Psychologie des foules

Il y en a de toutes sortes, des passagères et des durables, des sauvages et des sages, tantôt naturelles, tantôt artificielles, spontanées ou forcées, dominantes ou dominées, égalitaires ou hiérarchisées… Toutes ces possibilités, si elles évoquent les variations infinies de l’amour, sont aussi fondamentalement celles des foules.

Qui ne perçoit d’ailleurs le lien entre ces liens ? Le profond rapport entre rapport privé et rapport public ? L’étroite relation entre la plus intime et la plus anonyme ? En apparence, tout les sépare, puisque l’amour est personnel et que la foule dépersonnalise. Nous devenons intimes en amour, mais restons étrangers dans une foule.

Le lien, c’est la nature curieuse et commune de ce lien, étrange lien, il faut bien le dire, qui nous attache et nous transforme, nous associe et nous déforme. Qu’on soit grisé par l’amour ou par les foules, l’effet est presque le même : on ne reste pas le même. Car, comme l’amour, la foule nous hypnotise. La personnalité s’évanouit, le caractère s’amollit. D’un côté, les sentiments enflent et s’exaltent ; de l’autre c’est le discernement qui est aboli. A la fois envoûté et dévoué, barbare ou martyr.

Qu’y a-t-il donc de commun entre ces différents phénomènes ? Qu’est-ce qui fait le lien entre l’ensorcellement personnel et l’envoûtement collectif ? Freud, qui devait être un grand romantique, nous dit : c’est l’amour, l’amour toujours, l’amour caméléon et magicien, reconnaissable sous toutes ses formes, des plus sauvages aux plus sublimes, des plus bruyantes aux plus secrètes.

L’amour est le liant des foules : les relations amoureuses constituent l’essence de l’âme des foules. Ce sont ces liens qui en expliquent l’influence. La foule fonctionne comme l’amour : elle uniformise et sacralise. Elle déchaîne les passions, sans les épuiser sensuellement. Elle accomplit enfin l’exploit d’unir sans opposition, ni jalousie.

Qu’est-ce que cela nous apprend sur la foule ? Qu’elle est opérante grâce à ce lien, qu’elle est efficace par ce moyen…