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Curcumine contre déficit cognitif

Par Affaircenter @affaircenter

 La curcumine contre le déficit cognitif

Rencontre avec Sally A. Frautschy, chercheuse à l’université de Californie Los Angeles.
par Aline PÉRIAULT

science

Quelle est votre profession ?

Je suis chercheuse au Centre de recherche sur la maladie d’Alzheimer de l’université de Californie Los Angeles (UCLA) et au Veterans Administration Medical Center. Mon laboratoire mène des recherches visant à mieux comprendre les mécanismes cellulaires, biochimiques et génétiques qui perturbent les fonctions cognitives des malades d’Alzheimer. Nous nous intéressons en particulier à tester des composés courants connus pour leur innocuité.

Pourquoi vous intéressez-vous à la curcumine, la molécule trouvée dans le curcuma ?

Le curcuma est extrait du rhizome de Curcuma longa. La curcumine est la substance qui colore cette épice en jaune. Elle possède des propriétés antioxydantes et anti-inflammatoires. Or, la maladie d’Alzheimer est associée à des dommages oxydatifs et à une inflammation. Elle est également caractérisée par une accumulation de protéines bêta-amyloïdes et par leur agrégation sous la forme de « plaques amyloïdes ». Sachant que le risque de développer la maladie d’Alzheimer est diminué par la consommation d’antioxydants et d’anti-inflammatoires, notre laboratoire a testé l’effet de la curcumine sur des modèles de la maladie d’Alzheimer, in vitro et in vivo sur des animaux.

Quels ont été vos résultats ?

Nous avons découvert, comme nous nous y attendions, que cette molécule diminue les dommages oxydatifs et l’inflammation. Mais ce n’est pas tout. Nos travaux ont montré qu’elle réduit aussi l’accumulation de plaques amyloïdes et la perte de synapses neuronales et qu’elle favorise la phagocytose des protéines amyloïdes ainsi que leur élimination. La curcumine contribue ainsi à prévenir la perte des synapses et le déficit cognitif causé par les protéines amyloïdes.

Quels sont les modes d’action du curcuma ?

En fait, la curcumine a de multiples modes d’action. Elle bloque l’accumulation et l’agrégation des protéines amyloïdes, elle corrige les dégâts causés par l’inflammation, elle bloque la peroxydation des lipides qui accélère normalement la disparition des connections neuronales… Pour toutes ces raisons, nous la considérons comme la molécule la plus prometteuse parmi toutes celles qui sont développées pour lutter contre la maladie d’Alzheimer.

Menez-vous des études sur l’homme ?

Nous menons depuis 4 ans un essai en double aveugle contre placebo pour tester l’efficacité de la curcumine sur des malades d’Alzheimer. Nous devrions avoir les premiers résultats début 2008. Notre équipe mène actuellement un petit essai clinique. Pour l’instant, nous ne pouvons pas dire si les résultats seront positifs. Si ça ne marche pas, nous avons à disposition une autre forme de la molécule qui augmente son absorption intestinale. Car le problème principal qui se pose à son utilisation chez l’homme, c’est de trouver sous quelle forme elle doit être délivrée sans qu’elle soit « glucuronisée » par l’organisme, c’est-à-dire « marquée » pour être éliminée par les reins.

Est-ce qu’il y moins d’Alzheimer dans les pays où l’on a l’habitude de manger du curcuma ?

Oui. Des chercheurs sont parvenus à identifier une communauté habitant la région de Ballabgarh en Inde au sein de laquelle il existe une incidence et une prévalence de la maladie d’Alzheimer extrêmement faibles. On sait qu’il existe une susceptibilité génétique à la maladie d’Alzheimer, liée à la présence d’un gène appelé ApoE4. Celle-ci est très rare en Inde, en particulier dans cette communauté. Les études suggèrent malgré tout que le facteur environnemental joue un rôle prépondérant par rapport au facteur génétique. Une autre étude menée cette fois à Singapour a mis en évidence que les personnes qui consomment du curry (un mélange d’épices dont fait partie le curcuma) « occasionnellement », « souvent ou très souvent » obtiennent de bien meilleurs scores aux tests cognitifs que ceux qui n’en mangent « jamais ou rarement ». Pour l’instant cependant, le lien entre consommation de curcuma et réduction du risque d’Alzheimer est très probable mais n’a pas encore été prouvé.

Conseilleriez-vous de consommer du curcuma ?

Les données scientifiques suggèrent, en tout cas chez les rongeurs, qu’un des métabolites de la curcumine, le tétrahydrocurcumine, ainsi que la curcumine elle-même allongent la durée de vie, comme le fait la restriction calorique. Il y a des chances que cet effet soit retrouvé chez l’humain. Les activités anti-cancéreuses, anti-inflammatoires et antioxydantes de la curcumine observées chez les modèles animaux n’ont pas encore été prouvées chez l’homme. En revanche, ses effets hypocholestérolémiants sont aujourd’hui reconnus. Le curcuma est sûr, peu cher et très probablement bénéfique, il n’y a donc pas de raison de s’en priver. Le plus gros problème que nous avons à résoudre cependant, c’est que l’intestin humain « glucuronise » la curcumine, en tout cas beaucoup plus que le fait l’intestin des rongeurs chez lesquels nous avons mené des expérimentations. Il est donc beaucoup plus rapidement éliminé par l’organisme.

Y a-t-il des moyens d’améliorer l’absorption de la curcumine ?

Une entreprise américaine (Sabinsa) commercialise du curcuma associé à un composé du poivre qui réduit ce processus de glucuronisation.

turmeric

La curcumine et la pipérine ciblent les cellules souches du cancer du sein

Un article publié le 7 novembre 2009 dans le journal Breast Cancer Research and Treatment fait état d’une découverte par des scientifiques de l’université du Michigan que la curcumine, un ingrédient extrait du safran d’Inde, (communément appelé curcuma), et la pipérine, extrait du poivre noir, aident à inhiber la prolifération des cellules souches qui alimentent le cancer du sein.

Les cellules souches sont des cellules non différenciées qui peuvent devenir des cellules de toute sorte à l’intérieur d’un organe. Le principal chercheur, le Dr Madhuri Kakarala, M.D., explique que «La théorie concernant les cellules souches postule que les tumeurs malignes ont leur origine dans les cellules souches à cause de l’effet d’autogénération des cellules.» Selon cette hypothèse, la réapparition du cancer après la chimiothérapie est due au fait que ce traitement n’est pas efficace contre les cellules souches malignes. Ainsi, si on arrive à éliminer les cellules souches cancéreuses et à réduire le nombre de cellules souches normales, le risque de récidive pourrait être diminué.

Les chercheurs ont comparé les différentes concentrations de curcumine et de pipérine dans une substance administrée in vitro dans des cellules épithéliales du sein. Les quantités de curcumine et de pipérine administrés représentaient 20 fois la puissance de ce qui pourrait être consommé dans l’alimentation. Ils ont constaté une réduction des marqueurs pour les cellules souches des seins dans les cultures traitées avec la plus faible concentration de curcumine, et une inhibition complète en doublant cette concentration. L’addition de la pipérine à la curcumine a donné une réduction des cellules souches encore plus grande, tout en n’ayant aucun effet sur le développement des cellules normales. «Ceci a démontré que ces ingrédients naturels n’ont aucune toxicité pour les tissus mammaires normaux», a remarqué le Dr Kakarala.

Ce rapport est le premier à conclure que la curcumine combinée à la pipérine peut prévenir le cancer en ciblant les cellules souches. Ce mécanisme a le potentiel de prévenir les tumeurs sensibles à l’oestrogène de même que les cancers plus agressifs qui ne sont pas stimulés par l’œstrogène.

«Si nous pouvons limiter le nombre de cellules souches, nous pouvons limiter le nombre de cellules qui ont le potentiel de former des tumeurs» note le Dr Kakarala, et il ajoute: «Les femmes ayant un risque élevé de cancer du sein peuvent choisir de prendre le tamoxifen ou le raloxifène à des fins de prévention, mais la plupart des femmes ne veulent pas prendre ces médicaments à cause de leur toxicité élevée. Le concept que des éléments qu’on trouve dans les aliments peuvent aider est très attrayant, d’autant plus que la curcumine et la pipérine semblent avoir un très faible potentiel de toxicité.»

La curcumine a un grand nombre d’autres effets dans le corps. Toutefois, une de ses fonctions les plus importantes, est l’habilité de la curcumine d’entraver les signaux de croissance émis par les cellules cancéreuses qui stimulent l’angiogenèse (le développement de nouveaux vaisseaux sanguins dans la tumeur).

Turmeric-curcumine

Référence: www.lef.org/newsletter/2009/1215_Curcumin-Bioperine-Target-Breast-Cancer-Stem-Cells.htm

Note :

Notez que ce texte est une traduction fidèle de l’article de référence. Cet article parle aussi de cinq autres mécanismes anticancer prouvés de la curcumine, tous documentés dans des articles publiés dans des revues scientifiques. Toutefois il était trop long de les inclure ici. Si vous lisez l’anglais, allez à la référence ci-dessus.



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