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Deux nouveaux saints pour réconcilier les catholiques divisés

Publié le 30 avril 2014 par Podcastjournal @Podcast_Journal
"Nous ne sommes pas sur terre dans le but de monter la garde sur les tombes des apôtres, des saints et des héros, mais pour marcher sur leurs traces" avait proclamé Jean XXIII. Mission accomplie pour ce pape italien et pour Jean-Paul II, tous deux canonisés à l’occasion du dimanche de la miséricorde, le 27 avril dernier. Les voilà inscrits à jamais dans le catalogue des saints que les catholiques peuvent désormais honorer et prier pour obtenir une assistance divine. Devant des reliquaires contenant une petite fiole de sang de Jean Paul II et un morceau de peau de Jean XXIII, le souverain pontife a prononcé une homélie simple et spirituelle sur ceux qui "en toute personne souffrante voyaient Jésus". Jorge Bergoglio a notamment salué "deux hommes courageux, des papes du XXe siècle qui en ont connu les tragédies mais n’en ont pas été écrasés". Une manière d’évoquer le nazisme et la guerre froide qui expliquent l’action de Jean Paul II en faveur de la paix et sa volonté d’ouverture vers les autres religions, juive notamment. Et le Saint-Père de qualifier Jean-Paul II de "pape de la famille", un distinctif hautement symbolique à l’heure où le Vatican prépare un vaste chantier de deux ans sur l'accompagnement des familles et le modèle que l'Église leur propose. Quant à Jean XXIII, décédé le jour de la Pentecôte, il "a montré une délicate docilité à l'Esprit-Saint et a été pour l'Église un pasteur, un guide-guidé" dans la convocation du Concile Vatican II qui s'est tenu de 1962 à 1965.

Les saints sont des intermédiaires universels entre les fidèles et Dieu, les seconds priant les premiers afin qu’ils intercèdent en leur faveur. Ces figures de dévotion catholique sont des modèles de vie chrétienne. Jusqu’en l’an 1234, c’était la vox populi (l'acclamation populaire) qui faisait les saints solennellement intronisés par l’évêque local. La formule engendra des légendes comme Saint François d’Assise, le petit frère des pauvres, mais aussi des "ratés", comme Saint Charlemagne, le guerrier roi dont la sainteté est discutable. Mais depuis que la canonisation est devenue affaire exclusive du pape, rentrer dans le cercle très fermé des saints répond à des règles beaucoup plus strictes. Le candidat doit remplir trois conditions: être décédé depuis au moins cinq ans pour que soit ouvert un dossier de béatification (l’antichambre de la sainteté), avoir mené une vie chrétienne exemplaire et avoir accompli au moins deux miracles attribués à son intercession. La Congrégation pour la cause des saints créée en 1558, a la lourde tâche d’instruire les procès de canonisation. Dans un premier temps, théologiens et historiens examinent le dossier avant de le transmettre à "l’avocat du diable" qui recherche les éléments défavorables au postulant. Vient ensuite l’étape de la béatification si le défunt a accompli un miracle grâce aux prières qui lui sont adressées. Enfin, le bienheureux peut être canonisé après un deuxième miracle. Jean XXIII a bénéficié d’une grande faveur en accédant à la sainteté sans deuxième miracle avéré canoniquement. Certes, à défaut de miracle, il existe un canal extraordinaire qui est historiquement défini comme "canonisation équipollente". C’est en usant de cette prérogative que le pape François a décidé que, pour canoniser le "bon pape Roncalli", il n’était pas nécessaire de certifier les grâces qui lui étaient attribuées, eut égard à sa réputation de sainteté. Toutefois, s’agissant d’une personne n’ayant pas subi le martyre, la décision reste exceptionnelle.

Quant à Jean-Paul II, certains contestent sa "canonisation express". Un passe-droit accordé par Benoît XVI avait raccourci le délai de cinq ans requis pour ouvrir son dossier de béatification, après que la foule eut crié à ses obsèques, en 2005, "santo subito" (saint maintenant). D’autres voix respectées du monde catholique dressent un rude bilan du pontificat de Karol Wojtyla, remettant en cause la nécessité d’une canonisation: favoritisme de certaines congrégations au dépens des Églises locales, refus de démissionner malgré son état de santé, aveuglement face à la pédophilie, rigidité doctrinale excluant sévèrement toute dissidence ou à l’inverse syncrétisme pour avoir prié avec des représentants d'autres religions. Face aux grincements de dents, le Vatican rappelle que "Sainteté n'est pas synonyme d'infaillibilité". Ce qui compte, ce sont les vertus chrétiennes et les intentions. La double canonisation de Jean-Paul II et de Jean XXIII est "principalement une affaire politique" a expliqué le père Marc Lindeijer lors d'un entretien avec la radio catholique néerlandaise. Jean-Paul II, charismatique pape pendant 27 ans et Jean XXIII, architecte de Vatican II, sont des figures historiques de l’église chrétienne moderne. L’un, conservateur, fut un infatigable globe-trotteur de la foi. Ce missionnaire œuvra pour la paix et contribua à la chute du communisme, en portant la parole du Christ sur tous les continents. L’autre fut un homme humble et chaleureux, qui fit souffler le vent de la modernité sur une Église sclérosée avec le concile Vatican II (1962-1965). En canonisant conjointement ces deux papes que tout semble opposer, François réconcilie deux sensibilité de l’Église: les réformistes et les conservateurs. Il tempère au passage le culte de la personnalité autour de Jean-Paul II, déjà objet d’une immense ferveur populaire, et met en lumière le père du concile de Vatican II. Derrière ces deux papes complémentaires, se dessine en filigrane un troisième profil, celui du pape François: charismatique évangéliste mais simple et accessible, avec la ferme volonté d’engager les réformes nécessaires pour que l’Église s’adapte au monde contemporain. Voilà qui le met en bonne place pour postuler un jour à la sainteté.

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