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« Le Roman de l’Euro » sur France 2 : Une critique

Publié le 20 mai 2014 par Vindex @BloggActualite

« Le Roman de l’Euro » sur France 2 : Une critique

-L'Euro en 2002 provoque l'enthousiasme. Quelques années après, c'est le cauchemar. Pourquoi ?-


Faisons une petite parenthèse dans la présentation des candidats pour les européennes afin de se concentrer sur un thème important pour cette campagne : l’euro. Il n’a pas échappé au lecteur régulier de notre blog que ce sujet nous importe beaucoup depuis 2011. En témoigne le nombre non négligeable d’articles que nous y avons consacré. Au risque peut-être de lasser les lecteurs, je souhaite toutefois y revenir à l’occasion de l’émission de télévision de jeudi 15 mai dernier sur la monnaie unique et son histoire diffusée par France 2. Bien que ce film chevauche un débat entre les 5 principaux candidats à la présidence de la Commission Européenne, il est toutefois le bienvenu pour qu’a minima les citoyens aient une vision d’ensemble sur la monnaie unique allant au-delà des différentes brèves de passage au cours des différentes crises de celle-ci. De même, on ne dira jamais assez que la monnaie unique est le symbole de la construction européenne actuelle. Ceux qui y sont hostiles sont bien souvent contre l’euro et ceux qui souhaitent conserver notre monnaie veulent « plus d’Europe ». Aussi, le nom actuel d’Union Européenne provient du même traité qui a instauré la monnaie unique, même s’il faut rajouter que tous les pays actuellement membres de l’UE n’ont pas adopté l’euro. L’euro constitue un des grands éléments souveraineté de l’Etat qui a été transféré à l’échelon européen. Bref, parler de l’euro est crucial dans le contexte actuel de campagne électorale pour les Européennes.
C’est donc avec un intérêt mêlé de curiosité que j’ai suivi ce documentaire. Quelle vision nos médias vont nous proposer de la monnaie unique ? Est-ce l’occasion d’un catéchisme européiste ou d’un véritable débat ? Quelle part pour l’économie et pour le politique ? Je n’ai pas tardé à recevoir des réponses à ces questions. Dans cet article, j’exposerai déjà un résumé de cette histoire en 5 actes avant de faire quelques remarques sur ce film puis de relayer certaines autres critiques ayant été faites.

L’Euro : une pièce de théâtre en 5 actes


Avant de dérouler la thèse du film, il faut d’abord en présenter la construction. Il s’agit d’un documentaire : les images d’archives sont donc mêlées aux interventions de spécialistes mais surtout d’acteurs ayant participé à la construction puis à l’histoire de la monnaie unique (Elisabeth Guigou, Dominique Strauss Kahn, François Fillon, Jean-Pierre Raffarin, José Luis Zapatero, John Major entre autres). Chaque acte se termine par un échange entre David Pujadas et Daniel Cohen qui font une petite conclusion de l’acte. On y voit bien la volonté pédagogique qui ressort parfois pendant les périodes d’élections. Le film fut suivi d’un débat entre 5 économistes incarnant chacun une position vis-à-vis de l’euro.
Acte 1
Tout commence par des images de la chute du mur de Berlin le 9 Novembre 1989. La joie de ces images se mêle à l’importance de l’évènement pour la géopolitique de l’époque. Cela engage le processus de réunification au niveau allemand et le processus de chute du bloc communiste, amenant à la fin de la guerre froide. Mais au niveau européen aussi, cet événement est déclencheur : il oriente la construction européenne alors engagée depuis les années 1950. Il faut dire que la question allemande interroge : jamais l’Allemagne ne fut unifiée au sein de la construction européenne. On redoute ainsi en France et en Angleterre une Allemagne réunifiée qui retrouvait toute sa puissance économique et tout son poids politique, notamment au sein de l’Europe. Le président François Mitterrand souhaite lui arrimer l’Allemagne à l’Europe pour limiter la puissance allemande et faire pour qu’elle joue pour les intérêts européens avant les siens. C’est par une Union Monétaire et une Monnaie Unique que l’on pourrait y arriver selon lui. Un tel projet existe déjà depuis plusieurs décennies et fut notamment étudié par Jacques Delors, le président de la Commission Européenne. Le problème est que Margaret Thatcher, premier ministre britannique, y est totalement hostile et qu’Helmut Kohl pense avant tout à la réunification de son pays. De même, les allemands sont très attachés à leur monnaie, le mark, qu’ils ne veulent pas sacrifier et qui est le symbole de leur réussite. Les premières négociations autour de la monnaie unique commencent au sommet de Strasbourg mais se soldent par un échec notamment du fait du refus du Royaume-Uni, attachés à leur livre. Dans ce contexte, François Mitterrand décide donc de mettre l’Allemagne sous pression le 20 décembre 1989 lors de sa visite à Berlin est. Il rappelle en effet aux allemands que les forces occupantes (Etats-Unis, Royaume-Uni, France, URSS) doivent exprimer leur accord pour que la réunification ait bien lieu. Prise comme une ingérence par le peuple allemand, cette pression est néanmoins efficace puisque de nouvelles négociations ont lieu à Maastricht.
Acte 2
 Le 9 décembre 1991 commencent donc de nouvelles négociations pour préparer l’Union Monétaire. Bien qu’ayant changé de premier ministre, les britanniques sont à nouveau un obstacle pendant les négociations avec John Major qui revendique l’indépendance monétaire pour son pays et souhaite un statut particulier permettant le Royaume-Uni de rejoindre l’euro si bon lui semble. De même les Allemands se méfient de la gestion monétaire des français qui sont des habitués de la dévaluation. Il faut dire qu’un temps le mark fut la plus forte du monde. Son taux est à lui seul le symbole de la peur-panique des allemands à l’égard de l’inflation qu’ils ont vécu sous sa forme la plus extrême au tout début des années 1920 et qui a contribué à la montée du Parti Nazi. C’est pour cela qu’Helmut Kohl veut faire de l’euro une copie du mark et de la Banque Centrale Europe une copie de la Buba (BundesBank). Toutes ces conditions sont acceptées et assorties des fameux critères de convergence. Chaque pays voulant rejoindre la zone monétaire devra avoir une dette publique inférieure à 60 pour cent de son PIB et un déficit public inférieur à 3 pour cent de son PIB. La date de naissance de l’euro est fixée au 1er janvier 1999 et sa mise en circulation commencera le 1erjanvier 2002. Malgré l’optimisme de François Mitterrand, il demeure un problème : il n’existe pas de mécanisme de coordination ni de stabilité pour cette zone qui n’est pas économiquement uniforme.
Cependant, ce n’est pas le soucis premier du président François qui souhaite donner à sa décision une légitimité par référendum. Dans sou entourage, le souci démocratique ne fait pas autant l’unanimité mais c’est bien la voie référendaire qui est engagée pour valider le traité de Maastricht. Si les premiers sondages donnent le OUI facilement vainqueurs, cela ne dure qu’un temps puisque le camp du NON se rassemble très vite. Le débat sur Maastricht devient vite polémique et déchire même les grands partis. A droite, le RPR de Chirac est pour quand celui de Philippe Séguin est contre. Il rallie également Charles Pasqua et Philippe De Villiers sous le slogan « Liberté je chéris ton non ». Au PS, c’est Jean Pierre Chevènement qui se prononce contre l’euro. Le PCF et le Front National se prononcent également contre. Les sondages se resserrent donc et c’est Elisabeth Guigou qui doit mener campagne pour le OUI. Le pouvoir réalise même un clip en faveur de la monnaie unique. Devant l’avance du NON, François Mitterrand décide finalement de mettre son poids dans la balance et de participer (malgré sa maladie) à un débat télévisé face à Philippe Séguin. Au final, le 20 septembre 1992 voit la courte victoire du OUI à 51,04 pour cent. Par la suite, le Danemark a lui rejeté le Traité. Mais 10 pays adoptent l’euro et forment une nouvelle institution « l’eurogroupe ».
Acte 3
Le 1er Janvier 2002, presque 10 ans après, l’euro entre en circulation. Des scènes d’euphorie au cours de ce nouvel an font croire en une époque nouvelle, une économie sans crise. L’euro est la deuxième la plus utilisée au monde. On pense détrôner le dollar, on croit au plein-emploi et à la croissance. Cependant, on déchante vite en France. Dès 2003, la France, deuxième économie de la zone euro, a du mal à respecter les critères de convergence du fait voulant conserver son système social. Elle risque donc des sanctions de la part de la Commission Européenne. Le gouvernement Raffarin pendant le second mandat de Jacques Chirac ne veut pas d’une « Europe qui vient vous juger ou vous sanctionner » alors même que l’euro fut accepté et qu’ils sont pour l’Union Européenne. Dans le même temps, l’Allemagne également est en difficulté : le chancelier Schröder réforme l’économie Allemande et affronte de grandes grèves. C’est en ce début des années 2000 que se forge le fameux « modèle Allemand ». L’austérité est menée pour éviter également des sanctions car l’Allemagne aussi est menacée. L’Allemagne met en place un maillage industriel s’appuyant sur des délocalisations dans les pays de l’est (qui n’ont pas l’euro et où la main-d’œuvre est moins chère) et sur une haute valeur ajoutée conservée en Allemagne. C’est donc les circonstances qui poussent Allemands et Français à s’allier contre la Commission Européenne. Les sanctions sont suspendues. Pourquoi faudrait-il respecter les critères de convergence dès lors que les principales économies s’en sont émancipées ? Et c’est dans le même temps que les choses dérapent. Paradoxalement, l’Allemagne laisse faire une politique monétaire relativement souple car celui lui permet de compenser ses réformes intérieures draconiennes. Les pays du sud en profitent donc pour se développer mais des taux d’intérêts bas provoquent souvent une mauvaise allocution du capital. L’Espagne et la Grèce (cette dernière a réussi a rentrer dans l’euro malgré tout) commencent à s’endetter de manière dangereuse pour des projets économiques peu efficaces. Les Jeux Olympiques d’Athènes 2004 sont un vrai gouffre pour la Grèce. Des divergences s’installent entre les économies malgré le « miracle » qui est plutôt un mirage.
Acte 4
En 2009, le socialiste Georgios Papandréou arrive au pouvoir en Grèce. L’optimisme est à l’ordre du jour, mais pas pour longtemps. La réalité rattrape en effet les Grecs qui ont en fait triché sur leurs comptes. Le déficit est de 12,7 pour cent du PIB, largement au dessus des 3 pour cent. L’Union Européenne est alors en proie à une querelle interne sur l’intervention en Grèce. Nicolas Sarkozy, président de la République Française, souhaite une intervention de l’Union Européenne quand Angela Merkel, chancelière Allemande, souhaite une intervention du Fond Monétaire International. Elle évoque même la possibilité de renvoyer un pays de la zone euro le 10 mars 2010. Les taux d’intérêts explosent littéralement pour la Grèce. Un premier plan d’aide de 110 milliards d’euro est voté : 1/3 est assuré par le FMI et 2/3 par les Etats de la Zone euro. Mais en échange de l’aide, la Grèce doit mener une cure d’austérité qui la fait rentrer dans un embrasement social sans précédent. Puis c’est la contagion, l’Union Européenne doit vite réagir ailleurs : Portugal, Espagne, Italie, Irlande. On prend enfin conscience de la nécessité d’une structure. On créé alors le Fond Européen de Stabilité Financière, doté de 750 milliards d’euro. L’Allemagne finit donc par céder et accorde l’aide, mais reste ambiguë. Elle souhaite même mettre en place des sanctions automatiques à l’avenir. Plus tard, les marchés toujours instables convulsent de nouveau lorsque les autres pays ont besoin d’aide. En octobre 2011, on dote même le FESF de 1 000 milliards d’euro et la Grèce fait en partie défaut. Cependant, à la surprise générale, Papandréou souhaite soumettre les plans d’austérité à un référendum. C’est à ce moment qu’une sortie de l’euro est même préparée et évoquée chez les dirigeants des différents pays. Pour éviter cela, la question du référendum est imposée : pour ou contre l’euro. Le dirigeant grec doit donc se rétracter et finit par être remplacé par Lukas Papademos. C’est la même histoire pour Silvio Berlusconi, remplacé par Mario Monti en Italie.
Acte 5
En Grèce, plusieurs plans d’austérité et d’aide ont été mis en œuvre, au prix d’une crise sociale et politique (avec notamment la montée du parti néo-nazi Aube dorée). De la même manière, les indignés défilent en Espagne, Bepe Grillo et son discours eurosceptique fait des émules en Italie. La germanophobie est à son comble, on compare volontiers Angela Merkel à Adolf Hitler. Dans ce contexte, une nouvelle orientation de la politique monétaire semble souhaitable : François Hollande, élu président de la République Française en 2012, prône la croissance mais finit par se rallier au pacte négocié avant lui par Nicolas Sarkozy et Angela Merkel. Le sauveur serait plutôt Mario Draghi, nouveau directeur de la BCE (après Jean Claude Trichet). Celui-ci annonce qu’il est prêt à tout pour sauver l’euro. On s’attend donc à une politique monétaire souple. Mais l’Allemagne donnera t-elle son accord ? Cette décision n’était-elle pas possible avant ? Pour l’instant, rien n’est encore fait sur ce point… 

Quelques remarques sur le documentaire


Si ce documentaire est intéressant et rappelle des faits, on peut faire toutefois des remarques et critiques à son sujet.
-Tout d’abord, à propos de la monnaie unique et son origine, le documentaire aurait pu être plus précis. En effet, s’il évoque Jacques Delors, il n’évoque pas la réflexion qui précède dans les années 1970. A la fin des années 1960, les désordres monétaires du franc amènent à une première réflexion sur une union monétaire. Le rapport Werner approfondit ces réflexions en 1972 et prévoit une union économique et monétaire pour 1980, mais est perturbé par le choc pétrolier de 1973. Le deuxième choc pétrolier de 1979 eu raison aussi d’un projet lancé par le président de la Commission Roy Jenkins. Plus tard encore, mais toujours avant 1989, le projet est relancé notamment avec l’Acte Unique de 1986 qui prévoit une union monétaire.
-A propos du but politique de l’euro, on peut noter que le documentaire ne va pas au bout et ne fait pas vraiment de point notamment sur les objectifs et les résultats. S’il dit bien que l’euro fut une tentative Mitterrandienne de juguler l’Allemagne, il ne dit pas en revanche que cet objectif est, au regard de la situation actuelle, un échec, puisque l’Allemagne impose maintenant ses conditions (elle les avait d’ailleurs imposée en obtenant une copie conforme du mark en 1991). On peut dire qu’avec l’euro, le mark n’est pas mort contrairement au franc. Charles Gave en ce sens aime aussi comparer l’euro à la ligne Maginot : les deux avaient pour but de se protéger des ambitions allemandes et les deux ont échoué.
http://www.dailymotion.com/video/xck13c_charles-gave-euro-ligne-maginot-mem_news
-Au sujet de l’hyperinflation du début des années 1920 en Allemagne, le documentaire fait un lien direct entre ce phénomène économique et la montée du nazisme en Allemagne. Si les nazis se sont sans doute nourris en partie de cette période de difficultés, il faut néanmoins nuancer cette thèse car l’hyperinflation se termine en 1924, neuf ans avant l’arrivée au pouvoir d’Hitler. Mais surtout, elle est suivie par d’autres événements économiques encore plus graves en Allemagne : d’abord la crise de 1929 qui provoque une forte poussée du chômage (6 millions de chômeurs) et ensuite la politique d’austérité menée par le chancelier Brüning. Chronologiquement, ces phénomènes sont plus proches de l’arrivée des nazis au pouvoir et donc plus liés.
-Concernant le débat entre François Mitterrand et Philippe Séguin, le documentaire annonce clairement que le président l’a emporté contre Philippe Séguin. On peut déplorer le manque d’exemples concrets tirés du débat et qui montreraient une réelle mise en difficulté de leader du nom par le président de l’époque…
-Concernant la Grèce, si le documentaire évoque la tricherie dans les comptes et l’entrée trouble de la Grèce dans l’euro, il pourrait être plus précis sur les circonstances de la tricherie. Il s’agit en effet de la banque Goldman Sachs qui a permis à la Grèce de tricher en échangeant de la dette grecque à des taux fictifs en 2001. Et en 2012, la Grèce était dans une situation grotesque puisqu’elle devait 600 millions d’euros à la banque qui était à l’origine de ses difficultés, plus l’argent emprunté à celle-ci (plusieurs milliards d’euros). 
-Au sujet des différents pays en difficulté, il est étonnant de ne pas avoir entendu parlé des problèmes Chypriote. En effet, Chypre avait connu des problèmes au cours de l’année 2013 à cause de faillites bancaires et c’est là que l’Union Européenne avait voulu piocher dans l’épargne des Chypriote. La colère populaire avait finalement amené à un recul sur ce point… Mais ce n’est que partie remise puisque depuis le 11 décembre 2013 un accord passé inaperçu a instauré possibilité de taxer les dépôts des épargnants en cas de difficulté à partir de 2016. Au lieu donc de mettre les banques face à leurs responsabilités, il a été décidé de faire payer d’éventuels pots cassés aux épargnants qui ne sont pourtant pas responsables. Les dépôts seront garantis jusqu’à 100 000 euros, les plus taxés seront donc les gros… qui ont toutefois le plus de possibilité de changer leur compte de banque… 
-A propos du FESF et du Mécanisme Européen de Stabilité, il est dommage de ne pas avoir approfondi l’analyse, notamment en se demandant si ce mécanisme est suffisant pour assurer la stabilité financière. Car quand bien même il rassemble des fonds de tous les pays de l’eurozone, il faut bien dire qu’il dépend également de la notation des agences. Or une bonne partie des pays contributeur (dont la France, 2ème contributeur) ont… perdu leur Triple A.  
-La fin du film et sa conclusion sont assez partiales surtout que nous nous situons dans un contexte électoral : Daniel Cohen et David Pujadas mettent en avant le besoin de plus d’Europe, plus d’intégration, par des transferts financiers et une autre politique monétaire. Ils disent bien que tout n’est pas fini dans la crise de l’euro et qu’il reste des choses à mettre en place. Mais les positions alternatives à propos d’une éventuelle refonte en plusieurs zones euro voir une fin de l’euro et un retour aux monnaies nationales ne sont pas évoquées. Dommage aussi de ne pas parler d’une éventuelle monnaie commune, un projet peut-être plus souple.

Le débat


Le film a le mérite d’avoir débouché sur un débat entre des économistes censés représenter les différentes tendances. Sur le plateau de l’émission étaient présenté Daniel Cohen, Guillaume Klossa, Benjamin Coriat, Mathilde Lemoine et Philippe Villin. Parmi eux, on peut dire que seul un économiste était clairement contre l’euro (Philippe Villin) et qu’un autre critiquait la politique monétaire actuelle (Bejamin Coriat). Les trois autres sont favorables à l’euro. Il y a donc un déséquilibre dans le débat. Le débat était organisé en plusieurs questions : sur chacune d’entre elle, chaque économiste devait exposer son point de vue, mais sans pouvoir développer un point de vue construit sur plusieurs minutes. On a entendu assez peu de chiffres et d’exemples bien que certains faits soient ressortis, notamment à propos des déréglementations et des problèmes internes à l’économie française. Aussi il y avait assez peu de temps pour que les économistes se répondent entre eux et se contestent. Si la question de la sortie a été abordée aussi, elle n’a pas été l’occasion de trop débattre des différentes alternatives qui s’offrent à l’UE (monnaie commune, plusieurs euros…). Mathilde Lemoine, pro-euro, a eu le mérite d’assumer clairement qu’il fallait qu’on s’adapte à l’euro et que le maintien de celui-ci nécessiterait un transfert de souveraineté plus conséquent. Les pro-euro comme Guillaume Klossa admettent aussi que l’euro version 1992 était bancal ce qui n’était pas gagné il y a quelques années. En bref, on gagnerait à avoir une soirée entière consacrée à cette question avec un plus grand équilibre entre les invités et une plus grande possibilité d’approfondir le sujet, l’analyse et les solutions.

Autres critiques



Relayons maintenant quelques critiques faites à l’égard de l’émission, malgré tout l’intérêt qu’elle a représenté pour donner des éléments de compréhension global à propos de l’euro.
-Tout d’abord, Gilles Johnson, bloggeur associé au Nouvel Observateur, a plutôt apprécié l’émission mais a déploré le fait qu’elle se déroule en même temps que le débat entre les 5 principaux candidats à la présidence de la Commission européenne. Il estime qu’il était du devoir de France 2 de retransmettre ce débat et de décaler l’émission sur l’euro. Après tout de nombreuses chaînes publiques nationales ont retransmis le débat qui avait lieu au parlement européen. Le bloggeur pense que cela représente l’attitude désinvolte de France TV à l’égard des européennes.
-Jacques Sapir fut lui plus virulent à l’égard de l’émission. Il pointe le déséquilibre du débat où les anti-euros n’ont été incarnés que par un économiste alors qu’ils sont des dizaines à s’être exprimés pour une sortie de la monnaie unique, qu’ils soient américains, allemands, ou autres, qu’ils soient prix Nobel, responsables de banques centrales ou rédacteurs en chefs de revues économiques. Il rappelle l’écart entre l’euro vendu avant sa création et les résultats actuels de la monnaie européenne (indices de croissances et de PIB à l’appui). Il évoque aussi la chute des investissements productifs en Europe et l’évolution des différentes balances commerciales ou encore l’augmentation du chômage.
-Au Figaro, Christian Combaz n’est lui pas moins critique à l’égard de ce « roman » qui pour lui montre encore la partialité du service public télévisuel. Il compare cette émission à une autre animée en 2002 et où Laurent Fabius avait vanté les mérites de la monnaie unique. Le journaliste du Figaro pense que les thèses favorables à l’euro y étaient plus développées puisque ce sont des pro-euro qui ont narré cette histoire. Il pense néanmoins que cela ne changera à ce qu’il se passera le 25 mai prochain, mais que c’est l’occasion pour certains d’atténuer une certaine culpabilité vis-à-vis des problèmes connus par l’euro.
-Pour finir, Fabien Cazenave, pourtant « bloggeur européen » attaché au Nouvel observateur, affirme ne pas vouloir regarder ce documentaire. Il pense que le véritable débat se trouvait à Strasbourg entre les principaux candidats à la présidence de la Commission. Il affirme de même qu’un documentaire, même s’il tente de faire de la pédagogie, sera forcément partial dans un sens ou dans l’autre. Il estime aussi que l’euro ne doit pas occulter la conception politique qu’on se fait de l’Europe et qui est pour lui le cœur du débat. Il est vrai que la question de l’euro reflète aussi la conception qu’on se fait de l’Europe (plus intégrée voir fédérale pour les pro euro, plus respectueuse des nations pour les anti-euro).
Pour conclure, la diffusion d’un tel documentaire est à saluer même si rien n’est parfait. Elle a le mérite de montrer que l’euro est un sujet important de la construction européenne. Pour ma part, le choix fut vite fait entre cette émission (peut-être un peu partiale) et le débat entre les candidats à la présidence qui s’est de toute manière tenue entre une majorité de fédéralistes. Espérons que cette émission a permis aux 1,9 millions de téléspectateurs qui l’ont regardée d’avoir une meilleure compréhension de l’euro et des enjeux de ces élections.

Sources

Le Nouvel ObservateurLe Nouvel ObservateurLe Blog de Jacques SapirLe FigaroLes Coulisses de l'EuropeLe MondeLa Tribune
Revoir l'émission sur Pluzz.  
Vin DEX

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