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My Generation

Publié le 06 mai 2014 par Euphonies @euphoniesleblog

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Therapy? Troublegum (20ème anniversaire)

J’ai été ado. C’est à dire qu’aujourd’hui, à 36 ans passés, je reconnais avoir été jeune, malléable, influençable. Con, intransigeant, nourri de certitudes. Moi aussi j’ai réagi à outrance, considéré que le monde ne valait rien, que la première femme serait la seule. Romantique en catogan, j’écrivais de mauvais vers sur des tables en formica. Je souffrais de l’inadéquation. Je me sentais différent, incompris. J’étais semblable et considéré. Je pensais qu’après moi le déluge. Quelle blague...

Cependant, je retiens de cette période une petite capsule nostalgique d’évidence, de liberté. J’habitais à 10mn du lycée et tous les matins j’affrontais la journée à venir en écoutant Troublegum de Therapy ? De 7h45 à 7h55, le walkman en poche, je pédalais la rage au ventre et l’esprit conquérant. Du lundi au vendredi, je rechargeais mes batteries en épuisant mes piles. (toi le jeune qui me lit, arrête de sourire en coin, oui j’ai bien dit vélo, walkman, et piles.)

Grâce au trio Irlandais, je découvrais un univers noir, torturé, des textes pessimistes, anxieux, résignés. Grâce à Troublegum je révisais mes catégories : pas totalement métal, pas tout à fait pop, pas complétement punk, résolument rock. Un rock immédiat, incisif, d’une classe folle, jamais grandiloquent et qui va à l’essentiel de l’os mélodique parce qu’il y a urgence. Grâce à Therapy ? j’apprenais que l’on peut mêler des riffs géniaux, un discours sombre et introspectif, une esthétique moderne débarrassée des oripeaux grand guignolesque du genre. L’album frondeur, le premier opus qui allait me convaincre de comprendre la langue de la Perfide Albion. Que veut dire Awkward ? Que signifie In Purpose ?

Et puis vous en connaissez beaucoup des chansons (l’irresistible Femtex) qui commencent par « Masturbation saved my life » et qui se terminent par un court chœur féminin proclamant  « Femination (I'm just with you, that will never mean that I'm just for you) » ? Ici pas de baby I love you, ni de happy forever : Troublegum est une complainte désenchantée qui analyse le mal-être sans maquillage, les angoisses d’une génération pré-internet où l’on calme sa douleur par l’onanisme, la religion (beaucoup), les relations mal foutues. Ici pas le temps de tergiverser, tout est dit en 3mns sur fond de batterie martiale, de cri primal, d’angoisse existentielle. Si l’album semble structuré comme une purge vers la lumière (en témoigne le morceau caché final You are my sunshine qui semble redresser la barre) les quatorze morceaux qui précèdent vomissent à l'image de la pochette la rancœur et la frustration. Knives hurle le désespoir absolu, enchainé parfaitement avec sans doute le morceau le plus puissant de l’album, Screamager, ou l’art de saisir en 2’’30 le sentiment haineux du laissé pour compte. Troublegum déroule alors génialement des variations sur le même thème, avec ce sens de la mélodie et du tube qui font les albums rares, inspirés. Nos radios françaises de l’époque ne retiendront sans doute que Going Nowhere, véritable manifeste d’une génération perdue, tube de l’année 94.

Pourquoi donc reparler de cet album en 2014 ? D’abord parce que nous en fêtons les 20 ans. Et que les grands manitous de l’industrie du disque viennent de ressortir Troublegum, mais aussi Infernal Love ( le successeur difficile mais réussi) en édition Deluxe.

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Et qu’il est bon de se replonger dans ce marasme rock, complété d’inédits, de live et de demos que j’avais récupérés religieusement à l’époque. Therapy ? mine de rien, fils de Joy Division et Black Sabbath, m’a conduit vers Eels ou Interpol. Et je leur devais bien un petit hommage ici. 

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