Godzilla : Nouvelle version de la célèbre légende du cinéma japonais, le Godzilla de Gareth Edwards arrive à surprendre constamment et sur tous les domaines. Avec sérieux et respect, le film renoue avec la saga populaire créée dans les années 50 en proposant un spectacle intelligent ancrant son récit dans une certaine modernité en tenant compte des récents traumas vécus par son pays d'origine. Il est toutefois à noter que s'il joue avec subtilité sur les attentes des spectateurs, ceux-ci pourront peut-être se sentir frustrés devant un divertissement parfois chiche en action.
Si la grande révélation du scénario a souvent été éventée au cours de la promo - cela n'en sera certainement pas une pour les amateurs de la saga japonaise - on préférera tout de même éviter de rentrer dans les détails et rester évasif sur le déroulement du film. Mais sait-on jamais, il peut y avoir un ou deux spoilers dans le texte qui suit, donc autant vous prévenir de suite.
Aux antipodes de l'autre Kaiju Eiga, Pacific Rim, distribué également par la Warner l'année dernière, le Godzilla de Gareth Edwards cherche à renouer avec la tradition des premiers films de la célèbre saga en plongeant son récit dans un univers contemporain encore marqué par les événements à Fukushima (jamais cité mais hantant de bout en bout le long-métrage). Ici, aucune intention de proposer un divertissement coloré et immédiatement jouissif comme le faisait le chef d'œuvre de Guillermo Del Toro, mais une volonté d'éviter toute forme de légèreté et d'humour au profit d'un spectacle relativement désespéré dans lequel - contrairement encore une fois à Pacific Rim - l'Homme n'a pas sa place. Godzilla redevient, après avoir été perçu par la majorité du public occidental comme un animal géant presqu'inoffensif dans la version d’Emmerich, une sorte d'entité divine dont la fonction ici est de maintenir un certain équilibre dans la Nature, souvent rompu par la folie destructrice des hommes (la Science contre la Nature, donc…).
Autant dire que l'on ne rit pas beaucoup devant ce reboot qui prend l'histoire avec sérieux, tentant de mettre en avant les relations entre ses personnages au cœur d'une intrigue qui n'en aurait apparemment pas besoin étant donné leur incapacité à gérer la menace qui plane sur eux. Certains spectateurs risquent de ce fait de se sentir légèrement frustrés en sortant de la salle de cinéma, tant le réalisateur préfère jouer avec leurs attentes et leur envie de découvrir une bestiole dont les apparitions (absolument parfaites en terme de mise en scène et d'effets visuels) se comptent sur les doigts de la main. Car s'il y a bien un petit reproche que l'on pourrait faire à ce Godzilla, c'est de ne pas être réellement centré sur la créature donnant son titre au film. Pourtant, c'est de cette frustration que provient également la plus grande qualité du film, à savoir sa gestion du suspens. En effet, en dévoilant peu à peu l'apparence du monstre ou en coupant systématiquement l'action dès qu'elle commence à devenir captivante (ah cette baston uniquement vécue à travers les images de la télévision !), Gareth Edwards maintient en haleine un public trop habitué à tout voir tout de suite. Au moins la - très efficace - campagne promo n'aura pas trop dévoilé le design général du Kaiju, assez impressionnant. Le film a une approche souvent similaire à celle de l'excellent Le Règne Du Feu, en tentant de ménager ses effets pour éviter toute lassitude et continuer à maintenir l'attention jusqu'au bout dans un final plus généreux en terme d'action. En fait, il y a presque du Spielberg dans ce film qui multiplie les citations et les références à Jurassic Park, Rencontres Du Troisième Type (pour l'aspect bavard scientifique et l'émerveillement) et bien évidemment à Jaws (la famille du personnage principal s'appelle également Brody ...). Malheureusement, contrairement à ces classiques, le film ne parvient pas totalement à nous faire adhérer aux personnages principaux, manquant un peu d'épaisseur ou n'arrivant pas vraiment à se démarquer. Leur caractérisation est correcte, leur interprétation par des acteurs au charisme évident est parfaite (Ken Watanabe a énormément de classe) mais la sauce ne prend pas tout le temps (d'autant que le récit est divisé en parties assez inégales).
Pourtant Gareth Edwards fait tout pour les développer, pour leur donner de la profondeur, et cherche constamment à s'éloigner des clichés propres à ces héros « type » (le scientifique, le militaire…). Reste que l'arc narratif de certains personnages n'arrive pas systématiquement à convaincre. On se retrouve souvent à se demander quels sont les enjeux, et que cherche à nous raconter réellement le film. Néanmoins, on retiendra de ce Godzilla son ambition de recréer la dimension mythologique d'un kaiju souvent ridiculisé ou perçu comme ringard dans l'inconscient collectif d'un public occidental peu concerné par la saga, avec de sympathiques clins d'œil (Mothra) qui mettent l'eau à la bouche pour une éventuelle suite. Godzilla s'impose de nouveau - un peu à défaut tant le film aurait pu être bien meilleur - en tant que symbole d'une force de la Nature que l'on a malgré nous réveillé. Il est de nouveau venu rééquilibrer la balance, et par la même restaurer un peu de son aura cinématographique.
Titre original
Godzilla
Réalisation
Gareth Edwards
Date de sortie
14 mai 2014 avec Warner
Scénario
David S. Goyer, Max Borenstein, Dave Callaham, Drew Pearce & Frank Darabont
Distribution
Aaron Taylor-Johnson, Ken Watanabe, Bryan Cranston & Elizabeth Olsen
Photographie
Seamus McGarvey
Musique
Alexandre Desplat
Support & durée
35 mm en 2.35 :1/123 min
Synopsis : Godzilla tente de rétablir la paix sur Terre, tandis que les forces de la nature se déchaînent et que l'humanité semble impuissante...