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"Saint Laurent" : moins sage, le second biopic de YSL aux prises avec ses démons

Par Vierasouto


27 - 05
2014
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PITCH.
L'ascension et la chute du couturier Yves Saint Laurent sous l'égide de Pierre Bergé, son compagnon, entre 1967 et 1976. Créateur de génie, il révolutionne la mode féminine.
67° festival de Cannes, SO (compétition)
NOTES.
La salle était comble dimanche soir pour la reprise (23/25 mai, organisée par Gaumont-Opéra, Le Monde et Canal+) d'une sélection des films en compétition officielle à Cannes. C'est le second film sur Yves Saint Laurent en un an, celui de Jalil Lespert, adoubé par Pierre Bergé, n'ayant pas démérité avec ses acteurs hors pair, Pierre Niney et Guillaume Gallienne. Sans doute un peu trop sage quand Bonello montre le dessous des cartes de manière moins politiquement correcte. Mais si le premier est un peu lisse, le second tombe facilement dans l'emphase et la démesure d'un luxe raffiné Viscontien auquel la présence d'Helmut Berger (compagnon et acteur phare de Visconti) en YSL âgé vient donner caution.
On va traverser la fin des années 60 et le début des années 70, devenues cultes, liberté, créativité, libération des moeurs, drogues et vêtements hippie chic. Le tableau que fait BB de ces années-là est souvent somptueux, la première partie du film est très belle. C'est ensuite qu'on s'éternise dans la direction marketing que Pierre Bergé donne à l'entreprise où, avant l'heure, il veut faire de YSL une marque. Les relations de YSL et Pierre Bergé ne sont pas très différentes de ce que montrait le film de J.Lespert : l'artiste dépressif, capricieux, fragile, génial, le gestionnaire possessif, protecteur qui sauve à la fois l'homme et la maison de couture. Ici, on insiste davantage sur le fait que Pierre Bergé transforme son amant en "marque" avec notamment tous les produits dérivés, parfums, sacs, etc... Cette thématique de personnalités ayant fait de leur propre personne une marque (tel le couple Beckham ou la famille Kardashian) est d'avant-garde, sauf qu'ici le couturier, que n'intéresse que la création, est manipulé, objectalisé par le gestionnaire de sa vie.
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  1. 8:12 AM - 17 May 2014 · Details " data-user-id="50055584" data-feedback-key="stream_status_467608466304278530" data-you-follow="false" data-you-block="false" class="tweet original-tweet js-stream-tweet js-actionable-tweet js-profile-popup-actionable js-original-tweet my-tweet "> Camille Marty@Cine_maniac May 17

    "St Laurent", 1référence à une époque révolue? YSL était fou de La Callas, Bonello a prisé la décadence au sens 1er du mot CP @CannesFestTV

  2. 8:02 AM - 17 May 2014 · Details " data-user-id="50055584" data-feedback-key="stream_status_467605956516651008" data-you-follow="false" data-you-block="false" class="tweet original-tweet js-stream-tweet js-actionable-tweet js-profile-popup-actionable js-original-tweet my-tweet ">   Camille Marty@Cine_maniac May 17

    YSL regardait "Les Damnés" de Visconti en boucle en vidéo, d'où l'idée d'Helmut Berger pour la dernière partie CP @CannesFestTV#Cannes2014


  ET AUSSI.
Bonello aime l'érotisme et la sexualité extrême, obscure, les ambiances baroques, les mises en scènes flamboyantes luxe/luxure, ici comme dans "L'Apollonide", film ayant été
précédemment sélectionné en compétition au festival de Cannes. Quand YSL tombe amoureux de Jacques de Bascher, à l'époque compagnon de Karl Largelfeld (éternel second), il rencontre en quelque sorte le diable dans toute sa séduction, son double inavoué, le partenaire des pulsions sombres qu'il défoule la nuit en allant draguer dans les bas-fonds, en s'affalant, drogué, sur les sofas des clubs à la mode : Bonello réussit très bien à reproduire le saississant contraste entre les nuits fauves, pénombre, sexualité animale, personnages filmés de dos, et les jours lisses dans l'atelier de couture où, dans une ambiance monacale, tout est sous contrôle (le stress des collections à dessiner sans relâche planant dans le chic excessif des lieux), où l'on chuchote pour ne pas déranger le maître. Mais Pierre Bergé va payer Jacques de Bascher au prix fort pour l'éloigner défintivemet de Saint Laurent qui, de ce jour, va décliner...
On se perd un peu dans la seconde partie du film avec des allers et retours sur différentes périodes, le Helmut Berger de la fin du film, bonne idée au départ, est traité surtout comme un élément symbolique du décor pour ne pas dire l'insert Viscontien d'origine qu'on s'est offert. La raison en est que vers la fin de sa vie, YSL regardait "Les Damnés" de Visconti en boucle tout comme il était obsédé par La Callas.
Gaspard Ulliel (Saint Laurent) est stupéfiant, je ne le croyais pas capable d'une telle performance, Jérémie Rénier (Pierre Bergé) toujours parfait, comme d'habitude. Quant à Louis Garrel (Jacques de Bascher), il est crédible mais toujours un peu en surjeu. En bonus, Dominique Sanda qui joue la mère de Saint Laurent, Valeria Tedeschi-Bruni, une riche cliente relookée par le style masculin-féminin de YSL. Les deux muses du couturier qu'étaient Loulou de la Falaise (Léa Seydoux) et Betty Catroux font partie de ce luxueux décor, figurantes omniprésentes aux rôles secondaires mais des personnages essentiels de la biographie de Saint Laurent.
Tous les vêtements d'époque ont été recréés à l'exception de la "collection 40" (scandaleuse, les années d'occupation) prêtée par un collectionneur : on voit les pièces cultes de YLS : la saharienne beige à lacets (1968, avec sandales dorées à lanières, trop beau!), le smoking (1966), la robe Mondrian (1965), la collection russe, la collection africaine, l'inspiration orientale des années de vacances dans le somptueux palais de Marrakech de Pierre Bergé où YSL retrouve la lumière et les couleurs de ses origines, puisque né à Oran.
On se rend compte, images à l'appui, à quel point depuis Coco Chanel, personne n'avait révolutionné à ce point la mode féminine, tenant compte que, en priorité, la femme se sente bien dans ses vêtements : ce vestiaire emprunté aux hommes qu'il féminise de soiries, de bijoux, de talons hauts, de cheveux coiffés-décoiffés, est encore d'actualité aujourd'hui. Et Saint Laurent invente aussi très tôt des collections de prêt à porter (une révolution) avec sa boutique de la rue de Tournon et celle du faubourg Saint Honoré... Car le film est aussi un bel hommage à la mode et aux vêtements de Saint Laurent.
Avec une bonne demi-heure en moins, on aurait eu un super-film...

  photos Europacorp
photo (YSL et J de Bascher "en vrai") issue de la passionnante galerie de photos de Philippe Heurtault sur les années 60/70 VIP avec Saint Laurent, Jacques de Bascher, Karl Largelfed, Andy Warhol, Paloma Picasso, Thadée Klossowski, etc...   la saharienne culte portée par le célébrissime et mannequin
Veruschka (elle était géante) vue notamment dans "Blow up" d'Antonioni

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Mots-clés : avant-Premières, cinéfestival, Cannes 2014, cinéactuel, , Bertrand Bonello

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