’un groupe d’éducateurs dans un centre d’accueil pour jeunes abimés par la vie, le réalisateur parle de quelque chose qu’il connaît. Éducateur, Destin Cretton l’a été et tous ses personnages sont issus d’une expérience primordiale dans son parcours de vie.
Le foyer du film, dans lequel bossent Grace, Marcus, Nate et les autres, est un refuge qui prend en premier lieu de faux airs de voie de garage. En gros, c’est là où on atterrit quand on a nulle-part où aller. C’est l’endroit où se retrouvent des personnages déglingués. States of Grace parle en cela de choses graves. Il parle de ces monstres à visage humain qui évoluent parmi nous et qui, par leurs actes, bousillent des gosses dont certains sont amenés à ne jamais se relever. La bonne idée de Cresson, qui est également au scénario, est de ne jamais montrer ces monstres. Ils sont évoqués, du bout des lèvres, à peine entrevus, à l’image de ce père violent qui n’est montré qu’endormi au fond de son lit alors que son enfant souffre en silence avant d’exploser. Tout en suggestion, le long-métrage préfère se concentrer sur les conséquences, avant d’embrayer sur les solutions envisageables et ainsi insuffler un espoir indispensable à sa démarche. Il se concentre sur certains de ces adolescents sans trop en faire, et surtout en prenant bien garde de ne pas brusquer les choses. Que ce soit avec Jayden, cette jeune fille qui renvoie Grace, le personnage principal, à son propre vécu, ou encore Marcus, qui s’apprête à devenir majeur et ainsi à quitter le centre pour retrouver la vraie vie et ses difficultés issues d’une enfance chaotique. Particulièrement juste quand il s’agit de traiter des traumatismes de ces enfants, States of Grace trouve d’emblée la bonne manière de ne pas déborder du cadre. Avec sensibilité, pudeur et même poésie (le passage dans lequel Jayden raconte son histoire par le biais d’un conte enfantin est bouleversant), le cinéaste fait preuve d’une maturité étonnante et évite la majorité des pièges inhérents à un tel exercice.
Brie Larson, l’actrice qui campe Grace l’éducatrice en chef, raconte avoir été souvent confrontée à des spectateurs bouleversés, persuadés qu’ils venaient de voir un documentaire. Inspiré de personnages et de faits bel et bien réels, States of Grace n’est pas un documentaire, mais il en adopte certains des automatismes. Là encore, sans trop insister, car Cresson met les formes et son film reste lisible. Contrairement à certains films purement indie, il ne cherche pas la patine savante mais en trouve une qui sonne avec beaucoup d’authenticité, comme pour venir appuyer son propos par l’image et par le son.
Malgré tout, States of Grace manque parfois justement de contrôle. Sûr de lui car traitant d’un sujet qu’il connait bien, le réalisateur donne l’impression de laisser un peu couler, en laissant à ses acteurs et à son histoire le soin de lier les divers éléments qui composent son intrigue. La principale conséquence est de faire de States of Grace une partition parfois un peu décousue. Ce qui, paradoxalement, participe à lui conférer sa personnalité. Une personnalité fragile, tantôt légère, tantôt plus grave, entre drame et comédie. Un cocktail d’émotions que traduisent parfaitement les comédiens, Brie Larson en tête. Vue dans Scott Pilgrim ou encore 21 Jump Street, l’actrice trouve là son premier grand rôle. Grand dans tous les sens du terme. Ancrée dans une réalité qu’elle appréhende avec un naturel confondant, Brie Larson irradie. De tous les plans ou presque, elle est le point d’ancrage du film auquel elle offre sa présence et sa faculté à en traduire les intentions. On le sait, les personnages comme Grace, sont particulièrement casse-gueule. Beaucoup tombent dans l’excès, mais pas Brie Larson. John Gallagher Jr. son partenaire non plus d’ailleurs, formidable lui aussi de bout en bout. Promis à un brillant avenir, les deux acteurs portent States of Grace, en communion parfaite avec de jeunes comédiens eux aussi en état de grâce, car parfaitement conscients de l’importance de parvenir à traduire l’authenticité d’un scénario doux-amer, qui n’aurait pas supporté toute forme de cabotinage. La performance très nuancée et discrète de Rami Malek est aussi à souligner tant ce comédien n’en finit pas d’imposer son charisme dans des productions de qualité.

Tranche de vie chorale marquée par la volonté noble d’aborder un sujet ô combien sensible, States of Grace arrive à trouver une justesse rare. Au-delà des quelques travers dus au manque d’expérience de son réalisateur, il s’impose avec aisance et déclenche une émotion sincère et pénétrante.

@ Gilles Rolland

States of grace brie larson [Critique] STATES OF GRACE
Crédits photos : Version Originale / Condor


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