« Cible nocturne »
PIGLIA Ricardo
(Gallimard)
Polar en trompe l’oeil. Polar puisque le roman se construit autour de la tentative d’élucidation d’un meurtre. Le meurtre d’un ressortissant américain, né à Porto-Rico, dont il est légitime de se demander ce qu’il est venu faire dans un bled perdu de la Pampa argentine. D’autant plus légitime que cet étrange visiteur trimballait avec lui une mallette remplie de dollars. Le flic du bled enquête jusqu’à se rapprocher de la vérité. Tant et si bien que la justice lui met des bâtons de les roues. Tout cela sous les yeux d’un journaliste yankee qui s’insinue dans les rouages de l’enquête. Ce qui le conduit à lier connaissance avec une vieille famille du cru, celle-là même qui étendit au cours du siècle (et sous tous les régimes politiques) son emprise sur la région. Une famille dont la décadence se précipite. Bien que le vieux père paraplégique continuât à en tenir les rênes.
Donc un polar en trompe l’œil. Tant il paraît très vite évident que l’enquête est accessoire, voire même marginale. Le roman se construit sur une mise en lumière des rapports sociaux dans un pays qui, lors de l’affaire, n’en a pas fini avec ses dictateurs. Un roman dont la couleur dominante est le noir. Une sorte d’œuvre à la Soulages, qui exige le temps de l’observation pour qu’apparaissent les réalités cachées : la corruption, la drogue, la violence, le renoncement, la trahison. Un roman d’une « texture » originale.
(L’honorable Maison Gallimard affiche son mépris à l’égard tant de l’Auteur que du Lecteur. Son correcteur a laissé, page 252, une série de grossières fautes d’accord de participes passés. Ce qui est tout bonnement indigne d’un établissement qui publia entre autres Sartre et Camus, ainsi que Céline, vieille canaille antisémite.)