Turn│l’espionnage en 1776

Bienvenue en 1776, aube de la guerre d’indépendance des Etats-Unis qui s’acheva en 1789. Dans Turn, nous suivons Abraham Woodhull (incarné par Jamie Bell), recruté malgré lui par des amis d’enfance pour former avec eux un groupe d’espions (historiquement parlant : The Culper Ring), qui inversera le cours de l’histoire des États-Unis dans son combat pour l’indépendance…

Si l’espionnage en tant que tel existe depuis l’antiquité, et demeure encore aujourd’hui un sujet d’actualité. Il est également un sujet qui intéresse et qui a donné lieu à de nombreuses exploitations télévisées (24H Chrono, Chuck, The Americans, Homeland). Mais jamais le thème de l’espionnage ne fut abordé « historiquement parlant », se contentant toujours de placer ce sujet dans une époque contemporaine (post guerre froide), et par conséquent proche de la nôtre.

Turn prend donc ce mouvement à contre-pied, en nous décrivant l’histoire de ce qui se veut  »le premier espion américain ». Dressant ainsi un nouveau point de vue sur l’espionnage d’époque mais également sur la traditionnel histoire américaine. L’ensemble se voulant extrêmement charmant notamment grâce à sa reconstruction fidèle. En une heure, le pilote réussit à poser les bases de l’intrigue qui annonce son lot de rebondissements et de tensions basés sur l’espionnage et le contre-espionnage dans une Amérique en pleine guerre fraternelle avec les Anglais.

Néanmoins, Turn n’est pas une série facile. Au départ, une certaine difficulté à suivre certains dialogues se fait ressentir. Mais cet aspect s’éclaircit (et se veut alors appréciable) du fait que rien n’est expliqué (ce qui aurait été rébarbatif). Ici, nous sommes jetés directement au coeur de cette histoire. Un peu de patience et le résultat en vaut la chandelle, l’intrigue devenant au fil de l’avancement de plus en plus claire et convaincante. Cependant, pour apprécier ce spectacle de manière plus propice, une bonne connaissance de la Guerre d’Indépendance des États-Unis n’est pas négligeable afin d’en absorber toutes les subtilités de la série.

Turn incorpore ainsi parfaitement l’ambiguité entre loyauté, trahison et patriotisme, sentiments qui furent présent pendant la révolution. En effet, ceux qui choisirent leurs camps, ne choisissaient pas forcément le côté « le plus juste » selon leurs propres convictions personnelles. Cet aspect permet donc d’éviter le cliché du héros dans l’âme, déjà prêt à combattre pour son destin. Au départ Abraham qui n’avait rien demandé à personne, ne devient un héros que par la force des choses. Rhétorique qui s’avère bien plus rafraîchissante, car non seulement elle balaie l’aspect unidimensionnel du héros classique mais également elle s’intéresse avant tout à la vie quotidienne des citoyens tentant de négocier leurs vies pendant cette période turbulente de l’histoire.

Car dans Turn, il n’y a pas de réel méchant dans l’équation. Il est tout à fait possible d’avoir un argument valide et légitime en faveur du maintient de l’allégeance à la Couronne, que la légitimité d’indépendance. Il en devient donc fascinant de regarder ces allégeances politiques jouer dans ce contexte de relations  »personnelles », ayant un impact sur des amitiés, des relations romantiques, même familiales.

Turn nous plonge de manière réaliste dans cette Amérique des années 1780 : sale et brutale et où la séparation entre Tory et Patriot (Anglais et Américains) se fait de plus en plus oppressante. Malgré quelques imprécisions, et une cartographie qui peut parfois faire perdre la tête, la série est à coup sur l’une des meilleures nouveautés de 2014. L’angle d’espionnage ajoute un côté intriguant, se veut parfaitement intégré à l’histoire et on s’y accroche dès le départ. Le jeu d’acteur, la photographie ainsi que le réalisation est comme si souvent avec AMC d’une grande qualité. Après Mad Men, Breaking Bad et The Walking Dead, on peut citer Turn comme le nouveau bijou la chaîne câblée AMC.