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éoliennes : modification des conditions de caducité de l'autorisation d'exploiter ICPE et de prorogation des autorisations d'urbanisme

Publié le 05 mai 2014 par Arnaudgossement

eolienne.jpgLe Ministère de l'écologie vient de publier au journal officiel le décret n° 2014-450 du 2 mai 2014 relatif à l'expérimentation d'une autorisation unique en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement. Ce texte ne comporte pas que des dispositions relatives à cette expérimentation du permis unique mais également un article 45 qui modifie le régime de la caducité des autorisations d'exploiter ICPE et des autorisations d'urbanisme pour l'éolien.  


I. La réforme du régime de caducité de l'autorisation ICPE pour l'éolien

Pour mémoire, conformément aux dispositions de l'article R.512-74 du code de l'environnement, l'autorisation d'exploiter une ICPE (en général) est susceptible :

  • soit d'être frappée de caducité, lorsque l'installation n'a pas été mise en service dans un délai de trois ans ;
  • soit d'être frappée de péremption lorsque l'exploitation de l'installation a été interrompue pendant plus de deux années consécutives.

Toutefois, s'agissant du délai de caducité, l'article R.512-74 du code de l'environnement précise que le délai de mise en service de trois ans est susceptible d'être suspendu dans des cas bien précis : 

"L'arrêté d'autorisation, l'arrêté d'enregistrement ou la déclaration cesse de produire effet lorsque, sauf cas de force majeure, l'installation n'a pas été mise en service dans le délai de trois ans ou lorsque l'exploitation a été interrompue pendant plus de deux années consécutives.

Le délai de mise en service est suspendu jusqu'à la notification à l'auteur de la décision administrative ou à l'exploitant, dans les deux premières hypothèses, d'une décision devenue définitive ou, dans la troisième, irrévocable en cas de :

1° Recours devant la juridiction administrative contre l'arrêté d'autorisation, l'arrêté d'enregistrement ou la déclaration ;

2° Recours devant la juridiction administrative contre le permis de construire ayant fait l'objet d'un dépôt de demande simultané conformément au premier alinéa de l'article L. 512-15 ;

3° Recours devant un tribunal de l'ordre judiciaire, en application de l'article L. 480-13 du code de l'urbanisme, contre le permis de construire ayant fait l'objet d'un dépôt de demande simultané conformément au premier alinéa de l'article L. 512-15 du présent code."

La règle de caducité de l'autorisation ICPE est régulièrement critiquée. Elle présente des avantages et des inconvénients.

S'agissant des avantages, cette règle - qu'il convient d'associer à la règle de caducité de l'enquête publique - permet de garantir qu'un exploitant qui n'a pas de véritable projet industriel à court terme ne va pas occuper un site dans le seul but de le soustraire à l'activité d'un concurrent. Elle garantit également que les informations présentées à l'administration et au public ne vieilliront pas trop avant la mise en service de l'installation.

S'agissant des inconvénients, des exploitants de bonne foi, confrontés à des évènements tout à fait extérieurs à leur volonté, sont pourtant confrontés à la caducité de leur autorisation ICPE et ainsi contraints à reprendre leur projet à zéro ou d’affronter un risque juridique important.

La création d'un régime particulier de prorogation du délai de mise en service pour les éoliennes

Aux termes de l'article 45 du décret n°2014-450 du 2 mai 2014, le délai de mise en service - et donc de caducité - de l'autorisation ICPE délivrée pour une éolienne passe de trois à dix ans :

"I. ― Après l'article R. 553-9 du code de l'environnement, il est inséré une section 4 ainsi rédigée:

« Section 4

« Caducité

« Art. R. 553-10. ― Le délai mentionné au premier alinéa de l'article R. 512-74 peut être prorogé dans la limite d'un délai total de dix ans, incluant le délai initial de trois ans, par le représentant de l'Etat dans le département, sur demande de l'exploitant, en l'absence de changement substantiel de circonstances de fait et de droit ayant fondé l'autorisation, lorsque, pour des raisons indépendantes de sa volonté, l'exploitant n'a pu mettre en service son installation dans ce délai, le cas échéant après prorogation de l'enquête publique en application de l'article R. 123-24.
« La prorogation de l'enquête publique mentionnée à l'alinéa précédent est acquise si aucune décision n'a été adressée à l'exploitant dans le délai de deux mois à compter de la date de l'avis de réception par le représentant de l'Etat dans le département. »

Cet article, qui ne vaut que pour l'éolien, comporte donc deux dispositions.

  • d'une part, il organise la prorogation du délai de mise en service de l'ICPE et donc de caducité de l'autorisation délivrée ;
  • d'autre part, il organise la prorogation du délai de validité de l'enquête publique, défini à l'article R.123-24 du code de l'environnement.

S'agissant de la prorogation du délai de mise en service de l'ICPE, l'intérêt de cet article R.553-10 est double

  • d'une part, le délai de mise en service passe de 3 à 10 ans,
  • d'autre part, les motifs de prorogation sont plus nombreux. L'introduction d'un recours (outre le cas de force majeure) n'est plus le seul motif de prorogation.

Toutefois, dans la mesure du possible, l'exploitant aura sans doute intérêt à ce que le délai de mise en service ne soit pas "trop" prorogé pour éviter un vieillissement de son dossier.

La procédure de prorogation du délai de mise en service de l'autorisation ICPE

La prorogation du délai de trois ans n'est pas automatique. Elle suppose, aux termes du nouvel article R.553-10 du code de l'environnement, l'engagement d'une procédure administrative spécifique.

1. La prorogation du délai de mise en service de l'autorisation ICPE éolienne pour prévenir sa caducité doit être organisée après prorogation - lorsque celle-ci est nécessaire - du délai de validité de l'enquête publique.

2. La prorogation du délai de mise en service de l'autorisation ICPE éolienne doit être demandée par l'exploitant.

3. La demande de prorogation sera instruite par le Préfet de département. A noter : le Préfet "peut" accepter et donc peut aussi refuser la demande de prorogation. Il n'est pas en situation de compétence liée.

4. Le demandeur d'une prorogation devra satisfaire aux deux conditions suivantes :

  • d'une part, il devra démontrer "l'absence de changement substantiel de circonstances de fait et de droit ayant fondé l'autorisation",
  • d'autre part, il devra démontrer l'existence de"raisons indépendantes de sa volonté"

5. Le demandeur devra veiller à demander également et éventuellement la prorogation de l'autorisation d'urbanisme requise, au titre de l'article R.424-21 du code de l'urbanisme.

Il va de soi que ces deux conditions sont susceptibles d'interprétation. Dans une hypothèse pessimiste, rien ne devrait s'opposer à ce qu'un éventuel refus de prorogation soit l'objet d'un recours en annulation devant le Juge administratif. 

Autre difficulté : le décret n'encadre par aucun délai l'instruction préfectorale de la demande de prorogation.

II. La réforme du régime de prorogation des autorisations d'urbanisme pour l'éolien

Pour mémoire, l'article R.424-21 du code de l'urbanisme précise :

"Le permis de construire, d'aménager ou de démolir ou la décision de non-opposition à une déclaration préalable peut être prorogé pour une année, sur demande de son bénéficiaire si les prescriptions d'urbanisme et les servitudes administratives de tous ordres auxquelles est soumis le projet n'ont pas évolué de façon défavorable à son égard."

Aux termes de cet article, une autorisation d'urbanisme peut être prorogée d'une année à la demande de son bénéficiaire qui ne parvient pas à exécuter plus rapidement l'autorisation délivrée à la condition suivante : "si les prescriptions d'urbanisme et les servitudes administratives de tous ordres auxquelles est soumis le projet n'ont pas évolué de façon défavorable à son égard"

Le décret n°2014-450 du 2 mai 2014 modifie considérablement le régime de la prorogation des autorisations d'urbanisme pour l'éolien : le délai de prorogation passe ainsi de un à dix ans, sous réserve d'une condition procédurale.

L'article 45 du décret n°2011-450 du 2 mai 2014 dispose en effet :

"II. - L'article R.424-21 du code de l'urbanisme est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Pour les installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent, la demande de prorogation mentionnée au premier alinéa peut être présentée, tous les ans, dans la limite de dix ans à compter de la délivrance de l'autorisation, le cas échéant après prorogation de l'enquête publique en application de l'article R. 123-24 du code de l'environnement.
« La prorogation de l'enquête publique mentionnée à l'alinéa précédent est acquise si aucune décision n'a été adressée à l'exploitant dans le délai de deux mois à compter de la date de l'avis de réception par le représentant de l'Etat dans le département. »
III. - Les dispositions des I et II s'appliquent aux autorisations et aux permis de construire en cours de validité à la date d'entrée en vigueur du présent décret."

Il convient de souligner qu'à la différence du régime mis en place pour l'autorisation d'exploiter ICPE, la prorogation du délai de validité de l'autorisation d'urbanisme pour l'éolienne, ne suppose qu'une simple demande, renouvelée tous les ans. Reste cependant à respecter la condition définie au premier alinéa de cet article R.424-21 du code de l'urbanisme. Le demandeur devra démontrer que les "prescriptions d'urbanisme et les servitudes administratives de tous ordres auxquelles est soumis le projet n'ont pas évolué de façon défavorable à son égard"

A noter : toutes les autorisation (ICPE et urbanisme) en cours de validité à la date de publication du décret peuvent bénéficier de ce nouveau régime.

Conclusion

Voici une "double" réforme qui va soulager nombre de développeurs et exploitants de parcs éoliens qui sont confrontés au risque de caducité de l'autorisation d'exploiter ICPE qui leur a été délivrée mais qui ne peut être exécutée tant que les travaux de raccordement au réseau de distribution d'électricité n'ont pas été réalisés.

Une réforme qui démontre à son tour le caractère inadapté de la police des ICPE à l'activité de production d'énergie éolienne et la nécessité, au fil des textes, de créer une "police dans la police", soit un régime dérogatoire pour les éoliennes à l'intérieur de la police ICPE.

Une réforme qui constitue donc une bonne réponse à un vrai problème. Mais qui comporte aussi des inconvénients.

Le premier inconvénient tient à la création d'un énième régime dérogatoire au sein de la police ICPE. Il s'agit là d'une tendance particulièrement regrettable du droit en général : la multiplication des lois particulières que Portalis avait tant raison de dénoncer dans sa célèbre présentation du projet de code civil. Qu'il s'agisse du contentieux de l'urbanisme ou de la police des ICPE : des dispositions spécifiques, des mesures dérogatoires ou des exceptions se multiplient. Avec pour conséquence, une complication du droit.

Le deuxième inconvénient tient à ce que cette réforme suppose l'engagement et le respect d'une procédure administrative qui peut générer à son tour sa propre complexité. De deux procédures administratives en réalité : l'une relative à la caducité de l'autorisation ICPE, l'autre relative à la caducité de l'autorisation d'urbanisme. Il conviendra, non seulement de s'assurer du respect de chacun de ces deux procédures mais également de leur bonne articulation.

Arnaud Gossement / associé

Selarl Gossement avocats


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