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Etat de conservation de l'ours des Pyrénées: "défavorable inadéquat"

Par Baudouindementen @BuvetteAlpages

Vingt ans de suivi de la population d’ours brun des Pyrénées : bilan et perspectives

Vingt ans de suivi de la population d’ours brun des Pyrénées : bilan et perspectivesLa revue Faune Sauvage du premier trimestre 2014 publie un article qui fait le bilan de 20 ans de suivi de l’ours des Pyrénées (de 1993 à 2012) : suivi systématique et opportuniste, types de données collectées, aires de répartition et leurs évolution pendant les différentes périodes de suivi, d’avant les premières réintroductions à la période actuelle. les scientifiques analysent l’évolution démographique très contrastée entre le noyau occidental, condamné à disparaitre si l’Etat n’intervient pas maintenant, et le noyau central qui progresse lentement mais reste à la merci de risques importants (chute du nombre de femelles, consanguinité, mortalité et disparitions)

par Jean-Jacques Camarra,  Jérôme Sentilles,  Nicolas Bombillon,  Guillaume Chapron,  Pierre-Yves Quenette
Le suivi de l’ours brun dans les Pyrénées, espèce emblématique, a été confié à l’ONCFS dès 1983. Au début de l’année 1996, à la veille des premières réintroductions, la population était au bord de l’extinction. Mais suite au succès démographique des opérations de renforcement, le suivi s’est très vite élargi à l’ensemble de la chaîne, ce qui nous permet aujourd’hui d’avoir une vision rétrospective sur les vingt années écoulées, et prospective sur l’avenir de cette population…
La Buvette vous en présente deux extraits (les projections et la conclusion)

Projections à partir de la situation actuelle : analyse de viabilité

L’analyse démographique à partir des processus de survie, reproduction et dispersion constitue le cadre au travers duquel s’expriment tous les facteurs déterminant la viabilité d’une population animale. Le critère global de viabilité (critère E UICN) résulte de plusieurs facteurs (effectifs, distribution spatiale, habitat disponible) et il correspond, si l’habitat disponible est suffisant («préoccupation mineure»), à un seuil de 10 % de risque d’extinction à cent ans (UICN, 2001 et 2012).
Différents types de modélisation démographique ont été utilisés pour évaluer les risques d’extinction au cours du temps et les stratégies possibles de renforcement pour maintenir une population viable d’ours dans les Pyrénées (Chapron et al., 2003 et 2009). Les résultats qui, à ce jour, ne prennent pas en compte les risques génétiques, convergent sur l’existence de risques d’extinction importants (critère UICN) en l’absence de renforcement. Ils confirment que le taux de survie des femelles adultes est un paramètre clé dans le maintien d’une population d’ours.
Les analyses les plus récentes réalisées (Quenette, 2010) montrent qu’en l’absence de renforcement, la population centrale n’est pas confrontée à un risque élevé d’extinction à l’échéance de vingt-cinq ans (Pext =9 %), mais que ce risque double sur cinquante ans (Pext = 17 %). Le noyau occidental, en l’absence d’apport de femelles, soit par dispersion issue du noyau central, soit par renforcement, est voué à disparaître dans un avenir immédiat. À titre indicatif, différents scénarios de réintroduction sont proposés avec le risque d’extinction associé, en considérant séparément les deux noyaux de population. Idéalement (risque d’extinction inférieur à 5 % sur cinquante ans), les modèles de viabilité préconisent le lâcher de quatre ours en Pyrénées centrales (trois femelles, un mâle) et treize en Pyrénées occidentales (dix femelles, trois mâles), l’urgence étant en priorité pour cette dernière zone géographique.

Conclusions

La stagnation des effectifs entre 1997 et 2005 montre que le nombre d’ours relâchés en Pyrénées centro-orientales était insuffisant pour restaurer la population. En revanche, on constate qu’après le lâcher de cinq nouveaux spécimens en 2006, la dynamique de la population a été relancée et les effectifs se sont accrus. Néanmoins, le bilan actuel reste mitigé et le noyau occidental est voué à disparaître à court terme. La survie du noyau central demeure incertaine, du fait des risques démographiques d’un effectif réduit et ceux génétiques liés à l’accroissement de la consanguinité. Ce résultat est confirmé par la dernière évaluation de son état de conservation dans le cadre de la Directive Habitats faune flore (évaluation article 17) pour la période 2007-2012, qui conclut «défavorable inadéquat».
Il est donc indispensable de poursuivre le suivi de population pour renseigner les différents critères permettant d’évaluer l’avenir de cette espèce dans les Pyrénées, et d’inclure dans les modèles de viabilité les facteurs génétiques influant sur l’état de conservation des populations. Il conviendra également d’évaluer l’impact de la perte du noyau occidental sur le noyau central car, en théorie, les modèles de métapopulation montrent que cela pourrait avoir des effets néfastes conséquents.
Enfin, l’histoire récente de la conservation de l’ours brun et de ses habitats dans les Pyrénées montre clairement qu’elle ne repose pas uniquement sur des critères biologiques. Il est donc absolument primordial d’avoir une approche scientifique pluridisciplinaire qui intègre, en plus des aspects biologiques étudiés jusqu’ici, les aspects humains, socio-économiques entre autres, dans le processus de décision concernant la gestion adaptative de cette espèce et de ses habitats.


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