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Les jeux en santé, une alternative aux médicaments

Publié le 27 mai 2014 par Pnordey @latelier

Les jeux et logiciels dans le domaine de la santé permettent d’agir sur le comportement des patients et apporter une autre forme de thérapie. Ils constituent un marché en développement.

Entretien avec Steffen Walz, chercheur et directeur au GEELab, laboratoire spécialisé dans la recherche dans le domaine du jeu et du divertissement, à l’Université RMIT en Australie et à Karlsruhe en Allemagne.

L'Atelier : Vous évoquez le concept du "Gameful World", peut-on le traduire par gamification ?

Steffen Walz : Le concept "gameful" est plutôt général et renferme de nombreux aspects, entre autres le concept gamification. Mais ce serait réducteur de résumer tout cela seulement autour de la gamification. Aujourd’hui, ce terme est souvent utilisé en marketing pour faire le buzz. D’ailleurs, dans la communauté des gamers et des designers de jeux, les gens n’aiment pas trop ce terme. Nous travaillons actuellement sur un livre autour du concept "Gameful World" dans lequel nous évoquons la gamification, les jeux commerciaux pour recevoir des réductions, les serious games, ou bien des logiciels plus ludiques dans le sens où il n’y a pas de réel enjeu perdre/gagner. Les gens résument souvent à tort la création d’un jeu en ajoutant seulement un principe de points ou de badges à un concept, mais ce n’est pas du tout cela.

Au moment où le numérique et le multimédia sont partout, le message que nous transmettons est que l’ordinateur est une plateforme de jeux optimale. Initialement, les ordinateurs ont été conçus pour jouer et nous remarquons que l’ordinateur en lui-même devient un jeu. C’est pourquoi nous entendons souvent dire "software is eating the world" (le logiciel investit le monde) et de facto, les jeux aussi. La diffusion des algorithmes favorise également la diffusion massive des jeux. Mais résumer l’ensemble de ce mouvement par gamification n’est pas approprié.

De qui vient le besoin de jeux dans le domaine de la santé, des patients, des professionnels ou des développeurs de jeux ?

C’est un besoin global et toutes les parties prenantes ont différentes raisons. Cela vient d’abord des patients, ceux qui souffrent de maladies liées au mode de vie (diabète, maladie cardiovasculaire), c’est-à-dire les personnes de plus de 50 ans. Aujourd’hui, les smartphones sont adoptés par la majorité de la population, y compris par les seniors. C’est une nouvelle brèche pour le marché des jeux car les smartphones sont des plateformes de jeux que tout le monde a dans sa poche. C’est donc à travers la demande d’appareils électroniques que nous pouvons offrir des services de jeux. Du point de vue des médecins, les maladies liées au mode de vie dépendent du patient. Donc s’il existait un logiciel qui puisse fonctionner sur smartphone (considéré comme une extension de soi), il serait possible d’interférer sur ce type de maladies et d’intervenir. Ainsi, les produits de santé connectée deviendraient une sorte de thérapie. Enfin, du côté des tierces parties, les développeurs de jeux et autres entreprises impliquées dans le secteur, nous faisons partie intégrante de la stratégie de changement de comportement.

Il faudrait en réalité penser aux médicaments comme un matériel (hardware) et le processus de changement de comportement comme un logiciel (software). Avoir un bon hardware est important, mais il est aussi possible de traiter de nombreuses maladies avec un software. En tant que chercheur, je trouve cela fascinant et j’ai pu travailler sur de nombreux projets à ce sujet. Je me suis rendu compte que désormais, le jeu n’est pas seulement un logiciel additionnel mais il devient un produit à part entier. Les trois perspectives sont donc intéressantes, mais il y a aussi d’autres sujets à prendre en compte : les médias, le problème de la protection des données, etc.

Les jeux en santé constituent-ils un marché réel ?

Oui, absolument. Nous voyons se développer des applications qui sont certifiées, remboursables et même prescrites. Les jeux dégagent la promesse qu’ils sont ludiques et vont motiver les individus, et c’est donc quelque chose qui peut se vendre facilement. Mais il subsiste des problèmes au niveau de l’assurance, les gens ne prennent pas toujours les médicaments qui leur sont prescrits et cela coûte de l’argent au contribuable. Donc je pense que les jeux, et globalement les logiciels favorisant le changement de comportement peuvent sans certains cas se substituer à des médicaments. C’est un marché en développement qui a du potentiel.


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