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Comment sont fixés les prix sur Exploratology ?

Publié le 28 avril 2014 par Exploratology @exploratology

Comment sont fixés les prix sur Exploratology ? C’est une question à laquelle je voulais répondre depuis longtemps sur le blog, pour parler des coulisses de l’entreprise et du marché du livre. Mais j’ai lu récemment des commentaires s’étonnant du prix supposément élevé des sélections thématiques et (moins souvent) des abonnements. Je crois que ça mérite quelques éclaircissements, et encore une fois, si vous avez des questions en fin de ce looong article, n’hésitez pas! Je suis parfois un peu longue à répondre à vos commentaires, mais j’essaie toujours d’apporter des réponses! :)

1) Petit rappel sur la loi du prix unique du livre – ça ne fait jamais de mal :) : les livres français ont le même prix partout (oui, même sur les gros sites en ligne!)

J’ai lu quelque part que les livres dans les sélections thématiques seraient plus chers que si on les achetait ailleurs, séparément.

Ici, il faut faire une différence entre les livres français et les livres édités à l’étranger.
Dire que les livres des sélections sont plus chers qu’ailleurs est strictement faux pour les livres édités en France. Grâce à la loi unique du prix du livre (aussi appelée loi Lang), le prix d’un livre est le même partout, quelque soit le vendeur, et on ne peut le vendre ni moins cher (jusque dans une limite de 5%, d’où cette remise accordée par des sites Internet, mais c’est tout!), ni plus cher. Donc à l’intérieur d’une sélection thématique, les livres coûtent le même prix qu’ailleurs.

Un libraire peut vendre un livre moins cher si ça fait plus de six mois qu’il l’a en stock (mais c’est un peu du suicide, vous verrez plus bas pourquoi) ou par exemple s’il s’appelle France Loisirs et qu’il a des livres spéciaux :) Ou alors ce sont des livres soldés hors circuit traditionnel.

(Allez pour le souvenir, petite vidéo de Jack Lang qui défendait la loi dans les années 80 ^^)

2) Mais quid des livres étrangers ?

Par contre, pour les livres étrangers, c’est une toute autre affaire ; et c’est vrai que sur Exploratology, le prix des livres étrangers est globalement plus cher que sur Amazon (parce que je crois que c’est à Amazon qu’on compare ma boutique, donc autant être claire ^^) Mais je ne suis pas la seule dans ce cas, les librairies qui proposent des livres étrangers les vendent généralement plus cher que sur Amazon. Pourquoi cela ?

Vous avez peut-être suivi les débats qu’il y a autour d’Amazon et de ses pratiques commerciales de sale requin qui menacent le réseau des librairies indépendantes en France. D’une certaine manière, qu’Amazon se comporte comme un gros requin, je ne m’en formalise pas plus que ça : que peut-on attendre d’une entreprise qui brasse des milliards à part qu’elle se comporte comme un gros requin et non comme une gentille loutre ?! Mais il faut avoir conscience des objectifs et du fonctionnement d’Amazon avant de pouvoir dire « bouh les libraires, ils vendent plus cher les livres en anglais qu’Amazon et ils ne font pas de livraison gratuite, ils n’ont qu’à crever comme les disquaires! »

3) Quelques explications sur Amazon et les libraires, et pourquoi nous n’avons pas les mêmes prix pour les livres étrangers.

Des explications d’abord sur le commerce de livre.
Généralement, les libraires (et moi-même) s’approvisionnent non pas auprès des maisons d’édition, mais auprès de diffuseurs/distributeurs (qui sont des intermédiaires qui représentent plusieurs maisons d’édition). Dans le cas des livres étrangers, le diffuseur propose un prix pour chaque livre et accorde une remise au libraire sur ce prix qu’il a proposé. Généralement, comme les autres libraires, j’ai entre 30 et 40% de remise sur un livre. Ce qui fait que sur un livre que je vends 10 euros, je gagne entre 3 et (plus rarement) 4 euros.

Amazon, avec sa force de frappe, a certainement bien plus que 40% de remise, mais ce n’est pas le point principal.
Amazon ne fait aucun profit sur sa vente de livres, comme ils fixent le prix des livres étrangers au plus près de leur prix d’achat. Ce qui fait que par exemple, pour un livre de 10 euros que j’achète 6.5 euros (35% de remise) et que j’ai donc envie de revendre à 10 euros ; Amazon l’aura acheté peut-être pour 4.5/ 5 euros (+50% de remise) et le revendra à disons 5.5 euros. Donc il arrive (à ma grande consternation) qu’Amazon vende au public un livre moins cher que ce qu’il m’en aura coûté, et au final, quasi deux fois moins cher que mon prix de vente. Et en plus, Amazon propose les frais de port gratuits, donc là, il ne fait vraiment vraiment vraiment pas de profits.

Pourquoi Amazon casse les prix et accepte de ne pas faire de profits sur ses ventes de livres ? Essentiellement pour casser la concurrence, dominer le marché et refixer par la suite les prix comme il veut (ce qui explique pourquoi aux Etats-Unis beaucoup de librairies indépendantes et des chaînes type Borders ont sombré). Mais ça c’est du requinage commercial classique. Le plus subtil dans l’affaire, est que l’ambition affichée d’Amazon est d’utiliser le livre comme « appât » pour les clients, pour récolter des données personnelles sur leur profil de consommateur. Et nous savons maintenant que ces données personnelles sont extrêmement précieuses dans l’économie numérique. C’est aussi une façon d’attirer le client pour qu’il puisse acheter autre chose, de vélos à des jouets en passant par des spatules. Et les livres ne représentent plus que 7% des revenus d’Amazon.

C’est pourquoi comparer Amazon avec les librairies ou des boutiques comme Exploratology n’a tout simplement pas de sens.
Amazon ne cherche pas à gagner sa vie avec les livres, donc il casse les prix. Quant à moi, je veux gagner ma vie avec les livres, donc non je ne casse pas les prix et je les vends donc à un prix qui me permet de faire une marge « normale », en accordance avec le prix proposé par les diffuseurs.
Amazon n’aime pas particulièrement les livres. Et mes confrères libraires et moi, nous les aimons. Alors oui, un livre qui vaut 10 euros, je le vends 10 euros et non pas 5.5 euros, parce que le livre n’a pas à être un produit bradé.

Si vous voulez en savoir plus sur le parcours d’Amazon et ses agissements aux US, il y a un excellent article sur le site du Newyorker sur le sujet :)

bookstore fun

Visitez une librairie. Peut-être que vous tomberez sur une jolie scène comme ça :)

4) Et le prix des objets alors ?

Alors pour les objets, c’est beaucoup plus classique comme fonctionnement, on en revient à du commerce classique :)
Pour fixer un prix de vente à partir du prix d’achat au fournisseur, il y a plusieurs facteurs : la nécessité de faire une marge, mais aussi les prix de la concurrence, et ce qui me paraît acceptable à moi. Et généralement je fixe des prix je crois plutôt classiques : ni ridiculement pas chers, ni trop chers :)
Après, je propose généralement des objets de créateurs et de marques créées par des gens qui ont des têtes de gens biens, donc pas de sacs fabriqués dans des usines qui s’effondrent sur des ouvrières au Bangladesh. C’est sûr que du coup ça coûte un peu plus cher que la moyenne (et heureusement, diantre!) :)

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Tina Roth Eisenberg, la créatrice de la marque Tattly (les tatouages de Be Creative et Manger le poulet ^^) // source : Inconstant Moon

5) Du coup, le prix global des sélections et des abonnements, comment est-il fixé ?

En deux lignes :
Prix d’une sélection thématique : prix des différents produits + prix du packaging
Prix d’un abonnement : prix des différents produits + prix du packaging + frais de poste

Pour l’abonnement Romans à 15.90 euros par exemple, ça peut être :
Livre à 11 euros + thé et bonbons à 1 euro + frais de packaging à 0.25 euros + frais de poste à 3.65 euros.

Les frais de packaging vont de quelques dizaines de centimes à 2 euros pour les packs les plus joliment paquetés (quand j’utilise des feuilles de qualité avec de l’impression couleur et/ou des étiquettes de luxe – c’est le cas dans la sélection avec Valentine où je mets un gift tag rose Rifle Paper Co (qui coûte 0.7 dollars aux US, et 0.99 euros ici, d’ailleurs j’en vends bientôt sur la boutique :) )

Simple, non ? :)

5 bis) Dernière chance pour les plus revêches de râler ^^

Alors, les plus revêches pourront dire que je mets des frais de packaging alors qu’Amazon mais aussi les libraires en général ne le font pas. Et puis que zut alors, chez Amazon les frais de port sont gratuits, et on est livré en 48 heures.

Sauf que les coûts de packaging sont réels (le coût de l’enveloppe, le papier, l’impression, etc.), et dans un commerce comme le mien, et plus généralement les commerces qui vendent des produits à faible marge comme les livres, le moindre centime compte.

Pour vous donner une idée : sur ma première année d’exercice, j’ai payé 1115 euros de charges sociales (parce que j’ai bénéficié d’une aide, sinon on aurait été à plus de 3000 euros, oups).
Sur un abonnement à 15.90 euros, je gagne on va dire 3.85 euros sur le livre à 11 euros (marge de 35%), et 50 centimes sur le thé et le bonbons à 1 euro (les frais de packaging et de poste sont au réel, donc je ne gagne rien dessus). Donc je gagne au total 3.85 + 0.5 = 4.35 centimes. Donc pour seulement rembourser mes charges sociales de l’année qui vient de s’écouler, je dois vendre 1115/4.35 = 256 abonnement d’un mois.
Si je faisais comme Amazon (frais de port gratuit), il faudrait que je vende 1115 / (4.35 – 3.65) = 1592 abonnements d’un mois pour rembourser mes charges sociales. Donc non, pas de frais de port gratuit. ^^

6) Conclusion : « it’s all about the spirit »

Vous avez la formule de mes prix et les explications de la différence de prix sur le livres étrangers.
Mais tout ça c’est du chiffre. Au final, il reste l’esprit de la boutique :

J’ai fait un choix : celui de vendre des livres et des objets de créateurs, et autour d’eux, un univers et une démarche.

Chaque sélection et chaque abonnement sont bien plus qu’une addition de produits : c’est une invitation à la découverte, soigneusement choisie et pensée. Ce sont aussi des histoires. C’est une rencontre avec les gens trop sympas de Georges au salon du livre jeunesse à Montreuil qui m’amène à vendre leurs tipis dans le kit DIY. C’est une dizaine de cafés bus avec Charlotte du Club des Sottes pour trouver la parfaite sélection Chat :) C’est visiter Auroville et y découvrir un livre pour enfants génialissime que j’ai de suite vendu sur le site.

Chaque colis est un univers et une histoire, pas juste une box avec des produits là-dedans. J’espère que c’est ça que vous ressentirez en ouvrant vos colis, et j’y travaille dur :) En attendant, merci d’être allé jusqu’au bout de cet article, et n’hésitez pas si vous avez des questions :) Et surtout… Merci de nous soutenir! :)

A très bientôt pour d’autres articles sur la boutique!

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