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Europe : le monde ne nous attend pas !

Publié le 20 mai 2014 par Sylvainrakotoarison

Il ne s’agit pas de sombrer dans un euroscepticisme délirant qui voudrait jeter le bébé avec l’eau du bain, mais d’agir avec assiduité, influence et efficacité au sein du Parlement Européen pour défendre l’intérêt des Français et des Européens dans un monde de plus en plus globalisé.

yartiMeeting201451801Une salle obscure remplie de participants un dimanche après-midi très ensoleillé, c’est possible lorsque la passion et l’engagement sont au rendez-vous pour faire avancer l’idée européenne.

C’était le dimanche 18 mai 2014, à une semaine des élections européennes, à La Plaine-Saint-Denis, près de la Porte de la Chapelle, à Paris, à quelques mètres de la station de métro "Front populaire", que les centristes se sont réunis pour un grand meeting national. National et européen puisque, dans la salle, étaient présents non seulement tous les candidats des listes UDI-MoDem (Les Européens) mais aussi des leaders européens de premier plan et évidement, le candidat des centristes européens à la Présidence de la Commission Européenne, Guy Verhofstadt.

C’était aussi la première grande réunion publique qui a rassemblé les leaders à la fois de l’UDI et du MoDem avec un grand absent, Jean-Louis Borloo, dont la vidéo d’une interview avec Jean-Jacques Croix était diffusée dans la salle. L’élocution lente, le visage fatigué, la barbe blanchie, Jean-Louis Borloo parlait avec des yeux toujours brillants et des mains toujours démonstratives pour évoquer sa passion de l’Europe et aussi ses projets de recherche sur les océans, seules sources d’énergie pour les siècles futurs et de développement de l’Afrique en plein boom économique avec l’idée de permettre à tous les habitants du continent d’avoir accès à l’énergie et à l’eau.
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C’était évidemment une séquence émouvante qui n’était pas sans rappeler le congrès fondateur de l’UDI il y a dix-huit mois, le 22 octobre 2012 à Paris où Jean-Louis Borloo était consacré rassembleur des partis de centre droit et avait reçu le soutien, à distance, en vidéo aussi, de premier fédérateur des centres, l’ancien Président de la République Valérie Giscard d’Estaing, et la présence amicale de Simone Veil et son époux (Antoine Veil a disparu quelques mois plus tard, le 12 avril 2013).

Parmi les autres vidéos de soutien, il y a eu celle de l’écrivain et journaliste italien Alberto Toscano, et celle du jeune Premier Ministre actuel du Luxembourg, Xavier Bettel (41 ans), ancien bourgmestre (maire) de Luxembourg et ancien étudiant en droit à Nancy, qui a pris la tête du gouvernement luxembourgeois le 4 décembre 2013 dans une coalition centriste et écologiste, dont le soutien ce dimanche n’était pas sans arrière-pensée puisque le candidat du PPE n’est autre que le prédécesseur de Xavier Bettel, à savoir Jean-Claude Juncker.

Ce qui va suivre résume quelques interventions à la tribune.
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Le député européen sortant Jean-Marie Cavada a voulu préciser que les forces qui se font le plus entendre en ce moment, ce ne sont pas des eurosceptiques : « Ce ne sont pas des sceptiques. Ce sont des antieuropéens ! ».
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Ancien Ministre de l’Économie et des Finances et tête de liste dans l’Ouest, Jean Arthuis a mis en cause la responsabilité du gouvernement français de ne pas assainir suffisamment les finances publiques, ce qui réduit la souveraineté de la France, et a conclu sa prestation par : « Requalifions la France pour que sa voix et son rôle soient décisifs au sein de l’Union Européenne ! ».

Il y a eu ensuite plusieurs personnalités étrangères qui ont pris la parole.
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Après un jeune candidat polonais, le leader du Parti démocrate progressiste tunisien Ahmed Nejib Chebbi, qui ambitionne d’être candidat à la prochaine élection présidentielle tunisienne, est venu saluer les leaders centristes pour leur engagement européen et aussi affirmer que le processus démocratique en Tunisie est peut-être long et laborieux mais vraiment authentique, sincère et original dans un pays musulman.
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Puis, la chanteuse ukrainienne Ruslana Lijitchko, qui gagna le concours Eurovision en 2004 à Istanbul, ancienne députée ukrainienne et participante à la révolution place Maidan, a remercié la France de son soutien chaleureux et fidèle au peuple ukrainien.

Tunisie et Ukraine. J’ai toujours eu le sentiment que le mouvement centriste démocrate européen en France (autrement dit, avant 2007, l’UDF, et depuis 2013, l’UDI-MoDem) avait toujours su anticiper les grandes causes internationales, su sensibiliser bien avant que les médias n’en parlent et en choisissant toujours le camp de la liberté.

Borislaw Geremek avait été un ami et invité régulier aux congrès de l’UDF dès les années 1980-1990 et je me souviens également avoir écouté avec beaucoup d’émotion, au début des années 2000, peut-être en décembre 2001, dans un congrès de l’UDF, des réfugiés syriens qui témoignaient de l’horreur et de la torture sous le régime naissant de Bachar El-Assad, à l’époque encensé par le monde "occidental" qui voulait croire qu’il serait plus libéral que son père auquel il avait succédé le 20 juin 2000 (depuis 2011, la réalité s’est montrée toute crue).

Le président du MoDem, François Bayrou, a ensuite exprimé ses arguments pour élire les candidats européens des listes UDI-MoDem.
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1. Le clivage concrètement va se faire entre ceux qui veulent que l’Europe soit unie et ceux qui la veulent désunie. Qui veut que les pays européens soient divisés ? La Russie, la Chine, les États-Unis, toutes les autres puissances mondiales. Mais aussi les fraudeurs, les spéculateurs, les terroristes préfèrent des pays européens divisés pour profiter de toutes leurs incohérences. L’union des pays européens, au contraire, profite aux citoyens européens.

2. Pour François Bayrou, l’Europe, ce n’est pas seulement un projet, c’est aussi autre chose, c’est aussi l’aimer. Quand on croise en France des Européens, qu’ils soient Irlandais, Espagnols ou Polonais, ce ne sont plus des étrangers, dont on aurait peur. Ils sont maintenant des compatriotes européens.

3. Être favorable à l’Europe, cela ne signifie pas être d’accord avec les politiques suivies par les dirigeants européens. En France, on peut être en désaccord avec la ligne du gouvernement français sans pour autant vouloir quitter la France (heureusement pour près de 85% des Français si l’on en croit les sondages) : « L’Europe, ce n’est pas une option politique ; c’est notre maison ! ».

4. Les listes UDI-MoDem proposent les meilleurs candidats pour travailler au Parlement Européen. La France a besoin de renforcer son influence dans les institutions européennes. Les députés européens sortants ont montré leur assiduité, les autres sont engagés pour l’Europe. Ce ne sont pas des recalés comme dans les autres partis, des recalés de scrutins nationaux ou du gouvernement, venus au Parlement Européen en attendant des jours meilleurs.

5. L’UMP et le PS ne sont pas passionnément européens, ne font pas de campagne européenne mais des campagnes nationales avec des arguments de politique intérieure. Seul le centre est pour l’Europe, est cohérent et uni sur ce thème.

Ensuite, l’ancienne présidente du MeDef Laurence Parisot a pris la parole. C’est à ma connaissance la première fois qu’elle s’est engagée aussi explicitement dans un mouvement politique : « Je soutiens l’UDI et le MoDem car ils sont clairs sur l’Europe ! ».
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Pour elle, la sortie de l’euro serait mortelle pour la France. Elle a voulu rappeler tout ce que l’euro a apporté aux Français : des taux d’intérêt bas, une inflation faible, une plus grande transparence dans les transactions, l’absence de risque de changes, pas de spéculation avec les monnaies nationales, enfin, la fin des dévaluations compétitives qui furent la cause, dans les années 1980, de l’effondrement de la force industrielle.

Elle a rappelé aussi que l’Union Européenne est la première puissance économique du monde, le premier exportateur au monde. Mais ce n’est pas seulement une puissance économique. C’est aussi le premier producteur de science avec des projets très enviables par les autres pays, comme ITER, le CERN, Galileo, Copernicus. C’est aussi une puissance culturelle, donnant l’exemple que deux tiers des films récompensés au Festival de Cannes sont européens. Enfin, c’est aussi la première puissance des droits de l’homme et même des droits de l’animal.
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L’ancien candidat écologiste à l’élection présidentielle Brice Lalonde, qui fut également Ministre de l’Environnement, a fait lui aussi l’éloge de l’Europe, seule entité internationale à se préoccuper de l’écologie et de la planète, la seule puissance à ne pas être égoïste et à songer aux autres continents et aux populations futures. Il a proposé de lancer un vaste programme scientifique d’exploitation des océans qui serait aussi décisif que le programme Apollo dans les années 1960.
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Un autre habitué des grands rassemblements centristes français est Francesco Rutelli, ancien maire de Rome (1993-2001) et candidat à la tête du gouvernement italien le 13 mai 2001 contre Silvio Berlusconi qui gagna les élections, puis Vice-Président du Conseil et Ministre de la Culture dans le gouvernement de Romano Prodi (2006-2008). Il fut avec François Bayrou le cofondateur, le 16 avril 2004, du Parti démocrate européen pour rassembler tous les démocrates européens dans un même mouvement (le troisième groupe au Parlement Européen, que préside Guy Verhofstadt). Avec beaucoup d’humour et un léger accent, Francesco Rutelli a expliqué pourquoi il ne pouvait être qu’européen, parce que sa famille a caché des Juifs pendant la guerre, mais il concevait que ce message ne passe plus auprès de ses propres enfants.
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Tête de liste pour l’Île-de-France, Marielle de Sarnez a renoncé à reprendre ses notes pour aller plus vite et a martelé : « Le monde ne nous attend pas ! » pour bien signifier qu’il est nécessaire, dans l’intérêt des Français, d’être actifs dans un ensemble qui puisse avoir du poids, économiquement et politiquement, face aux nouvelles puissances mondiales.

Intervenant en dernier, le président de l’UDI Yves Jégo, lui aussi, renonça à son laïus pour juste protester énergiquement contre la télévision publique nationale qui n’a pas organisé de débat avec les candidats à la Présidence de la Commission Européenne. Le désintérêt des Français est en partie dû à l’indifférence scandaleuse des médias.

Enfin, l’invité d’honneur a pris la parole, Guy Verhofstadt, ancien Premier Ministre de Belgique et candidat à la Présidence de la Commission Européenne. Avec son accent belge, très percutant, il a su montrer une réelle vision de l’horizon européen.
N’hésitant pas à critiquer ouvertement Martin Schulz, un peu moins Jean-Claude Juncker,
Guy Verhofstadt a regretté l’absence de meeting national des autres listes. Il a dénoncé aussi les socialistes qui lui en ont voulu d’avoir travaillé avec Jacques Delors alors qu’ils ont perdu ce droit d’initiative dont ce dernier avait fait preuve entre 1985 et 1995. Il a rappelé l’Acte Unique qui a mis la France pendant cinq ans dans la perspective de l’harmonisation de 1992, amorcé pourtant dans une climat également d’euroscepticisme.
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Il a prôné l’uniformisation des marchés des vingt-huit pays membres. Notamment dans plein de domaines comme celui des télécommunications où il y a une centaine d’acteurs et des normes différentes qui sont d’autant de barrières à l’entrée.

Pour lui, la surprise du 25 mai 2014, ce ne serait pas un pourcentage élevé des listes populistes, puisque c’est ce type de résultats qui est décrit à longueur de journées. Si surprise il y a, c’est du côté des démocrates qui veulent plus d’Europe qu’il faudra aller la trouver.

Un vrai rassemblement, uni, cohérent, européen, en faveur de la construction européenne

Parmi les autres présents qui, pour certains, ont témoigné durant ce meeting, il y avait également la navigatrice Catherine Chabaud qui est la première femme à avoir fait un tour du monde à la voile en solitaire, l’ancien Ministre de la Défense Hervé Morin qui a prôné un peu imprudemment « l’abolition totale des armes atomiques dans le monde », le député-maire de Drancy Jean-Christophe Lagarde, l’ancienne ministre Chantal Jouanno, l’universitaire Léonard Sam, qui fut président quelques semaines du Congrès de la Nouvelle-Calédonie en 2011, les députés européens sortants Robert Rochefort, Sylvie Goulard, Sophie Auconie, Dominique Riquet, Nathalie Griesbeck… et beaucoup d’autres élus et responsables des partis centristes venus à la fête de ce premier rassemblement centriste.
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Ce n’est pas anodin que ce soient ceux qui sont les plus engagés pour l’Europe qui aient organisé le seul meeting national avec un candidat à la Présidence de la Commission Européenne. Dans ce contexte plutôt défavorable, il faut des personnalités capables d’avoir une vision claire et une cohérence lucide, capables de rassembler sur des valeurs fondamentales, et celles de l’Europe sont celles de la France.

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Les socialistes, très discrets dans leur campagne et peu unis, font quelques rassemblements locaux avec leur candidat, Martin Schulz, mais aucun rassemblement national. Quant à l’UMP, il ne semble pas que son candidat, Jean-Claude Juncker, pense faire campagne sur tout le territoire européen, plus habitué aux conciliabules d’antichambre.

C’est donc le meilleur moment pour prendre son destin en main, celui de faire évoluer l’Union Européen vers plus de démocratie et plus de convergence fiscale et sociale. Dans un pays où ses dirigeants ne sont plus capables d’assumer pleinement leur propre engagement européen, il est rassurant qu’un mouvement politique soit toujours debout à les défendre, et pas seulement du bout des lèvres, pas seulement honteusement mais avec la fierté de la détermination.
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Un mouvement uni qui a même reçu le satisfecit d’un journaliste comme Éric Brunet, pourtant peu suspect de centrophilie, impressionné très positivement par tant de mobilisation, et par un si large rassemblement allant de Laurent Parisot à Brice Lalonde, de François Bayrou à Francesco Rutelli, de Xavier Bettel à Guy Verhofstadt, d’Ahmed Nejib Chebbi à Jean-Louis Borloo, d’Alberto Toscano à Ruslana Lijitchko.

Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (20 mai 2014)
http://www.rakotoarison.eu

Pour aller plus loin :
Martin Schulz.
Jean-Claude Juncker.
Guy Verhofstadt.
Jacques Delors.
Jean-Luc Dehazne.
Débat européen entre les (vrais) candidats.
Les centristes en liste.
Innovation européenne.
L’Alternative.
La famille centriste.
Michel Barnier.
Enrico Letta.
Matteo Renzi.
Herman Van Rompuy.
Gaston Thorn.
Borislaw Geremek.
Daniel Cohn-Bendit.
Mario Draghi.
Le budget européen 2014-2020.
Euroscepticisme.
Le syndrome anti-européen.
Pas de nouveau mode de scrutin aux élections européennes, dommage.
Têtes des listes centristes de L’Alternative aux européennes 2014 (à télécharger).
Risque de shutdown européen.
L’Europe des Vingt-huit.
La révolte du Parlement Européen.
La construction européenne.
L’Union Européenne, c’est la paix.
L'écotaxe et l'Europe.
yartiMeeting201451812
http://www.agoravox.fr/actualites/europe/article/europe-le-monde-ne-nous-attend-pas-152134




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