Magazine Cinéma

Passion - 6/10

Par Aelezig

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Un film de Brian De Palma (2012 - France, Allemagne) avec Rachel McAdams, Noomi Rapace, Karoline Herfurth, Paul Anderson, Rainer Bock

De bric et de broc... un film très inégal.

L'histoire : Christine dirige la branche berlinoise d'une multinationale. Séductrice, autoritaire et ambitieuse, elle vient d'embaucher Isabelle, mais s'arrange pour que le talent de cette dernière ne vienne pas lui porter ombrage et soit porté à son seul crédit. Au début fascinée et déconcertée par sa patronne, Isabelle n'ose pas trop se rebiffer, mais elle va bientôt comprendre qu'elle doit lutter contre une impitoyable manipulatrice...

Mon avis : On a vu De Palma plus inspiré... Sa filmographie ne contient pas que des chefs d'oeuvre, loin de là, on est parfois au bord du kitsch... mais certains films sont vraiment forts (Carrie au bal du diable, Scarface, Outrages, Le bûcher des vanités...). Ici, on a l'impression que le réalisateur ne s'est franchement pas foulé... sa mise en scène est très maladroite, à peine digne d'un film d'étudiant.

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Si l'histoire n'est pas trop mal - thriller à la De Palma, avec des nanas tordues (il n'a pas pu s'empêcher de nous coller une jumelle) -, elle n'a cependant rien de très original. Le personnage principal, manipulatrice cruelle et séductrice fatale, rappelle davantage les hystériques des téléfilms d'après-midi que les grandes femmes fatales du cinéma. Le scénario, de rebondissements en fausses pistes, tient en haleine mais laisse échapper quelques sourires : c'est quand même un peu tiré par les cheveux tout ça !

On sent que De Palma veut nous dire quelque chose avec les caméras qui surveillent tout, et l'utilisation que Christine en fait. Il a déjà traité le thème du voyeur dans sa filmo. Il nous présente là la version contemporaine du phénomène, avec les outils technologiques qui facilitent la tâche. Mais rien de vraiment nouveau sous le soleil : le thème est débattu au moins dix fois par jour dans les JT et magazines.

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La mise en scène, elle, est carrément loupée. D'abord, le film met un temps fou à démarrer ; j'en étais presque à me demander si je n'allais pas zapper quand soudain j'ai été prise par l'escalade des méchancetés de Christine, comprenant qu'on avait affaire à une quasi psychopathe. Il n'empêche que, même par la suite, de nombreuses longueurs, des scènes qui s'éternisent, et des passages inutiles nuisent à la fluidité du film. Et cette histoire de masque ? Il ne sert à rien, on aurait pu aisément s'en passer. Que veut nous dire De Palma ? C'est le masque derrière lequel on cache sa vraie personnalité ! Symbole de l'anonymat (civilisation Internet) qui peut cacher les plus grandes perversités. Cliché et vachement facile ! Ce n'est pas possible que ça soit sa seule interprétation... Ou alors il se fiche de nous, l'ami Brian !

Au beau milieu du film, un très inattendu split screen... allez donc savoir pourquoi. D'autant que la première moitié de l'écran est occupée par deux danseurs qui nous font une petite prestation, jolie mais totalement incongrue ! Rien pigé. 

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Autre erreur : ils nous collent soudain comme procureur un acteur qui ressemble étrangement (même visage émacié, même coiffure, même barbe et même complet gris) au personnage de l'amant, qu'on a longuement vu auparavant. Je n'y comprenais plus rien... Comment Dirk se trouvait-il subitement dans ce bureau en train d'interroger Isabelle ? En faisant comme s'il ne l'avait jamais vue de sa vie. J'ai fini par comprendre qu'il s'agissait bien de deux acteurs différents, donc de deux rôles différents. Quelle idée d'avoir pris exactement le même type d'homme ! Ou alors, y a-t-il un sens caché dans ce choix ?

Et puis l'affiche : on a l'impression, franchement, que c'est l'histoire torride d'un amour entre deux femmes ! Pas du tout. Si Isabelle est au début fascinée par Christine, que celle-ci, bi, lui fait quelques avances et lui arrache un baiser volé... il n'est jamais question d'amour, puisqu'Isabelle refuse et est hétéro.

Musique envahissante... vaguement 70's ! Agaçant.

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Heureusement, il y a la ravissante Rachel McAdams qui donne une vraie crédibilité à son personnage et sauve le film (enfin, elle essaie) à elle toute seule. Elle utilise à merveille son physique angélique pour nous donner une version moderne de la blonde hitchcockienne d'autrefois, bien tordue dans sa tête. Elle est parfaite. Excellente Karoline Herfurth, également ; une découverte. Je n'en dirais pas autant de Noomi Rapace (avec une coupe de cheveux qui ne lui va pas du tout), très décevante, vide d'expression...

Regardable, néanmoins. Petit thriller qui se tient, malgré tous ses défauts. Il s'agit en fait du remake de Crime d'amour, d'Alain Corneau, que je n'ai pas vu.

Les critiques professionnelles me laissent perplexes : "Des louves dangereuses, (...) toutes hyper phalliques et super féminines, dans la lumière brillante du chef op habituel de Pedro Almodóvar. Il est rare qu'un suspense policier spectaculaire et haletant culmine à tel sommet d'équivoque" : Télérama. "Dans "Passion", le cinéma de De Palma finit par se déchaîner : les escaliers s'enroulent, les cauchemars s'emboîtent et la musique de Pino Donaggio devient une reprise ininterrompue de celle de "Pulsion". (...) C'est à ce moment, abandonnant le récit policier pour le fantastique, que les images de Brian De Palma retrouvent leur vraie chair" : Cahiers du Cinéma. "Un pur de Palma avec de l'angoisse, des masques, des doubles, du voyeurisme. Brian de Palma a réussi à brouiller (...) les pistes de ce thriller animé d'un excès de féminité. Les deux actrices débordantes de sensualité sèment le trouble" : Elle. "Passion" frappe par sa modernité, et par la manière malicieuse dont son auteur, comme libéré de ses chaînes, s'abandonne au plaisir de la mise en scène" : Le Monde.

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Selon eux, l'accent est mis sur le jeu érotico-pervers... mais là, franchement, on n'a pas dû voir le même film. Ou alors il existe une version longue avec des scènes de galipettes entre les actrices, car pour moi il n'existe qu'une seule scène un peu "hot" et elle se passe entre Isabelle et Dirk.

Ca je comprends mieux : "Passion" est un concentré sous vide de tout ce qui fait la patte De Palma. Pas un film déplaisant, (...) mais une auto-parodie paresseuse" : Le Nouvel Observateur. "Passion" rassemble toutes les obsessions et tous les tics formels de Brian de Palma. À réserver aux fans" : Les Fiches du Cinéma.

Le public a été beaucoup moins sensible au film et semble juger l'original de Corneau bien meilleur, tant au plan de la réalisation que de l'interprétation. Me reste plus qu'à le voir...


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