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Le Cairn de Barnénez à Plouezoc'h (29)

Par Camille Bercot @k_mi29

En voilà un monument qui m'a fait rêver lors de ma toute première visite, je devais être au collège.

Le Cairn de Barnénez à Plouezoc'h (29)

Contrairement à la majorité de mes petits camarades, j'étais restée pendue aux lèvres de notre chaleureux guide de l'époque.

Et contrairement à certaines personnes, je n'ai jamais eu de difficulté à imaginer le paysage que devaient voir nos très chers ancêtres architectes. Et d'ailleurs la vue d'aujourd'hui est superbe:

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Je pourrais certainement écrire des centaines de pages au sujet du Cairn de Barnénez, comme cela a déjà été fait. Je ne le ferai pas. Les personnes qui liront cet article en connaissent certainement plus que moi à son sujet.

J'espère donc vous apporter une approche plus légère et succincte.

Cela fais longtemps que je mûris l'envie d'écrire au sujet de ce cadeau incroyablement bien préservé, laissé par nos ancêtres qui nous ont tant apporté.

Ce magnifique monument construit entre - 4500 ans et - 3900 ans av J-C (période du Néolithique), se trouve sur une bute surplombant maintenant la baie de Morlaix.

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Face Sud Est.

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C'est la ferme toute proche appelée Barnénez Bras, qui donna son nom au cairn.

Il a été classé au Monument Historique le 18 janvier 1956.

Le Cairn est long de 72 m et large de 20 à 25 m, ce qui représente environ 7000 m cubes de pierres.

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Lorsque l'on se remet dans le contexte de l'époque la baie de Morlaix devait être une pleine limoneuse coupée en deux par un rivière, idéale pour l'implantation d'une communauté paysanne. C'est d'ailleurs certainement dans cette plaine que devaient être construites les maisons de bois où vivaient nos ancêtres du Néolithique. La montée des eaux de la fin de la dernière ère glaciaire a donc détruit toute trace de ces habitations.

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Cette carte donne une idée du paysage avant la montée des eaux.

Mais heureusement, il nous reste, ce qui avait beaucoup plus d'importance à leurs yeux, leur lieu imbibé de spiritualités et de croyances, qui protégeait leurs aïeuls et qui devait certainement être également un lieu de culte. Ce lieu encore rempli de mystère.

Tout le long des millénaires, des légendes ont existé, subsisté, autour des deux cairns ( oui il y en avait deux, je vous en parle plus loin). Celles-ci ont permis de garder un lien avec des croyances et une certaine spiritualité.

Pour beaucoup, il devait s'agir d'un repère de korrigans. Pour d'autre, c'était le départ de souterrains allant jusqu'au château du Taureau.

Le Cairn de Barnénez à Plouezoc'h (29)

Mais ces croyances populaires ne suffirent pas à les protéger...

Comme vous le savez sûrement, c'est d'une manière malencontreuse que fut redécouvert le monument. Construisant une route, un entrepreneur négocia avec le propriétaire du terrain l'accès aux "deux gros tas de pierres" se trouvant sur la pointe de Térennez.

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Le premier "tas" fut arasé, détruit, presque en totalité, courant 1954.

Et c'est grâce à Fanch Gourvil, journaliste à Morlaix, que le deuxième cairn fut sauvé de justesse. Cependant celui-ci était déjà attaqué.

Pierre-Rolland Giot, directeur des Antiquités Préhistorique de Bretagne, prit alors les choses en main.

Pierre-Roland Giot

Et en 1956, l'entrepreneur est condamné à une grosse amende et à des dommages et intérêts. Ainsi cette affaire servit d'exemple pour que enfin la loi du 27 sept 1941 soit enfin appliquée.

Nous sommes donc en 1955 quand Mr Giot et ses collègues prennent en charge le cairn éventré, avec énormément de questions et de doutes.

Les premiers travaux sont mis très rapidement en route afin de protéger et de restaurer les 4 tombes abîmées. 7 autres tombes seront par la suite découvertes et étudiées jusqu'en 1968. 11 tombes à couloir sont alors nommées de A à J.

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Traces de restauration.

Les travaux entrepris ont rapidement démontré que le monument se décompose en 2 monuments d'âges différents, tout en restant du Néolithique.

Un Cairn Primaire (- 4950 ans / 4250 ans av J-C) et un Cairn Secondaire ( - 4600 ans / 4250 ans av J-C) furent ainsi séparés, ceci grâce à la technique de datation au radiocarbone, utilisé sur du charbon découvert dans les sépultures.

Le Cairn de Barnénez à Plouezoc'h (29)

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On distincte au centre de la photo, une sorte de démarcation entre les deux Cairns.

Je commencerai par vous présenter les tombes du Cairn Secondaire: A, B, C, D, il y en a en réalité 6 (E et F).

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Les malheurs des uns faisant le bonheur des autres, se fut ces 4 tombes qui furent en partie détruites. Mais grâce à cela une coupe pédagogique fut possible, apportant une vision en coupe des 4 sépultures et mettant en valeur leurs particularités architecturales.

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 Cette coupe est donc appelé la carrière, en souvenir au dévaste.

Le Cairn secondaire est confectionné de pierres de granite provenant d'un gisement se trouvant non loin, sur l'île de Stévec.

  • La sépulture A, serai la plus récente des tombes, et se trouve sur la partie la plus en pente du terrain. Son architecture parait être un mélange des architectures que l'on retrouve sur les tombes B, C et D. Une jolie chambre mégalithique comme on les connaît bien dans notre Bretagne, avec de beaux piliers de Granite.

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Entrée, face Sud-Est

Son plafond en fausse coupole, comme dans les chambres C, D et E, restauré est splendide. Cette technique d'un savant empilement de pierres sèches plates en porte à faux impressionne.

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Côté carrière, face Nord-Ouest

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Elle montre aussi qu'une certaine dextérité et des sacrés connaissances architecturales, étaient déjà bien maîtrisés par nos chers ancêtres, tout nouveaux agriculteurs.

Cette chambre avait également la particularité d'être munie d'une dalle qui fermait la chambre. Celle-ci montre un hublot à hauteur d'yeux, ce qui permettait aux curieux de jeter un oeil dans la chambre, mais aussi peut-être de laisser l'âme du défunt s'échapper de temps à autre.

  • La sépulture B, est ma préférée. Je l'apprécie car je connais bien ce style d'architecture, qui est bien connu dans nos campagnes. Je dirai qu'elle ressemble à une tombe à couloir en V.

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Côté Sud-Est

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Côté carrière, face Nord-Ouest.

Pas de plafond en fausse coupole pour celle-ci. Mais une belle dalle de granite en guise de table de recouvrement, supportée par 7 orthostates.

  • La sépulture C, est confectionnée uniquement de pierres plates sèches elles aussi disposées en fausse coupole, de manière à étanchéité au maximum cette espace assez réduit.

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  • La sépulture D, en fausse coupole également, présente également de petits orthostates fins de granite, j'en ai compté 8.

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Face Nord-Ouest.

Ce sont donc ces 4 tombes, qui sont accessibles à la visite.

  • La sépulture E, est également en fausse coupole, mais elle est plus grande. (fermée au public)
  • Pour la sépulture F, je n'ai malheureusement pas d'information concernant son architecture. (fermée au public)

Les couloirs du Cairn Secondaire, sont différents les uns des autres.

Murs de pierres sèches sur lesquelles reposent les tables de granite pour les tombes C et D.

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Allée grandiose avec piliers de chaque côté pour la tombe A, style allée couverte.

Et un mélange des deux pour la B.

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Ma présentation du cairn Primaire sera beaucoup plus succincte:

Cette partie du Cairn n'est pas ouverte au public, pour des raisons de préservation et bien sûr de sécurité.

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Pour ce monument, édifié donc en premier lieu, la dolérite a été utilisé, lui donnant une couleur un peu plus foncée. Le gisement devait se trouver sur place, pourquoi aller chercher ailleurs?

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Entrées de G et G'

Les sépultures de celui-ci, ont été nommées: G, G', H, I et J.

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Les couloirs du Cairn Primaire, sont majoritairement de pierres sèches en moellon, et les salles seraient également munies de plafonds de fausses coupoles.

Mais pour toutes ces sépultures, les entrées se trouve du côté Sud-Est, comme dans la majorité des monuments que j'ai eu le plaisir de visiter d'ailleurs.

Au premier coup d'oeil, il est quand même difficile de séparer les deux Cairns.

Ce qui m'a le plus impressionnée ce sont les techniques utilisées pour contrer la pente sur laquelle est posé le cairn Secondaire. On dirait qu'il épouse la forme du terrain. Et la technique d'escalier, qui permet de soutenir tout ce poids était très bien maîtrisée, car intact!

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Les connaissances de nos biens aimés aïeuls, devaient, certainement être encore plus importantes que ce que l'on croit.

Parlons maintenant des résultats des fouilles:

Bien sûr, le monument a été entièrement fouillé. Cependant, l'acidité de notre sol Breton n'a pas permis de très grandes découvertes.

Les fouilles des chambres A, B et D, ont révélé quelques tessons de poterie de type Chasséen simples et non décorés.

Le Cairn de Barnénez à Plouezoc'h (29)

Même découvertes dans la sépulture C, cette fois accompagnés de pointes de flèches de silex. Mais une jolie découverte y fut quand même faite, car un petit poignard à soie du type occidental, en cuivre arsénié y était également caché. Datant de l'âge du Bronze cela montre bien que le monument fut très longtemps utilisé, dégageant certainement une spiritualité, un attrait de la force de nos ancêtres encore respectés.

D'ailleurs, la fouille de la chambre E, révéla des restes de messes ésotériques, empreinte de magie, datant de l'Âge du Fer et du Moyen-Âge. Un lieu, à mon humble avis, idéal pour cela.

La sépulture D, elle, a apporté beaucoup d'artefacts. Poteries Chasséenne (typique du Néolithique Moyen et largement présente dans beaucoup de fouilles de monuments à couloir armoricain), tessons de vases à pied creux très rares, servant sans doute aux rites funéraires.

Le Cairn de Barnénez à Plouezoc'h (29)

Ou encore morceaux de bols à fond rond.

Le Cairn de Barnénez à Plouezoc'h (29)

Cette tombe offrit aussi quelques fragments osseux et de magnifiques pointes de flèches de silex et 2 lames de silex.

Le Cairn de Barnénez à Plouezoc'h (29)
Le Cairn de Barnénez à Plouezoc'h (29)
Pointes de flèches et lames de silex.

Mais les trouvailles des tombe C et D, permettent surtout de penser que les tombes étaient réutilisées par une communauté bien différente de l'Âge du Bronze, peut-être de type campaniforme. Et pourquoi pas les autres?

Le Cairn de Barnénez à Plouezoc'h (29)

Dans le Cairn Primaire, on ne découvrit presque pas de mobilier, seulement un tesson dans la chambre H y fut trouvé.

Par contre de nombreuses traces de charbons de bois y furent découvertes ce qui permit une datation au radiocarbone, ce qui reste quand même une trouvaille indispensable à la compréhension du monument.

L'ensemble des découvertes sont visibles au Musée de la Préhistoire Finistérienne de Penmarc'h. Voici quelques photos que j'ai eu la chance de prendre:

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Et enfin, le meilleur pour la fin: les Gravures:

Les significations des gravures dont je vais parler restent bien sûr des interprétations, mais avec un peu d'imagination, cela peut aller loin. Et puis je pense que nos ancêtres du Néolithique n'en manquaient pas... D'imagination...

Imaginez ce qu'ont du ressentir les personnes en découvrant les gravures dans les années 60, se trouvant majoritairement dans le Cairn Primaire, celles-ci permirent certainement d'apaiser la déception de l'inexistance d'artefacts dans cette partie du monument.

Ce sont donc les sépultures A, H et J qui sont ornées de ces gravures.

  • La sépulture A, présente 6 formes peu profondes de "corniformes" ou "signes en U", qui se trouve sur un des piliers du couloir.

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Serait-ce la représentation d'une divinité masculine, les cornes étant un symbole de force et de virilité? Celles-ci ont pris une autre signification avec le temps... Non?

  • La sépulture H , présente quant à elle des représentations de hache, symbole d'une certaine puissance et maîtrise du monde végétal.

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Peut-être qu'un homme important ayant eu une grande autorité, a été inhumé dans cette tombe?

Des zigzags sont également présent sur un des piliers de cette tombe, interprétés la plus part du temps comme étant la représentation de l'eau. Le culte de la fécondité se cacherait-t-il derrière ces symboles?

http://jfbradu.free.fr/celtes/barnenez/zigzags.jpg

Un arc à l'entrée de la chambre, serait une mise en garde adressée aux visiteurs?

  • La sépulture J, est ornée d' un magnifique écusson chevelu, qui pourrait donner des complexes à certains... Il se trouve au plafond du couloir. Il pourrait s'agir d'une dalle de récupération. La gravure a-t-elle été faite une fois la dalle placée dans le cairn ou bien avant?

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La signification symbolique de ce genre de gravure est attribuée à une grande déesse, de la mort ou de la fécondité.

J'ai également remarqué quelques Cupules ça et là:

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Évidemment, des études sont toujours en court sur ce genre de monument.

Des traces de pigments ont été retrouvés sur certains piliers, ce qui pourrait faire penser que des fresques rupestres avaient été peintes dans certaines de ces sépultures, ou peut-être que certains orthostates auraient été enduits. Du charbon, mais aussi des pigments rouge, provenant peut-être de petits coquillages auraient permis ces dessins.

Dans la chambre H, Mr Charles-Tanguy Le Roux, aurait découvert plusieurs bandes horizontales de lignes en zigzag rouge, et beaucoup de motifs noir. Ces motifs étaient déjà connus dès les premières fouilles mais, Mr Giot, avait décidé de ne pas les mentionner car il était certain qu'ils ne supporteraient pas l'air marin. Ils sont pourtant toujours là.

Le mystère reste entier sur l'aspect des sépultures à l'époque. Mais cela nous force à faire marcher notre imagination encore et encore, et surtout de rêver. Sur ces point là, nous ne sommes pas si différents de nos ancêtres d'il y a 7000 ans.

Je terminerai par une réflexion concernant ses hommes, certainement forts et courageux, avec des valeurs simples et beaucoup de respect,qui nous ont laissé un endroit avec une vue incroyable.

Mettons nous à la place d'un voyageur ou nomade qui, au loin, aperçoit une masse pyramidale sortie de terre bien avant les pyramides d'Egypte. Énorme monument construit à la force du nombre.

Bien qu'à l'époque la population humaine avait une tendance à se développer et augmenter plus rapidement, la Bretagne ne comptait en moyenne que 1 ou 2 personnes au Km carré, soit 50 000 à 100 000 personnes sur tout le territoire.

L'homme ne pouvait être qu'impressionné et devait aussi ressentir beaucoup d'appréhension face à une communauté forte et hiérarchisée.

C'était sans aucun doute l'un des objectifs dans la construction d'une telle structure. Alliant l'importance qu'ils vouaient aux personnes qui étaient inhumées dans ce lieu, et une manière de se montrer fort, impressionnant et nombreux.

Je pourrais certainement continuer à parler de ce magnifique monument qui est très bien restauré et mis en valeur juste comme il faut. Ce qui change des sites que j'ai l'habitude de trouver et que je m'efforce de sortir de l'oubli.

Je pense en avoir fait un résumé, à ma façon. Et j'espère être parvenue à vous faire un peu voyager  dans le temps.

Sources:

  • Plaquette "Grand Cairn de Barnénez"
  • "Le grand Cairn de Barnénez Mausolée Néolithique", Éditions du Patrimoine, centre des Monuments Nationaux
  • Internet

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