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Fais-le pour maman par François-Xavier Dillard

Par Livresque Du Noir @LivresqueduNoir

Cette fois c’est décidé, je vais écrire un thriller, un vrai….

Ça c’était il y a un peu plus d’un an. Et après ? Je connaissais les codes du genre, il fallait du lourd, un fait originel traumatisant, des victimes expiatoires, des psychopathes de haut vol, des personnages torturés, physiquement et psychologiquement, du sang un peu, des larmes beaucoup, de l’angoisse et puis aussi de la peur, surtout de la peur. Parce que « to thrill » ça veut quand même dire « frissonner » ! Et quand je suis tombé sur ce fait divers, celui qui a fait naitre la trame de mon roman et bien j’ai été parcouru par une immense vague de froid. La gravité et l’implacable horreur de l’acte commis par cette mère désespérée ont laissé chez moi une trace indélébile. Alors ok, allons-y pour un roman « frissonnant » !

Bien sur, je ne souhaitais pas raconter ce fait divers, même si il est en filigrane tout au long du livre. Je ne juge d’ailleurs même pas les protagonistes de cette triste histoire. Pour cela il existe des journalistes… Et des magistrats. Non, ce qui m’a profondément intéressé dans cette histoire c’est la manière dont on peut se reconstruire, dont on peut vivre après de tels traumatismes. D’ailleurs le peut-on vraiment ? C’est la question essentielle de mon livre. Et puis je reste persuadé, et c’est peut-être aussi pour ça que je suis devenu écrivain, que le roman est le meilleur véhicule pour faire partager aux lecteurs les passions, les drames et les épouvantes de mes héros. Un article de journal peut vous attrister, un reportage télé peut vous remuer mais il n’y a que le livre pour vous plonger au cœur de la noirceur et du désespoir de l’âme humaine.
Pourquoi ? Peut-être parce que la lecture laisse une place phénoménale à votre propre imaginaire, peut-être parce qu’elle vous permet de faire appel à vos propres cauchemars !
Et puis l’auteur a la possibilité d’aller bien au-delà d’un simple contre-rendu de police ou de faits bruts relatés par la presse. Pour tout vous dire il m’est arrivé, au cours de l’écriture de Fais-le pour maman de me surprendre à aller bien plus loin que ce que je pensais être capable de décrire. Et c’est là, une fois de plus, que la fameuse histoire qui consiste à dire que les personnages d’un roman acquièrent leur propre autonomie et s’affranchissent de la volonté de l’auteur prend tout sons sens ! Et c’est drôle parce qu’avant de me mettre à écrire « sérieusement », à chaque fois que j’entendais un auteur raconter ça je me disais qu’il fallait définitivement que les écrivains arrêtent de se la raconter avec leur histoire de personnages qui prennent vie et échappent au contrôle de leur « créateur ». Et pourtant… Pourtant cela n’a rien de magique, pas d’alchimie étrange, de magie noire ou de pacte diabolique. Lorsque vous « créez » un personnage, vous lui forgez un caractère, une personnalité que vous espérez complexe ou, pour le moins, crédible. Et c’est justement cette crédibilité qui offre à vos héros une véritable autonomie. Lorsqu’ils sont réussis vous savez que, confrontés à tel ou tel événements, ils ne peuvent réagir que d’une seule manière et c’est là qu’ils vous échappent puisque vous ne pouvez plus leur faire faire ce que vous voulez.
CQFD ! Comme dirait Céline Thoulouze, mon éditrice.

D’ailleurs il n’y a pas que les personnages qui vous échappent, l’histoire aussi parfois se crée et se modifie sous vos yeux, ou plutôt sous vos doigts ! Entre le roman achevé et le pitch que j’ai présenté au Fleuve il y a des différences fondamentales, essentielles. Un des rebondissements clefs de ce livre, je l’ai trouvé dans les toutes dernières phases de réécriture du manuscrit. Mais je ne vous dirai pas ce que c’est, ne rêvez pas !
Je voulais donc que Fais-le pour maman soit un thriller et je crois que c’en est un mais il y a aussi autre chose dans ce livre, autre chose apportée sans doute par le personnage de Léa, la fille ainée de Sébastien Venetti.
Léa est un narrateur à la première personne, elle raconte ce qu’elle voit, ce qu’elle comprend de ce que vit son père, elle dit aussi au lecteur ses joies, ses désespoirs, ses peurs. C’est une jeune fille d’une intelligence et d’une maturité exceptionnelle mais cela ne suffira parfois pas pour face à des événements aussi dramatiques. Et c’est sans doute ce procédé qui fait de ce livre un peu plus ou peut-être un peu moins qu’un thriller et j’en suis très heureux.
J’ai d’autant plus de facilité à en parler et à m’en réjouir que l’idée n’est pas de moi mais de Céline qui, décidemment, est une éditrice formidable. Bon d’accord elle a eu l’idée mais c’est quand même moi qui ai écrit les chapitres…
En fait, c’est juste ça le métier d’écrivain, vous déjeunez avec votre éditeur, vous parlez de votre manuscrit, vous échangez des idées formidables, vous vous nourrissez de la créativité et de l’expérience de votre interlocuteur et puis après vous vous retrouvez tout seul devant votre clavier en vous demandant comment diable vous allez bien pouvoir faire pour coucher tout ça sur le papier. Mais c’est aussi ça qui fait que ce métier, mais en est-ce bien un, est aussi incroyablement passionnant.
Et cette passion, cet enthousiasme, cette possibilité merveilleuse qui est offerte à l’auteur d’inviter son lecteur à vivre l’histoire de ces héros, j’espère avoir réussi à la créer dans mon dernier roman. Mais si c’est le cas, si ils parviennent à partager réellement l’histoire de Sébastien, Claire, Léa et Valérie, je préfère les prévenir : ils ne sortiront pas indemnes de ce voyage aux portes de la démence.


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