par Stéphane Reynaud
Photo : Guy PINARD & FilsLe domaine Pinard, à Foussignac, en Charente, a été un des premiers à se lancer dans l’aventure du cognac bio, en 1969.
La création par la coopérative Unicoop d'une filière complète dédiée au cognac bio pourrait encourager les viticulteurs à se lancer sur ce marché.
En savoir plus : http://avis-vin.lefigaro.fr/spiritueux/o112182-le-cognac-nature-fait-des-emules#xtor=EPR-178#ixzz32RQy1NEb
À Thézac, à côté de Saintes, en Charente-Maritime,Gary Charré et son épousedirigent un domaine de vingt-cinq hectares, planté enugni blanc,colombardetmerlot. L'exploitation,dédiée au pineau et au cognac, vient de se convertir à l'agriculture biologique. " Depuis déjà une dizaine d'années, nous réalisions des essais. Nous avions amené notre vignoble à une consommation de produits de synthèse de moins en moins élevée, explique Charré.Nous étions dans une recherche d'équilibre entre l'humain et la nature. Nous souhaitions aller plus loin dans notre démarche écologique et vivre de notre métier dignement. Il s'agissait d'être à l'écoute de soi, des autres et de la nature. "Ce jeune viticulteur au discours inspiré n'est pas le premier à se lancer dans l'aventure. Dès 1969, la famille Pinard, à Foussignac (16), à la fois productrice de raisin et bouilleur de cru, fait figure de pionnière : "Mon grand-père voulait revenir à des cultures moins nocives, et il voulait retrouver des produits de qualité", explique Jean-Baptiste Pinard, le patron actuel. Aujourd'hui, la région compte une cinquantaine de producteurs decognac bio à 100 %. Des négociants s'y sont mis, comme Léopold Gourmel, à Gente (16). " Nous avons commencé le bio en 1998, avec un viticulteur qui dispose de 12 hectares, à côté de Blanzac. Nous avons perdu les six premières vendanges, une façon d'apprendre... Fin 2008, nous avons sorti Bio attitude, contrôlé du raisin à la bouteille, sans additifs de coloration, sans vieillissement artificiel, sans filtration à froid ", explique Olivier Blanc, le patron deLéopold Gourmel, qui commercialise entre 12 000 et 15 000 bouteilles de cognac bio chaque année.
Du vrai bio, donc, quand certains, plus cavaliers, se prévalent d'un bio organique alors que seule la matière première - le raisin - l'est vraiment. Une question d'exigence, que l'on retrouve chez Unicoop, coopérative cognaçaise qui regroupe plus de deux cents adhérents et compte cinq filiales, dont H. Mounier, qui commercialise notamment Prince Hubert de Polignac : " Étant administrateur d'Unicoop, reprend le viticulteur Gary Charré, je me suis dit que si nous voulions développer le cognac bio, il fallait créer une filière au sein de la coopérative, constituer un groupe d'adhérents, avoir un volume et une surface bio. J'ai convaincu le conseil d'administration de se lancer. (...) Il faut que toute la filière soit certifiée Agriculture biologique. Bien entendu, avant toute chose, notre exploitation est conforme à ces exigences. Un organisme certificateur la contrôle tous les ans, et nous délivre un certificat biologique d'agriculture biologique. Chez le distillateur la certification consiste à justifier qu'il n'y a pas de mélange possible avec le cognac conventionnel. Dans les chais, il faut aussi faire la preuve d'une séparation : le traitement du cognac bio doit être distinct de celui du cognac classique..."" Un produit de grande qualité, avant tout "Mécaniquement, les coûts de production augmentent. " Dans la vigne, cela demande plus de main-d'oeuvre qualifiée. Choisir de travailler en agriculture biologique représente un défi technologique et rime avec utilisation d'un matériel de pointe pour cultiver et entretenir la vigne. L'observation est aussi très importante et demande du temps. Sur notre domaine, nous sommes sept. Mais comme nous faisons partie d'un groupement d'employeurs, nous pouvons avoir des emplois à temps partagé avec d'autres exploitations", souligne Gary Charré. " La production de cognac bio coûte 30 % plus cher ", renchérit de son côté Olivier Blanc. Les prix suivent. Ainsi, le Nature de Cognac Prince Hubert de Polignac est vendu 32 euros. " Le prix est supérieur de 20 % par rapport à un cognac conventionnel ", explique-t-on sans inquiétude chez H. Mounier. Les volumes sont à la hausse. " Nous avons mis en vente 10 000 bouteilles en 2013. Nous en sortirons 30 000 en 2014 et sans doute 100 000 par an dans trois à cinq ans. Cinq à dix producteurs devraient nous rejoindre dès cette année ", annonce Christophe Juarez, président du directoire de H. Mounier. Aujourd'hui, la surface bio dans le Cognaçais représente 600 hectares, sur un total d'environ 75 000 hectares. Moins d'un pour cent de ce terroir.Du point de vue du goût, cette catégorie d'eau-de-vie ne manque pas d'intérêt. " L'amateur apprécie sa souplesse, l'impression aromatique très persistante, la longueur en bouche ", expose Olivier Blanc. " Le cognac bio n'a pas de goût spécifique ! s'amuse Jean-Baptiste Pinard. Sa différence avec les autres ne se situe pas là. " Mais, au fait, qui achète du cognac bio ? " Nos contacts avec le marché chinois ont montré un véritable intérêt pour ce produit et pour une agriculture plus respectueuse de l'environnement. Nous ne nous y attendions pas. Le produit va aussi être testé en France, dans les pays nordiques, au Québec, en Allemagne et en Angleterre ", énumère Christophe Juarez. Autre son de cloche chez Léopold Gourmel : " Nous distribuons dans soixante pays. Nous remarquons que les importateurs ont toujours été très excités, mais les consommateurs le sont beaucoup moins. Pour eux, malheureusement, boire du cognac bio, c'est comme ajouter un filtre à une cigarette... Il y a quelque chose de paradoxal, une idée qui ne passe pas. "Cognac bio, un oxymore ? Peut-être que la mise en avant d'un label heurte un public attaché à une tradition, des valeurs, une imagerie plus classique. Peut-être est-ce pour cette raison que les grands groupes du secteur snobent le cognac bio, conscients de ses limites commerciales. " Ceux qui espèrent toucher une clientèle exigeante doivent bien comprendre qu'il faut avant tout leur proposer un produit de grande qualité. Que le cognac soit bio n'est par un argument suffisant pour séduire. Ce n'est qu'un moyen parmi d'autre de réaliser un bon cognac ", conclut Jean-Baptiste Pinard.
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