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La traduction de Game of Thrones est-elle si mauvaise ?

Publié le 28 avril 2014 par Thibaultdelavaud @t_delavaud

Pour certains, la traduction française de Game of Thrones (ou plus exactement de A song of Ice and Fire) est ratée. Pour d’autres, elle est très réussie. On reproche au traducteur, Jean Sola, de ne pas avoir respecté le style (simple et direct) de George R.R Martin en donnant au récit un ton archaïsant et soutenu, contraire à l’esprit de l’auteur. Alors que la saga est devenue une œuvre incontournable, lue par des millions de lecteurs francophones, la qualité de la traduction a fait l’objet d’un débat passionné parmi les fans.

Dans le camp des « pour », on souligne la très bonne traduction des noms propres (même si un peu discutable pour certains), un style qui a enjolivé le texte original, l’ancrant davantage dans un registre moyenâgeux et soutenu. 

Dans le camp des « contre », on fustige la traduction des termes direwolf et kraken par exemple et plus généralement l’emploi d’un registre soutenu, qui ne colle pas forcément à l’esprit du livre et au style de l’auteur.

Pour ma part, j’ai lu les deux premiers tomes de la saga en français avant de basculer en anglais. Il est vrai qu’on est étonné par le changement : phrases plus courtes, syntaxe simple…

Tableau des traductions des lieux :

Tableau lieux

Tableau des traductions de certains termes et noms propres :

Tableau noms communs et propres

Pour juger l’écart de la traduction je me suis amusé à comparer des passages du tome 1, A Game of Thrones, entre l’original et la traduction. Je me suis concentré sur deux citations parmi les plus emblématiques.

« The things I do for love »

« Ce que me fait faire l’amour, quand même ! »

Cette phrase est prononcée par Jaime peu avant qu’il ne précipite dans le vide Bran. On pourrait la traduire littéralement par « Les choses que je fais par amour » mais évidemment, ça ne « sonne » pas très bien. « Ce que me fait faire l’amour» est une excellente traduction, elle restitue parfaitement le sens de la phrase. Mais pourquoi ajouter le « quand même ! » ? Cela correspond peu à la psychologie de Jaime et surtout, cela ne colle pas très bien à la situation. Pourquoi ne pas avoir traduit simplement par « ce que l’amour me fait faire » ou même par « voici ce que me fait faire l’amour » ?

« I did warn you not to trust me, you know. »

« Ce n’est pourtant pas faute de vous avoir prévenu [...] qu’il ne fallait pas vous fier à moi »

Ce sont les paroles que prononcent Littlefinger à Ned Stark au moment de le trahir. Le traducteur « sur-traduit » cette phrase. En anglais, lorsque la base verbale est précédée par l’auxiliaire (que l’on omet à la forme affirmative), cela signifie que l’on met le verbe en emphase. Cependant, la tournure choisie par le traducteur est excessivement emphatique : « Ce n’est pourtant pas faute ». Surtout, le « you know » n’est pas traduit. Le traducteur a sans doute été gêné par le niveau de langage courant voire familier du « you know », qu’il ne pouvait pas traduire en ayant choisi une tournure si soutenu et emphatique avec : « Ce n’est pourtant pas faute… ». Mais pourquoi ne pas avoir opté pour une traduction simple, comme : « Je vous avais pourtant bien dit, qu’il ne fallait pas me faire confiance, voyons » ? Peut-être que Jean Sola voulait accentuer la trahison de Littlefinger…

Jaime Lannister

Ainsi, la traduction de Jean Sola n’est pas mauvaise ni même erronée mais le traducteur a choisi un parti pris risqué, à savoir enjoliver et densifier le texte original, ce qui peut heurter le lecteur. Il ne faut cependant pas oublier que le premier tome est paru en 1996 (plus de quinze ans !) et que la notoriété de la saga était à cette époque très faible, d’où une plus grande liberté laissée au traducteur. De toute manière, aucune traduction n’est parfaite puisqu’il est impossible de restituer toutes les nuances d’une langue étrangère. Aucune langue n’est identique ou équivalente à une autre et comme le dit le proverbe italien : « traduttore, traditore ». 


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